En 1820, on comptait plus d’une centaine de distilleries dans le Nord-Pas-de-Calais. Aujourd’hui, il n’en reste plus que deux. Lionel Persyn est le directeur de l’une d’elle, la distillerie de Houlle, la plus ancienne de France.
Au cœur du Nord-Pas-de-Calais, région imprégnée d'une riche tradition industrielle et artisanale, se trouve la distillerie de Houlle, véritable joyau hérité du passé. Cette entreprise familiale a à sa tête Lionel Persyn. Aujourd'hui, elle demeure l'un des derniers vestiges d'une époque révolue, un symbole de résilience et d'innovation.
La distillerie de Houlle est une entreprise familiale fondée en 1812. L'histoire de Lionel Persyn est étroitement liée à celle de la distillerie. Elle n'est pas seulement son lieu de travail, c'est aussi un héritage familial, un rappel constant de ses racines et de son attachement à sa région. "C'était mon terrain de jeu quand j'étais gamin. Le lien est régional, familial, patrimonial".
Avant de devenir le directeur de la distillerie, Lionel a suivi un chemin bien différent. Après des études en pharmacie, il aurait pu rêver d’une carrière classique dans le domaine médical, avant de reprendre l’entreprise. Ses études n’ont pas été vaines pour autant : "Elles me sont très utiles aujourd’hui, je continue à faire un petit peu de chimie quelque part". La distillerie est la plus ancienne de France. Comme beaucoup de distilleries à l’époque, elle a été initiée pour utiliser les surplus de grains de la ferme dont elle dépendait alors. "Elle permettait que les grains restants soient valorisés plutôt qu’ils ne pourrissent pendant l’hiver".
Une adaptation à toute épreuve
L'histoire de la distillerie de Houlle est intimement liée à celle de la région. Autrefois, elle produisait du genièvre, un alcool local populaire parmi les mineurs et les ouvriers de l'industrie textile au 19ᵉ siècle. Inventé aux Pays-Bas, c’était au départ un médicament. Au Moyen Âge, on appelait même la baie de genévrier : la panacée. Le genièvre est devenu alcool de bouche à partir du moment où ce sont les caractéristiques gustatives qui ont été mises en avant. Cependant, avec l'évolution des goûts et des tendances, la demande pour ce spiritueux a commencé à décliner dans les années 70, mettant en péril l'avenir de la distillerie. Face à ce défi, Lionel Persyn a su faire preuve d'audace et d'ingéniosité. Il a entrepris de réinventer le genièvre et de proposer des dérivés adaptés aux exigences de la mixologie moderne.
Lionel Persyn a notamment eu l’idée de concevoir un long drink, plus adapté à la confection de cocktails. Pour cette création, il a fallu un déclic lors d’un séjour à Londres. "Je voyais les Anglais avec leurs différents gins et surtout avec énormément de tonic. À l’époque, on ne connaissait pas ça en France. Je suis rentré de Londres, en me disant, "il nous faut à tout prix quelque chose que l’on puisse utiliser en cocktail", puisqu’on ne l’avait pas dans la gamme. Voilà comment est née l'idée du Long Drink et puis l’évolution qui en fait le produit actuel. (...) Les premiers gin étaient quelque part des genièvres. On pourrait dire que c’est un gin old-fashion, maintenant légalement parlant, ça reste un genièvre."
Cet alcool de genièvre particulier est le produit d’une quatrième distillation à laquelle on ajoute, contrairement à l’alcool classique, des baies de genièvre fraîches. Dans les baies fraîches, "on retrouve des notes d’agrumes, un côté plus végétal, avec des arômes plus fruités. La différence avec la baie sèche est lorsqu'on l'écrase avec les doigts, on a vraiment du jus qui éclabousse".
Avec ce Long drink au genièvre, Lionel a imaginé un cocktail pour le carnaval de Dunkerque : le diabolo flamand. Sa recette ? Une dose de Long drink, un trait de sirop de violette, de la limonade et de l’eau gazeuse à parts égales et une rondelle de citron.
Cette rencontre est à retrouver dans l’émission Succulent !, diffusée sur France 3 Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Occitanie et Paris Île-de-France.