Près de 2000 personnes ont défilé à Rennes ce samedi 25 à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Dans le cortège, plusieurs générations de femmes qui se battent pour une même cause. Chloé, étudiante et Annie, ingénieure retraitée, nous racontent leurs rêves et leur combat.
"Sous les paillettes, la rage !", "Je ne t'aime pas à en mourir", "On ne naît pas femme, on en meurt", "Céder n'est pas consentir", "Trop de bites dans les élites", "On ne tue jamais par amour", "Brisons le silence, pas les femmes"... Pas de doute, à Rennes, le poids des mots en dit long sur la colère des manifestantes qui les scandent ou les brandissent.
Parmi elles, Chloé et Annie. Même combat, même colère, mêmes espoirs, mais une expérience des luttes féministes bien différente alors que presque deux générations les séparent.
Chloé est étudiante et suit un double diplôme à Sciences Po Rennes et à l'Insa où elle est membre des "Insatisfait.e.s", une association féministe. Annie, elle, a été ingénieure et est désormais retraitée. Elle a dû élever ses enfants seule à une époque où être mère célibataire était encore peu courant.
Pour chacune, manifester en cette journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes est une évidence.
"Pendant trop d'années, surtout pour ma génération, on n'avait pas le choix. Il fallait se taire, subir, rester digne, ne rien montrer, alors que là, maintenant, depuis #meetoo essentiellement, les choses sortent et il était grand temps parce qu'il y a quand même énormément de souffrance. Ce n'était pas juste."
Annie, ancienne ingénieure et retraitée
"On se rend compte que depuis #metoo, la parole se libère", reconnaît aussi Chloé en distribuant des pancartes aux slogans féministes.
"Mais malheureusement, quand on voit les faits, les chiffres, on n'a pas d'avancée, on n'a pas de diminution des problèmes de viol, des problèmes de violences sexistes et sexuelles malgré cette liberté de parole."
Chloé, étudiante à Science Po Rennes et à l'Insa
En effet, les chiffres illustrant ces problèmes sont terriblement stables : en 2022, 118 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon le ministère de l'Intérieur. En 2021, elles étaient 122. Le 17 novembre 2023, l'association "Nous toutes" dénombrait déjà 121 féminicides.
"J'ai l'impression qu'on prend le problème à l'envers, s'agace la retraitée. On essaie de résoudre les problèmes des femmes, et il faut bien les résoudre, mais on devrait aussi s'intéresser aux hommes qui sont responsables des violences."
"On devrait davantage condamner les hommes, les faire sortir des appartements pour que ça soit les femmes qui restent avec leurs enfants. Pour que ça ne soit pas leur vie à elle et celle de leurs enfants qui soit complètement perturbée, mais que ça soit bien les agresseurs qui soient tenus à distance des femmes."
Annie, retraitée et ancienne ingénieure
"Ce que je déplore, c'est qu'il y a énormément de promesse qui sont faites, mais rien n'est réalisé, tempête Annie. Alors, il est important de faire nombre et de dire tout haut ce que plein de femmes n'osent pas dire !"
Si aujourd'hui, cette sexagénaire manifeste sa colère, lorsqu'elle avait l'âge de Chloé, les choses étaient bien différentes :
"Quand il y avait des manifestations organisées pour la cause des femmes, on était moquée, ça se retournait contre nous. Et puis, manifester pour la cause des femmes, moi, je ne pouvais pas. J'étais complètement prise par ma vie professionnelle, l'éducation de mes enfants comme mère seule."
Annie, retraitée et ancienne ingénieure
Pour Chloé, le rassemblement de nombreuses générations autour de cette même cause est enthousiasmant : "Je trouve que c'est génial que ça touche toutes les générations, qu'on soit toutes motivées à parler, à agir face à ces violences toujours prégnantes. C'est aussi peut-être un peu triste de savoir que ça touche toutes les générations. Ce n'est pas parce qu'on est jeune qu'il ne se passe rien. Personne n'est à l'abri de ça."
Si Annie avoue parfois être "découragée" par cette "lutte sans fin", elle dit être aussi soulagée en constatant la vigueur du combat féministe : "Moi, je me disais : "ce n'est pas possible ! Je vais partir et rien n'a bougé. On s'est battu des années et des années pour rien du tout !" Là ça y est au moins les choses sont sur la voie publique."