Grand débat de l’avant premier tour des élections régionales, avec huit candidats. Et au final, beaucoup de thèmes abordés, une ouverture d'alliance à gauche, alors que du côté de la majorité sortante, les dissensions de principe s'affichent toujours.
Les élections régionales auront lieu les dimanches 20 et 27 juin prochain. Sur les treize candidat(e)s têtes de liste à ce scrutin en Bretagne, huit étaient présents pour débattre sur notre antenne ce mercredi en direct du FRAC de Bretagne à Rennes: Loïg Chesnais-Girard (PS), liste La Bretagne avec Loïg ; Isabelle Le Callennec (LR), liste Hissons haut la Bretagne ; Claire Desmares-Poirrier (EELV), liste Bretagne d’Avenir ; Pierre-Yves Cadalen (LFI), liste Bretagne Insoumise ; Thierry Burlot (LREM-Modem-UDI), liste Nous la Bretagne ; Gilles Pennelle (RN), liste Une Bretagne Forte ; Daniel Cueff, liste Bretagne ma vie ; Joannic Martin (Le Parti Breton), liste Bretagne Responsable. Ces candidats ont participé à quatre tables rondes de 12 minutes chacune pour développer les thèmes de l'éducation et la culture, l'agriculture, les transports et l'aménagement du territoire.
Les cinq autres têtes de listes sont intervenues dans des entretiens vidéo. Il s'agit de Christophe Daviet, liste Un nôtre monde ; Yves Chauvel, liste La Bretagne en héritage ; Kamel Elahiar, liste Tous unis contre l’islamophobie ; Valérie Hamon (LO), David Cabas, liste Debout la France.
Outre les tables rondes, des duels de cinq minutes étaient organisés pour mieux comprendre ce qui différencie les lignes politiques des candidats.
Retrouvez le débat en intégralité
Duel : Loïg Chesnais-Girard (PS/PC) face à Thierry Burlot (LREM-Modem-UDI)
Premier duel et l’un des plus attendus, celui qui oppose le président sortant du conseil régional et candidat Loïg Chesnais-Girard (PS/PC), tête de liste « La Bretagne avec Loïg », à son ex-vice-président à l’environnement sortant, Thierry Burlot (LREM-Modem-UDI), tête de liste Nous la Bretagne.
Dans notre sondage exclusif France 3 – IPSOS de ce 9 juin, les deux candidats sont au coude à coude avec 19 % chacun des intentions de vote du 1er tour, à un point derrière le candidat du Rassemblement national qui emporterait la mise le 20 juin au soir avec 20 % des intentions de vote.
Mené par Robin Durand, journaliste politique de France 3 Bretagne, le duel (de 5 minutes) est vite monté en intensité.
Thierry Burlot a tout de suite rappelé qu’il avait le soutien de l’UDI, du Modem et de la République En Marche et qu’il s’inscrit pleinement dans les orientations de Jean-Yves Le Drian, le ministre actuel de l’Europe et des Affaires étrangères, qui était à la tête de la Région de 2004 à 2017. Il se présente comme le candidat du rassemblement et invite Loïg Chesnais-Girard à le rejoindre.
Ce dernier lui répond qu’il faut « de la cohérence, de la fiabilité et une forme de fidélité à ses valeurs ». « Je suis resté sur ma ligne, sur mon engagement… j’assume ma ligne, ma couleur, je ne change pas de casaque pour faire un coup.»
A la question de savoir s’ils pensent tous les deux que celui dont ils revendiquent l'héritage, Jean-Yves Le Drian, ne doit pas être content ce soir, Loïg Chesnais-Girard répond qu’il « assume les 10 années passées à travailler avec Jean-Yves Le Drian, j’assume cette capacité à travailler ensemble et de tenir sur une ligne et de ne pas godiller ». Et d’ajouter que « Les Bretons ne veulent pas que tout se décide à Paris ». Il insiste par la suite sur le fait qu’il a un programme de 77 propositions et six thèmes alors qu’en face ...
J'assume les 10 années passées avec Jean-Yves Le Drian et je ne varie pas" : Loïg Chesnais Girard https://t.co/1iupqhb4Wd#regionales2021
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) June 9, 2021
Ce sur quoi, Thierry Burlot rétorque « Attendez, c’est une plaisanterie. Nous avons un programme qui est très clair : rééquilibrer la Bretagne et faire en sorte que le Pays de Rennes ne tire pas toutes les richesses du développement économique et de l’attractivité de la Bretagne. Moi je veux m’adresser aux 21 Pays de la Bretagne. Je veux réussir les transitions avec les Bretons et les Bretonnes. »
Et de préciser qu’il ne veut pas aller chercher ses ordres à Paris.
Loïg Chesnais-Girard répond que l’argent qu’il met sur la métropole rennaise est indispensable et que ce n’est pas pour cela que « l’on va moins nourrir les enfants dans les lycées et moins aider les chômeurs … nous devons faire des efforts supplémentaires dans les territoires les plus fragiles mais nous devons aider toute la Bretagne..»
Un duel qui s’est terminé par une nouvelle invitation de Thierry Burlot à Loïg Chesnais-Girard à le rejoindre.
" Le rassemblement c'est moi, je suis sur la lignée de Jean-Yves Le Drian " : Thierry Burlothttps://t.co/XQWATqcwcl#regionales2021
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) June 9, 2021
Duel Isabelle Le Callennec (LR) - Gilles Pennelle (RN)
Isabelle le Callennec (LR) commence par expliquer que le sondage du jour donne des résultats « contradictoires » à celui d’il y a quelques semaines qui lui était plus favorable (17 % le 7 mai et 14 % ce 9 juin).
