475 déclarations d’agressions de pharmaciens en 2023. Un chiffre en hausse de 30% en un an. Si la Bretagne est préservée par rapport d’autres régions, elle n’échappe pas au phénomène. "Les gens sont agressifs d’emblée, super-réactifs."
"Les agressions verbales, c’est quand même quelque chose depuis le Covid." Cette pharmacienne travaille dans une officine du sud de Rennes depuis 20 ans. Depuis la pandémie, elle remarque que son quotidien a changé. Pas pour le meilleur.
Pénuries de médicaments, reste à charge ou encore simples contrariétés, n’importe quel prétexte est devenu suffisant pour que certains patients s’emportent. Un phénomène en hausse comme le montre le dernier baromètre de la sécurité de l’exercice des pharmaciens.
"Les gens sont agressifs d'emblée"
475 déclarations d’agressions de pharmaciens ont été comptabilisées en France en 2023. Un chiffre, bien en deçà de la réalité, en hausse de 30% en un an.
Les Bretons n’échappent pas à la règle même si la région est plus apaisée qu’ailleurs. "On constate moins d’agressions verbales ou physiques que dans certaines zones hyperurbaines, explique Jean-François Guillerme, président de l’Ordre des pharmaciens bretons. Néanmoins les chiffres n’ont pas cessé de croître. Il y a un certain nombre d’agressions physiques et verbales, du vandalisme, des cambriolages."
"Il y a beaucoup plus d’agressions verbales qu’avant, constate la pharmacienne rennaise. Les gens sont agressifs d’emblée, super-réactifs. Personne ne veut débourser quoi que ce soit et quand on leur dit qu’il a un reste à charge, c’est la fin du monde."
Parmi les principales raisons de mécontentement : les ruptures de stock de médicaments. "Les gens sont toujours surpris quand on leur parle de pénurie." Un phénomène récurrent pour de nombreux médicaments depuis la pandémie.
Disparité géographique
La situation n’est pas la même dans la banlieue rennaise, dans un petit bourg de campagne ou bien dans le centre-ville de Vannes plus aisé.
Un pharmacien d’Auray (Morbihan) trouve ces patients "plutôt cool, même s’il y a des moments de tensions pour une pénurie, un problème de carte Vitale ou de reste à charge. Des personnes montrent leurs agacements et peuvent être agressives."
"C’est plus facile de rouler des mécaniques avec une femme"
Il constate aussi une forme de lâcheté quand il s’agit d’agresser un, et en l’occurrence une pharmacienne. "Personnellement, je suis un homme d’1m90 et je fais 85kg, on vient moins me chercher. Les patients s’énervent plus sur des femmes surtout si elles sont plus petites qu’eux. C’est plus facile de rouler des mécaniques et d’être agressif avec une femme."
Ce qui n’arrange pas les choses quand l’immense majorité de la profession est féminine. "Un cliché" qui est également partagé par la Rennaise.
Manque de courtoisie
Certains pharmaciens en sont venus à placarder des règles élémentaires sur les vitrines et les comptoirs. Sur la carte Vitale, le reste à charge, les mutuels. Une tentative pour désamorcer d’éventuels conflits.
À Rennes, une pharmacie a placardé des pictogrammes avec des téléphones barrés un peu partout dans l’officine. "Les gens sont moins courtois. Ils sont avec leur téléphone en permanence, ils ne raccrochent pas, ne répondent pas nos questions."
Jean François Guillerme et l’ordre national des pharmaciens ne prennent pas ses problèmes à la légère. "Cela génère du stress et parfois des traumatismes dans les officines. Il se passe des choses déplaisantes. Il y a parfois des patients qui se déshabillent quand ils ne sont pas contents. Et je vous passe les insultes, les crachats et les nombreuses incivilités."
Coopération avec les gendarmes
L’ordre breton a signé une convention sécurité avec la gendarmerie l’année dernière. "Et nous espérons signer une convention avec la police l’année prochaine." Il souhaite ainsi renforcer la coopération entre les autorités et les pharmaciens. Il espère aussi pouvoir mieux former les pharmaciens sur les attitudes à avoir ou sur les équipements à mettre en place pour se protéger.
L’immense majorité des faits violents ne sont pas remontés. L’ordre espère que les signalements seront plus systématiques dans les prochains mois et années. "Il existe des interlocuteurs privilégiés pour les pharmaciens dans tous les départements : des référents sécurité du conseil de l’ordre et des référents sûreté de la gendarmerie et de la police."