Il comprend 18 femmes et 16 hommes, le gouvernement de Gabriel Attal est enfin complet. À peine annoncé, une polémique est lancée par François Bayrou. Un gouvernement trop "parisien ou francilien", accusé par le président du Modem d'être loin des réalités des Français. Alors d'où viennent vraiment les membres du gouvernement ?
La colère de François Bayrou n’est pas passée inaperçue. Le patron du Modem a refusé une place au gouvernement pour désaccord “profond sur la politique à suivre”. Le maire de Pau a souligné le manque d’identification dans le pays entre la population et les politiques.
Le président du Modem a laissé entendre sur le plateau de Franceinfo que “11 ministres parisiens ou franciliens” étaient présents sur les 14 ministres de plein exercice. “Et pas un seul du sud de la Loire”.
"Un deuxième sujet me préoccupe terriblement, dit François Bayrou, c'est la rupture constante, continuelle, progressive et de plus en plus grave entre la base et les pouvoirs". On a un gouvernement qui comporte "sur quatorze, onze ministres parisiens ou franciliens", pointe-t-il. pic.twitter.com/DJBVhBHc9H
— franceinfo (@franceinfo) February 8, 2024
La réalité n’est pas si simple. D’où viennent les ministres et les membres du gouvernement ? En établissant une carte des lieux de naissance des 14 ministres et 21 ministres délégués et secrétaires d’Etat, la totalité des régions hormis la Corse est représentée par ce premier gouvernement de Gabriel Attal. Et pour répondre à François Bayrou, une ministre de plein exercice vient du sud de la Loire. Sylvie Retailleau est originaire de Nice.
Notre carte indique les lieux d’où sont originaires les membres du gouvernement.
La région parisienne surreprésentée
Le maire de Pau a cependant vu juste. La région parisienne est surreprésentée au sein du conseil des ministres. En prenant en compte les ministres délégués, l’Île-de-France compte au moins 16 membres du gouvernement ayant grandi à Paris, quand un seul vient de Bretagne, de Nouvelle-Aquitaine ou d’Auvergne-Rhône-Alpes.
La deuxième région la mieux représentée après la région parisienne est la Provence-Alpe-Côte d’Azur avec trois membres du gouvernement. La différence avec Paris est vertigineuse
François Bayrou qualifie la situation de “déséquilibre”, accusant cette situation d’être à l’origine de “la progression des extrêmes et du Rassemblement National”.
La réponse du premier ministre s’est faite sur le terrain. Accusé de déconnexion, Gabriel Attal enchaîne les déplacements. Et ses ministres savent mettre en avant l’ancrage qui les lie avec un territoire.
Cependant à y regarder de plus près, l’implantation politique des membres du gouvernement renforce la prédominance parisienne.
Pour Paul Molac, député du Morbihan et engagé pour la défense et la culture de la Bretagne “on fait de la politique avec ce que l’on est et d’où l’on vient”. Ancien LREM, Paul Molac est aujourd’hui indépendant. Pour le Breton, l’homme politique pense à l’intérêt général mais “l’intérêt général dépend d’où l’on vient. Et quand on vient de Paris, ce n’est pas toujours la même manière de voir”.
“C’est un problème, depuis 2017 [l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée] le pouvoir est très parisianiste, un pouvoir toujours tourné vers Paris”.
Comme Français Bayrou, Paul Molac met en avant la crise du monde agricole ou celle des Gilets jaunes comme exemple de deux mondes divisés. “D’un côté un pouvoir qui fait des réglementations ultra-techniques, éloignées de la réalité du terrain. Et de l’autre un monde qui doit faire avec ces textes inapplicables”.
Remettre du lien
Ce jeudi 8 février, Eric Woerth présente à la délégation aux collectivités territoriales du Sénat sa mission sur la décentralisation. Mission lancée par le président de la République pour son choc de simplification et permettre de recréer le lien “rompu” entre contribuables et citoyens.
Face à lui, la sénatrice d’Ille-et-VIlaine milite pour assouplir la tutelle de l’Etat sur les élus locaux.
Paul Molac milite pour une plus grande autonomie des territoires. Mais avec de 50% des dirigeants qui viennent de région parisienne, le Breton ne se fait pas d’illusion à court terme.
“Je ne vois pas dans le gouvernement, l’élan pour permettre aux élus locaux de mieux assumer leurs compétences”. Pour le Breton, “l’administration centralise tout, il n’y aura pas de véritable changement sur les trois prochaines années”.