Le CHU de Rennes se donne deux ans pour commencer à greffer des utérus à des femmes nées sans. Après une 1ère française en Ile-de-France en 2019, l'établissement breton deviendrait le 2e à réaliser une telle opération. Le Pr V. Lavoué, gynécologue à l'origine du projet, nous confie ses espoirs.
« Les femmes nées sans utérus le vivent comme une très grande injustice. On parle alors d’infertilité utérine absolue », explique le ProfesseurVincent Lavoué, chef du service gynécologie du CHU de Rennes.
Cela fait six ans que le Pr Lavoué et son équipe se préparent pour réaliser des transplantations utérines. Parmi ces transplantations, certaines seront issues de donneuses vivantes, d'autres de donneuses décédées.
L'été dernier, le projet a franchi une nouvelle étape en obtenant de la part du ministère de la Santé et des Solidarités un financement couvrant la réalisation de 16 transplantations utérines. Désormais, l'établissement breton se donne deux ans pour devenir le deuxième établissement français à réaliser une telle opération.
Invité par France 3 Bretagne, Vincent Lavoué répond à nos questions sur cette innovation médicale.
A qui s'adressent les greffes d'utérus ?
Certaines femmes naissent de manière congénitale avec des ovaires mais sans utérus et sans vagin. Cette pathologie, appelée syndrôme de Rokitansky, concerne environ 200 petites filles nées chaque année en France soit une naissance sur 4 000.
Ces patientes là ont toujours entendu dire que c'était impossible pour elles d'avoir des enfants si ce n'est en ayant recours à l'adoption ou à la gestation pour autrui. Avec la transplantation d'utérus, c'est la première fois qu'on leur dit que c'est possible.
Depuis quand, la transplantation utérine est-elle possible ?
La première opération réalisée avec succès remonte à 2014. On la doit à une équipe suédoise de l'hôpital de Göteborg (Suède) qui, en 2014, a réalisé la première naissance au monde issue d’une transplantation utérine.
Cinq ans plus tard, en France, l’équipe du Professeur Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine), a réalisé la première française avec la naissance de Misha, le 12 février 2019. Sa mère a bénéficié d'une transplantation utérine après un don d’organe d’une donneuse vivante. On dénombre aujourd’hui dans le monde 80 greffes d’utérus ayant donné naissance à 30 enfants.
Chaque nouvelle intervention permet d'améliorer la technique en permettant de raccourcir le temps opératoire, en simplifiant la technique et en la rendant accessible à davantage de femmes.
Quel chemin reste-t-il à parcourir avant les premières transplantations à Rennes ?
En juin 2021, le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) du ministère de la Santé et des Solidarités a décidé de soutenir ce projet à hauteur de 1,4 million d'euros. Cela nous permettra de réaliser 16 transplantations utérines. Huit d'une donneuse vivante, huit autres d'une donneuse décédée.
En effet, le protocole reste très coûteux depuis l'opération jusqu'à la fécondation in vitro en passant par le traitement et le suivi de greffe. Il faut compter 100 000 euros par patiente.
Le soin courant est pris en charge par la sécurité sociale mais pas la transplantation utérine, encore trop récente, qui doit être financée par un programme de recherche.
Dans un premier temps, nous nous donnons un an pour obtenir les autorisations réglementaires. En nous appuyant sur cette nouvelle étape indispensable ainsi que sur les compétences de l'équipe de transplantion du CHU de Rennes, du service qui réalise les fécondations in vitro, du service de gynécologie, nous espèrons obtenir le feu vert de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans les prochains mois.
Ensuite, nous comptons encore un an pour recevoir les couples en demande, les évaluer, voir si l'état des patientes est compatible avec la transplantation.
Autrement dit, à l'horizon 2023, le CHU espère réaliser ses premières transplantations utérines.