Lors de sa visite ce 26 mai sur le site de l'usine Valeo dans le Pas-de-Calais, Emmanuel Macron a presenté les grands axes de son plan d'aide de 8 milliards d'euros aux constructeurs : relancer et soutenir la demande, investir et produire en France, le tout sous l'oeil attentif de l'Etat.
"La crise sanitaire a porté un coup d’arrêt massif et brutal à la filière automobile française. C’est une part de notre économie, ce sont des milliers d’emplois. Notre soutien va être massivement amplifié." Dans un tweet ce matin le Président de la République donnait déjà le ton des annonces qu'il allait faire cet après-midi depuis le site de l'usine Valéo dans les Hauts-de-France : "massif"
Le direct en vidéo
Voici le discours, diffusé entre 17h et 17h30 aujourd'hui :
EN DIRECT | Présentation du plan de soutien à la filière automobile française, durement éprouvée par la crise du COVID-19. https://t.co/EODabi71uY
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 26, 2020
Le Président Emmanuel Macron a d'abord commencé son discours par un constat : avant même la crise du coronavirus, l'industrie automobile ne se portait déjà pas très bien, "connaissant un net ralentissement depuis fin 2019". Puis s'est présentée la crise sanitaire, qui a tout arrêté.
Les ventes ont chuté de 80 pour cent, "c'est sans précédent hors temps de guerre. Ce sont 400 000 véhicules qui auraient dûs être vendus, et qui ne le sont pas. En juin ce chiffre devrait monter à 500 000 unités." Voilà pour les chiffres, "mettant au défi un secteur qui incarne le génie français".
Le Président a alors rappelé les mesures de chômage partiel mises en place pour 1500 entreprises du secteur, et les prêts garantis par l'Etat (PGE), avant d'enchaîner sur le monde d'après de l'automobile : l'électrique et les véhicules autonomes.
Il faut faire en sorte qu'aucun modèle français n'aie recours à des pièces produites à l'étranger, il faut augmenter la valeur ajoutée de nos modèles. Je veux que dans cinq ans la France soit capable de produire un million de véhicules propres par an - Emmanuel Macron
Les annonces
Plusieurs annonces avaient filtré ces derniers jours. On les retrouve dans le discours du Président, regroupées en trois axes :
. Soutenir la demande
Et pour cela, tout est bon. Y compris vendre des véhicules diesels. "Il faut faire en sorte que les français achètent maintenant des voitures,... pas dans 6 mois... Maintenant!" C'est qu'il faut destocker les 400 000 véhicules qui restent sur les parkings des constructeurs ou chez les concessionnaires.
Bonus écologique allant jusqu'à 7000 euros pour l'électrique ; prime à la casse élargie, de 3000 à 6000 euros selon la nature du modèle neuf, thermique ou électrique ; prime de 2000 euros associable à une autre prime si le moteur est hybride. Le tout s'accompagnant d'un plan de déploiement de 100.000 bornes de recharges électriques sur le territoire en 2021 alors que cet objectif était initialement fixé à 2022.Tout véhicule neuf, aux normes européennes, est bon pour remplacer un vieux modèle polluant. Autant qu'il soit électrique, ou hybride, mais les moteurs thermiques bénéficieront aussi de ces aides.
Trois quarts de français seront éligibles, selon leurs revenus, à 18000 euros de part nette fiscale. Et là le Président se fait camelot : "une offre valable pour les 200 000 premiers véhicules vendus". Faut pas traîner. Il l'a dit, il le répète, c'est maintenant qu'il faut que les français achètent des voitures neuves.
. Investir pour produire en France
"C'est en France que doit se construire le véhicule propre qui, demain, fera rouler le monde" Rien que ça. Et pour ça, de l'argent, des fonds d'investissement, des aides en fonds propres. "600 millions d'euros pour moderniser, consolider, et préserver". 400 millions d'euros d'aides de l'Etat, et 200 millions d'investissements fournis par Renault et PSA, 100 millions chacun.
"Il faut investir pour soutenir la recherche et l'innovation". En 2020, 100 millions d'euros supplémentaires y seront attribués.
. Un pacte entre l'Etat et les entreprises
8000 euros de prime ici, 6000 de conversion là, 200 millions de fonds d'investissement ici, 100 millions de fonds propres là, prêts garantis,... on s'y perdrait presque un peu. Le Président fait l'addition : 8 milliards d'aides aux constructeurs, pour soutenir, relocaliser, et innover, vers l'électrique.
