Un patient est en état de mort clinique, 4 autres dans un état grave à Rennes, un 5ème a été hospitalisé ce vendredi, suite à un essai thérapeutique effectué par le laboratoire Biotrial à Rennes. 90 personnes ont pris ce médicament, "qui ne contient pas de cannabis", selon Marisol Touraine.
L'accident survenu lors d'un essai thérapeutique mené dans un laboratoire à Rennes est d'"une gravité sans précédent", selon la ministre de la Santé Marisol Touraine et l'agence du médicament (ANSM). "Je n'ai connaissance d'aucun événement comparable. C'est inédit", a déclaré la ministre de la Santé, lors d'une conférence de presse à Rennes.
Les faits
"90 personnes se sont vues administrer cette molécule à des doses variables", a indiqué la ministre de la Santé. Cet essai a accidentellement conduit à la mort cérébrale d'une personne, tandis que cinq autres étaient hospitalisées. Il s'agit de six hommes âgés de 28 à 49 ans qui habitent en Bretagne pour cinq d'entre eux et en Mayenne, pour l'un d'entre eux."Ces personnes auraient commencé à prendre le médicament le jeudi 7 janvier. Des premiers symptômes seraient apparus le dimanche 10 janvier sur une personne. Les cinq autres ont été hospitalisées progressivement depuis", a-t-elle ajouté. Cet essai sert à évaluer les effets du médicament, d'abord administré en dose unique, c'est-à-dire administré en une seule fois, ensuite administré en doses multiples c'est-à-dire avec la prise répétée du comprimé sur plusieurs jours et enfin "dans le cadre d'une prise concomitante au repas", a-t-elle expliqué. "Ce sont des personnes qui ont pris de manière répétée le médicament qui sont victimes des événements indésirables survenus".
Aucun problème n'a été signalé chez les 84 autres patients, ils seront tous vus par un médecin au CHU et devraient passer une IRM.
Le médicament, dont les tests sont suspendus, "ne contient pas de cannabis, ni de dérivé" a précisé la ministre de la Santé.
Comment vont les malades?
A l'heure qu'il est "l'un d'entre eux est dans un état de mort cérébrale, les cinq autres sont hospitalisés dans les services de neurologie de ce CHU". "L'essai qui est aujourd'hui en cause prévoyait d'inclure 128 volontaires sains hommes ou femmes âgés de 18 à 55 ans", a-t-elle relaté. "A ce jour, ce sont 90 personnes qui se sont vues administrer cette molécule à des doses variables, d'autres ont reçu un placebo."Le médecin-chef du pôle de neurosciences du CHU de Rennes, Pierre-Gilles Edan, qui intervenait au côté de la ministre lors de cette conférence de presse à Rennes, a évoqué la possibilité que certains des patients conservent un handicap "irréversible" mais a rapidement insisté, en fin de conférence, sur le fait qu'il s'agissait de craintes et non de certitudes, à ce stade.
Enfin, cet accident est survenu dans le cadre d'un essai clinique de phase 1, c'est-à-dire sur des volontaires sains, "dans le but d'évaluer la sécurité d'emploi, la tolérance, les profils pharmacologiques de cette molécule", précise le ministère dans son communiqué.
Quel laboratoire a mené ces tests?
C'est le laboratoire Biotrial situé à Rennes qui était chargé de mener les tests. Un laboratoire, agréé par le Ministère de la Santé, qui travaillait pour le compte du groupe pharmaceutique portugais Bial. Le produit testé est une molécule à "visée antalgique" (antidouleur). Mme Touraine a précisé que l'essai portait sur une molécule ne contenant pas de cannabis, ni d'extrait de cannabis, contrairement à ce qui avait été initialement indiqué.Un autre acteur rentre dans cette affaire, c'est Bial, le promoteur du médicament testé par Biotrial. Ce groupe pharmaceutique portugais a été fondé en 1924. Il est présent dans divers secteurs thérapeutiques comme le système nerveux, le cardiovasculaire et les troubles respiratoires, ou encore les antibiotiques et les allergies, indique son site internet. Il n'a pas de site en France.
Selon le laboratoire Biotrial, les essais ont été menés "en pleine conformité avec les réglementations internationales".
— Biotrial (@Biotrial) 15 Janvier 2016
Plusieurs enquêtes ouvertes
Le ministère de la santé diligente deux enquêtes parallèles, l'une menée par l'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé et l'autre par l'Inspection générale des affaires sociales. Une enquête judiciaire de flagrance a aussi été ouverte pour "blessures involontaires supérieures à trois mois" au pôle santé du parquet de Paris. Elle a été confiée à la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Rennes et à un service de gendarmerie spécialisé dans la santé (Oclaesp), a précisé le parquet.Le ministère indique que L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) va inspecter le site du laboratoire Biotrial ce samedi, "afin de mener une inspection sur l'organisation, les moyens, et les conditions d'intervention de cet établissement dans la réalisation de l'essai clinique". Par ailleurs, l'ANSM a décidé "de procéder à une inspection technique sur le site de réalisation de ces essais cliniques".
Accident rarissime
"Il n'y a jamais eu un événement aussi grave en France", a indiqué l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Chaque année, des milliers de volontaires, participent à de tels essais cliniques pour lesquels les accidents sont rares.Parmi les précédents recensés, six hommes avaient été hospitalisés en 2006 en soins intensifs dans un hôpital de Londres après l'essai clinique d'un nouveau traitement contre la leucémie, la polyarthrite rhumatoïde et la sclérose en plaques.
Cinq ans plus tôt, une jeune femme en parfaite santé de 24 ans, Ellen Roche, était morte aux États-Unis alors qu'elle participait à un essai clinique d'un médicament expérimental contre l'asthme, l'hexamethonium, conduit par l'Université Johns Hopkins.