La mairie de Rennes sur décision du procureur a décidé de ne pas laisser son apostrophe à Derc'hen, un petit garçon né en août dernier. En consultant les datas de la ville pourtant, deux enfants ont eu plus de chance en 2017, Tu'iueva et N'néné. Et d'autres avant eux aussi.
Ils voulaient appeler leur fils Derc'hen, né en août 2017. L'état civil de Rennes finit par leur refuser ce prénom, en s'appuyant sur une décision du procureur. Ce dernier applique une circulaire datant de 2014, laquelle donne des règles sur l'usage des prénoms, et plus précisément sur l’usage des signes diacritiques et des ligatures. Elle précise que seuls les signes diacritiques connus de la langue française sont admis (soit à – â – ä – é – è – ê – ë – ï – î – ô – ö – ù – û – ü – ÿ – ç). Elle ajoute que les ligatures æ et œ sont aussi autorisées. Selon cette circulaire, adieu le ñ de Fañch, ce qui a effectivement été le cas, le "Ł" ou le "Ø" .Dans une tribune libre, l'avocat nantais Bruno Le Toullec évoque la faiblesse voire l'absurdité des arguments liés à cette circulaire et souligne que cette dernière "n'interdit pas plus les apostrophes que les tirets".
Hier, la mairie de Rennes argumentait sa décision pendant une conférence de presse et indiquait que Nathalie Appéré saisirait la Garde des Sceaux, afin de faire modifier cette circulaire.
Apostrophe aléatoire
En consultant les datas de la ville, accessible à tout à chacun, force est de constater que la règle n'est pas toujours appliquée. D'autres enfants ont eu la chance de garder leur apostrophe, et ils sont aussi nés en 2017 : Tu'iueva et N'néné.
Avant eux, on retrouve également en 2016, D'jessy, en 2015, N'Guessan, et en 2014 Chem's ainsi que N'Khany. À Brest et pour les naissances 2017, Mathy's et N'dia sont aussi passés à travers du filtre de la circulaire.
L'apostrophe bannie ne manque pas de susciter les crispations. Dans un communiqué, l'Union démocratique bretonne de Rennes a réagi à son tour "Les prénoms refusés ces derniers mois ne portent aucun préjudice à l’enfant ! Sans doute faut-il comprendre qu’ils portent atteinte, en revanche, à une République nationaliste? À l’heure où Rennes accueille les Assises de la Citoyenneté sur le thème du "vivre-ensemble", l’État démontre par ce type de décisions grotesques qu’il ne fait pas bon être Breton au "pays des Droits de l’Homme".
"Risque de rupture d'égalité"
"Il y a là un risque de rupture d'égalité entre ceux qui bénéficient d'ores et déjà d'une apostrophe et ceux qui feraient l'objet d'une application stricte de la circulaire de 2014" a reconnu ce mercredi le procureur de Rennes Nicolas Jacquet, . Le procureur général de Rennes, Jean-François Thony, a en outre annoncé qu'il allait "procéder, de manière précise et détaillée, à un nouvel examen de cette situation juridique, en lien avec l'administration centrale". La question va donc être réexaminée avec le Ministère de la justice et les deux hommes espèrent une prise de position rapide.