A la découverte des "petites mains" du canal d'Ille-et-Rance

Entre l'écluse du Mail à Rennes et celle du Châtelier, à Saint-Samson-sur-Rance (22), le canal d'Ille-et-Rance déroule ses près de 85 km et ses 48 écluses. Parmi les touristes, joggeurs et cyclistes, on peut croiser ceux qui entretiennent et font vivre le canal, avec passion.


Si ceux - touristes, plaisanciers, riverains – qui connaissent Hédé-Bazouges et ses incontournables onze écluses, ou encore le joli port de Dinan, sont nombreux, plus rares sont ceux qui soupçonnent le travail de fourmi nécessaire à l’entretien de cette belle voie d’eau et de ses abords.

Conserver, restaurer, protéger ce patrimoine fluvial hérité du 19e siècle, l’embellir et le « vendre » aussi, c’est la mission quotidienne des menuisiers, jardiniers, éclusiers, maçons, etc., des Voies navigables de Bretagne.

Toute l’année, les « petites mains du canal » veillent avec passion sur des ouvrages dont la construction remonte pour certains à Napoléon 1er, sur un environnement fragile et sur des visiteurs de plus en plus nombreux à choisir de s’aventurer dans cette Bretagne de l’intérieur.


Les « petites mains » du canal


À deux kilomètres de Dinan, une autre cité médiévale enjambe la Rance. Léhon, connue pour sa splendide abbaye Saint-Magloire, fondée au IXe siècle. Témoin de l’époque faste de cette bourgade, l’abbaye attire de nombreux visiteurs qui se pressent à la belle saison sur son vieux pont.

En contrebas, à la barre de sa barge, Jean-Marie, lui, ralentit pour admirer le passage secret construit pour les moines bénédictins sous ce pont pittoresque ou encore le « vide-bouteille » un peu plus loin.

Employé aux Voies navigables de Bretagne (VNB) depuis bientôt 14 ans, Jean-Marie travaille, goûte chaque jour le plaisir d’être sur l’eau, de travailler dans un environnement verdoyant, loin du vacarme de la ville.

Son rôle : entretenir les berges, tailler les herbes trop hautes, les plantes envahissantes, s’assurer que les pontons et autres infrastructures des voies navigables sont en bon état et que rien ne vienne gêner la navigation ou la ballade sur le halage.

Jean-Marie a conscience d’être un peu responsable de la « vitrine » du territoire. Au service des plaisanciers et des touristes qu’il croise de plus en plus tôt le matin, à vélo, à pied, à bord d’un kayak ou d’une péniche. Des « usagers » du canal qui sont souvent loin de se douter qu’on s’active tous les jours pour faire de ce canal un long fleuve tranquille.


Tranquillité et harmonie


C’est un peu le mantra de David. Lui est artisan menuisier, responsable d’un atelier aux VNB. Un excellent menuisier à en croire ses collègues. Son job : restaurer notamment les centaines d’ouvrages de la Région le long des 600 km de canaux bretons : maisons éclusières, barrières de halage, bancs, etc.

Ce jour-là, David se rend sur une propriété privée de la commune de Tressaint dans les Côtes d’Armor. Un ancien moulin reconverti en maison secondaire qu’il nous ouvre avec respect et gourmandise.

En face de l’ancien moulin, un vannage et comme posé sur l’eau : une cabane en bois.

Ce poste de surveillance du vannage est propriété de la Région Bretagne et c’est à ce titre que David y a accès depuis plusieurs semaines.

Le site est fabuleux mais l’ancien poste, décrépi, en béton, a été entièrement déposé.

A l’intérieur, l’armoire électrique - trop basse - menaçait d’être inondée en cas de crue. Avec son apprenti, le menuisier met la dernière touche à l’ouvrage qui vient remplacer l’ancien bâtiment gris. Il lui redonne une « âme ».

« C’est du pin douglas, du bois du canal ! » explique fièrement David. « On rénove avec du bois local et c’est vraiment plus harmonieux dans ce cadre-là, vous ne trouvez pas ? ».

La Région emploie aussi des entreprises locales pour la découpe du bois - pin ou châtaignier - et replante les arbres à l’endroit où ils ont été prélevés.

David est né à Dinan, ville qu’il a quittée pour le Jura avant de revenir en 2015.

Depuis, grâce à son travail aux Voies navigables, il redécouvre sa région, des lieux auxquels seuls quelques privilégiés ont accès comme ce bras sauvage de la Rance. Pas de lassitude pour lui, chaque fois qu’il quitte son atelier d’Evran, il sait qu’il aura la surprise d’un vol de martin-pêcheur ou de héron.

On donne du bonheur

A quelques encablures de Tressaint, l’écluse du Pont-Perrin, à Saint-Carné près de Dinan abrite un éclusier, sa femme, des chiens, des chats, des poules, des lapins et deux ânes immanquables : Cactus et Pépito.

« Lorsque j’ai été embauché ici, à la maison éclusière, la Région souhaitait qu’il y ait des animaux », raconte Olivier, employé ici depuis 2016, « les ânes font aujourd’hui partie de la famille et sont très utiles ! »

Entretenir le gazon du halage et le jardin, amuser les enfants et détendre les plus grands, telle est la mission de Cactus et Pépito.

Les deux ânes participent à l’ambiance sereine et joyeuse qui règne ici. Les cyclistes, randonneurs et navigateurs sont dithyrambiques après leur passage à l’écluse numéro 46 : c’est la plus belle du canal d’Ille-et-Rance !

Olivier et Frédérique, sa compagne, y sont pour beaucoup. Elle entretient bénévolement le jardin, lui s’active aux manœuvres mais pas seulement : « Toute halte ici doit être une rencontre, même de quelques minutes. Les gens doivent se sentir bien accueillis », insiste Olivier.

Après des années dans l’industrie automobile, les trois huit, le Vendéen a changé de vie et de région. Il a trouvé à Pont-Perrin un métier aux antipodes de sa vie d’avant, une vie rêvée à la campagne sans la monotonie.

Frédérique sourit quand Olivier raconte la fois où des randonneurs ont passé la tête dans la fenêtre de la cuisine pour demander ce qu’elle avait prévu pour le déjeuner. « Il y a bien quelques (trop) curieux, fous du guidon ou navigateurs anxieux qui oublient que la maison éclusière est aussi notre lieu de vie et qu’il y a quelques règles à respecter mais dans l’ensemble les gens sont très sympathiques ».
 

15 bateaux par jour en moyenne, l’été


Pendant qu’il pousse les balanciers de l’écluse à la force du corps, Olivier explique que « 28 000 m3 sont évacués en sept minutes ».

La manœuvre se fait à l’ancienne partout sur la Rance. Seules les vantelles qui laissent entrer ou sortir l’eau sont actionnées à partir d’un tableau électrique.

 « C’est beaucoup d’eau alors quand un autre bateau est à l’approche, on fait attendre celui qui se présente à l’écluse pour économiser non pas notre énergie mais les mètres cubes d’eau. Elle est précieuse même si on n’en manque pas sur la Rance », précise l’éclusier, son gilet de sauvetage sur le dos, obligatoire lors des manœuvres.

Olivier Bobin est moniteur sauveteur en rivière et pompier à la caserne de Dinan. Tout peut arriver quand on est éclusier mais Olivier n’échangerait sa place pour rien au monde !
 
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