Le 6 janvier dernier, Lucas Freton, chirurgien urologue, a réalisé la première vaginoplastie du CHU de Rennes. L'établissement rejoint la courte liste des hôpitaux où l'on pratique cette opération. Grâce à cette intervention chirurgicale, un homme, qui se vit femme, possède enfin un corps qui lui ressemble.
On peut être né homme, dans un corps d’homme, avec un sexe d'homme et se sentir femme. "C'est parfois beaucoup de souffrance", témoigne Lucas Freton, chirurgien urologue au CHU de Rennes.
"Les femmes trans ont des organes génitaux qui ne leur correspondent pas. Quand elles prennent une douche, quand elles se regardent dans leur miroir, chaque fois qu'elles font un geste et qu'elles voient leurs organes génitaux natifs, c'est une blessure."
Depuis la fin des années 70, les opérations de changement de sexe sont devenues légales en France. Ce qui semblait médicalement impossible hier est aujourd'hui réalisable.
Un geste très technique
La vaginoplastie est une intervention chirurgicale qui sert à construire un vagin à un homme qui se sent femme. Pour fabriquer un vagin et une vulve, l’équipe chirurgicale du CHU de Rennes a utilisé le sexe masculin du patient. Un passage a été creusé puis recouvert de la fine peau du pénis pour former une cavité sensible. Un clitoris a ensuite été conçu à partir du gland riche en terminaisons nerveuses.
Lucas Freton, chirurgien urologue et andrologue au CHU de Rennes a réalisé l’opération avec Nicolas Morel-Journel du CHU de Lyon. 'Il y a beaucoup de gestes que l'on réalise dans d'autres opérations, mais ce sont des gestes très techniques. On utilise beaucoup les organes génitaux existants, et quand à la fin de l'intervention, on met tout en place, ça prend tout sons sens. Le résultat est bluffant."
" C'est une rencontre avec Nicolas Morel-Journel, chirurgien, spécialiste de reconstruction urinaire qui m’a amené à découvrir celle d’affirmation de genre et à rencontrer certains de ses spécialistes, explique-t-il. Au fil du temps, j’ai développé une réelle fibre pour ce sujet qui se traduit aujourd’hui par la volonté d’accompagner les personnes trans dans leur projet d’affirmation de soi, lorsque celui-ci passe par un changement génital."
Une question de genre
"Ce que l’on appelle Transidentité détaille-t-il, c’est la non-conformité entre le genre assigné à la naissance basé sur l’aspect extérieur des organes génitaux externes et l’identité de genre qui est de l’ordre du ressenti intime."
Certain(e)s personnes trans ou transgenres changent de prénom, d’identité à l’état civil. "D’autres considèrent la chirurgie d’affirmation de genre comme une étape incontournable de leur transition, essentielle à leur bien-être, poursuit le chirurgien, ne pas y recourir peut nuire à leur bien-être et altérer leur qualité de vie."
Pendant deux années, le médecin rennais s’est formé à la vaginoplastie auprès de son homologue lyonnais.
En France, la première opération "officielle" de réassignation sexuelle a eu lieu en 1979, à Paris. Mais le service du docteur Morel-Journel qui est en pointe pour ce type de chirurgie.
Des progrès de la médecine... et de la société
"Au début des années 2000, se souvient le docteur Morel-Journel, on opérait dans le secret, tout était confidentiel. La société a bougé, évolué, et accepté que des gens puissent accomplir cette démarche."
être mieux dans la vie de tous les jours, dans la vie en société et dans son image corporelle
Dr Morel-Journel
"La chirurgie d’affirmation de genre permet aux personnes de se sentir mieux dans leur corps. Quelqu’un qui a de la poitrine alors qu’il se sent homme va demander l’ablation de cette poitrine pour pouvoir vivre mieux, être mieux dans la vie de tous les jours, dans la vie en société et dans son image corporelle, ce qu’il voit dans sa glace tous les matins."
L’opération dure entre 4 et 6 heures. La première patiente est rentrée à son domicile, d’autres opérations ont déjà eu lieu et une cinquantaine sont prévues dans les mois qui viennent.
Les équipes chirurgicales sont encore rares en France. La vaginoplastie est proposée Lyon, Paris, Saint-Etienne, Limoges et Lille. Mais les temps d'attente sont très longs. Les patientes doivent parfois patienter 5 à 6 ans. "A Rennes, notre délai est d'un an. Alors, on a des femmes qui viennent de Toulouse, d'Amiens, de Genève. "
Elles nous ont dit Merci !
En quittant l'hôpital, les premières patientes opérées nous ont dit "Merci".
"Bien sûr, rapporte Lucas Freton, elles vont avoir une grande phase de cicatrisation avant que leurs nouveaux organes génitaux aient leur aspect définitif. Il va falloir un peu de temps pour mettre tout ça derrière elles, mais c'est un grand pas !"
"Quand elles arrivent en consultation à l'hôpital, certaines suivent un traitement hormonal depuis un ou deux ans. Cela veut dire qu'elles avaient déjà longuement réfléchi à la question."
Bientôt, la chirurgie masculinisante
Dans les années à venir, Lucas Freton prévoit de développer des chirurgies masculinisantes, comme la Phalloplastie qui permet de créer un sexe masculin.
L’opération est plus délicate et le suivi post opératoire est également plus compliqué, mais "on doit davantage développer l’information et la formation sur ce sujet car cela concerne de très nombreuses personnes et les centres compétents dans cette chirurgie sont encore trop rares. A mesure que la parole se libère, les demandes se multiplient et il s’agit d’être en capacité d’offrir à ces personnes, en France, les soins auxquels ils ou elles ont droit "insiste Nicolas Morel-Journel.
Ces questions de genre concernent 0,6% de la population mondiale. Cela représente plus de 30 000 personnes pour la seule région Bretagne. "Tous et toutes ne se feront pas opérer, mais pour celles et ceux qui en ont besoin, il est important qu'on soit là" conclut le docteur Freton.