Des aides qui attendent des engagements de la part des constructeurs, Emmanuel Macron dit y veiller de très près. Ainsi PSA s'engage à investir 360 millions d'euros sur les sites de Sochaux, Poissy, et Rennes, pour augmenter sa production de véhicules électriques à 130 000 unités par an, dans un premier temps.En 2019 aucun véhicule de ce type n'était produit sur notre sol. En 2021 l'objectif est d'en produire 130.000. Il devrait être tenu
Renault s'engage à produire 240 000 véhicules électrique à l'horizon 2024, le quadruple de sa production actuelle. Un futur moteur électrique Renault sera produit en France, et non en Asie comme initiallement prévu par le groupe. Michelin et Faurecia vont développer une pile à hydrogène française, à Lyon. Valéo travaille en France sur un moteur électrique basse tension.
Quelles incidences en Bretagne?
Des annonces qui étaient très attendues en Bretagne par tout le secteur de l'automobile. Secteur qui doit faire face à la menace qui plane sur l'éventuelle fermeture de quatre usines Renault en France, dont la Fonderie de Bretagne, à Caudan (Morbihan). Si le Président a bien parlé des sites Renault de Douai et de Maubeuge, il n'a pas évoqué le cas de Caudan.
Pour l'heure, les salariés de la Fonderie de Bretagne attendent deux rendez-vous : d'abord un comité central d'entreprise qui se tiendra demain en sous-préfecture de Lorient, où ils pourront enfin rencontrer leur direction. Et puis un autre rendez-vous vendredi, date à laquelle Renault a prévu de présenter son plan d'économie de deux milliards d'euros.
On sait que le groupe Renault doit obtenir un Prêt garanti par l'Etat (PGE) de cinq milliards d'euros. Emmanuel Macron semble vouloir conditionner ces aides aux efforts de maintien de l'emploi et aux relocalisations. A ce sujet, Bruno Le Maire, ministre de l'économie, doit réunir lundi les dirigeants de Renault, les syndicats, les sous-traitants et les élus pour conclure ce "pacte". Le prêt de cinq milliards d'euros consenti par l’Etat "ne saurait être conclu sans que ces discussions aboutissent", a-t-il prévenu (AFP).
Mais les salariés de la Fonderie de Bretagne, qui fabriquent des pièces pour le modèle électrique Renault Zoé s'inquiètent de ne "déjà" plus faire partie des priorités du groupe.
L'usine de Caudan, frappée par un incendie l'année dernière sortait déjà d'une longue période de chômage technique avant d'entamer le chômage partiel de la crise sanitaire. Renault a réorganisé, entretemps, son approvisionnement depuis le Portugal et l'Espagne, laissant l'usine de Caudan sur la sellette, malgré une chaine de montage flambant neuve.
Les "relocalisations" exigées par le Président seront certainement au centre des discussions des prochains rendez-vous entre salariés et direction de la Fonderie de Bretagne.
A l'usine PSA de la Janais, près de Rennes, l'activité a repris doucement à la mi-mai. La direction du site nous présentait l'année dernière ses nouvelles chaînes de montage, capable d'accueillir autant d'électrique hybride que de motorisation thermique, gage d'adaptabilité à la demande du marché.
"Des mesures sur les véhicules hybrides, c'est toujours bon à prendre pour nos C5 AirCross" nous disait ce matin Nadine Cormier, du syndicat Force Ouvrière du site PSA de la Janais. "Mais avec 30 véhicules/heures, la production n'est pas énorme". Une production qui pourrait dorénavant augmenter plus rapidement suite aux annonces de cet après-midi.
"Ce qui nous inquiète, continue-t-elle, c'est de savoir quand on repasse à deux équipes" (en deux-huit, NDLR). Depuis sa relance, l'usine ne tourne actuellement que sur une équipe, un Comité social économique CSE qui se tiendra jeudi devrait pouvoir apporter quelques réponses. Cela ne devrait pas être avant le 22 juin.
Reste l'incertitude du marché. Nadine Cormier nous confie qu'elle aimerait bien savoir dans "quel état" sont les commandes. Il faut espérer que le plan de destockage massif annoncé aujourd'hui ramènera les clients vers les concessions.