« Moi je parle à toutes les Bretonnes et tous les Bretons. Une campagne électorale c’est fait pour aller à la rencontre des électeurs, écouter, proposer et je constate que l’on attend les propositions de monsieur Pennelle » explique-t-elle.
Gilles Pennelle (RN) lui répond que les Bretons ont dit aujourd’hui au travers de ce sondage que les Républicains n’étaient pas en mesure de battre la gauche. « Les Bretons nous disent aujourd’hui que le seul candidat qui puisse battre la gauche et ses drôles d’alliances dangereuses, c’est le candidat du Rassemblement national » ajoute-t-il.
Il reproche à la candidate LR d’avoir un mentor, monsieur Fillon, qui a lancé le projet du champ éolien en mer en baie de Saint-Brieuc, « Marc Le Fur, (le député LR des Côtes d’Armor) avait dans son programme de 2015 le développement de l’éolien et vous avez dit être pour l’éolien » assène-t-il à Isabelle Le Callennec alors « que vous le rejetez maintenant ». Cette dernière répond que « c’était il y a 10 ans … et maintenant c’est un échec de la méthode».
A l’exemple pris par Robin Durand de l’histoire d’un jeune immigré malien menacé d’expulsion vers son pays d’origine alors que son employeur et ses professeurs ne tarissent pas d’éloges sur lui, Isabelle Le Callennec répond : « Liberté, égalité, fraternité ... En tant que maire de Vitré, je suis confrontée tous les jours à ce type de situation et j’essaye de les gérer de façon humaine et légale… » Elle reproche au candidat frontiste de « faire monter les haines », ce à quoi Gilles Pennelle rétorque qu’il faut un moratoire et « dire stop à l’immigration. »
Duel Desmares Poirrier (EELV) – Daniel Cueff
« Deux candidats écologistes, ce n’est pas de trop ? Une union sacrée aurait été mieux ? » lance Robin Durand en ouverture de ce duel des écologistes (12 % d’intention de votes au 1er tour pour Claire Desmares Poirrier contre 4% pour Daniel Cueff selon notre sondage).
Claire Desmares-Poirrier répond aussitôt : « Bien sûr. J’ai tendu la main mais maintenant c’est trop tard ». « Malheureusement le sondage montre l’évidence, c’est qu’on risque de ne pas se retrouver au second tour et que votre décision, une décision personnelle, Daniel, a un impact.» « Or, on a besoin de rassembler … car on a une grande responsabilité. J’ai 8 mouvements politiques sur ma liste » ajoute-t-elle.
"Nous n'avons pas les mêmes sondages, nous sommes un peu assommés" : Daniel Cueffhttps://t.co/Plq3x7bVgw#regionales2021 #Bretagne
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) June 9, 2021
« Daniel Cueff, le diviseur de l’écologie ? » questionne Robin Durand à l’intention du candidat écologiste.
« Ce matin, le sondage nous a bien assommé mais nous n’avons pas les mêmes sondages. Nos sondages internes ne sont pas les mêmes. Ils montrent une dynamique de notre liste. On est les premiers sur les réseaux sociaux. » essaye de convaincre Daniel Cueff.
Et d’expliquer qu’il ne veut plus d’alliances politiques qui « tuent l’écologie ». « Chaque membre de mon équipe peut dire qu’il a milité pour l’écologie » entonne-t-il.
Claire Desmares-Poirrier lui répond : « J’ai une équipe complémentaire et des candidats qui peuvent occuper les postes au conseil régional. J’aurai pu prendre des chefs d’entreprises et des personnalités aussi. »
Et de répéter qu’elle pense que les deux listes « pourraient travailler ensemble » et qu’elle ne comprend pas : « pourquoi vous avez décidé de partir tout seul ».
A la fin du duel, Claire Desmares-Poirrier reconnait facilement que le fait de voir dans le sondage de ce jour qu'une victoire de la gauche au second tour est assurée si elle s'aligne aux côtés de Chesnais-Girard, la fait réfléchir et que « c’est une option sur la table. »
Les transports : la Bretagne est-elle sur la bonne voie ?
Le thème de la première table ronde avait trait aux transports, qui correspondent à 22% du budget régional, avec une question « la Bretagne est-elle sur la bonne voie ? ». Un débat qui a réuni Claire Desmares-Poirrier, pour les Verts, le président sortant de la Région Loïg Chesnais-Girard, Pierre-Yves Cadalen, pour la France Insoumise et Isabelle Le Callennec pour les Républicains.
Sur cette question les quatre intervenants ont insisté sur les transports du quotidien essentiels pour la vie des Bretons.
La priorité ce sont les transports du quotidien et tant que les trajets en train seront plus longs que ceux en voiture, les habitudes ne changeront pas.
La candidate de la droite a notamment rappelé la nécessité des navettes domicile-travail et aussi de transports adaptés aux étudiants, en revoyant les horaires et les tarifs. L’écologiste Claire Desmares-Poirrier a de son côté ajouté le besoin de désenclaver les territoires et de développer le fret des marchandises, pour réduire l’impact carbone. Loïg Chesnais Girard reprennant l’idée de l’intermodalité et de l’interconnexion des transports les uns avec les autres. Interpellé aussitôt par Claire Desmares-Poirrier, qui ne comprend pas pourquoi la région n’est pas allée plus loin sur ce thème dans les années passées.
Quant à la question de l’avenir de l’aéroport de Dinard, Pierre-Yves Cadalen, pour La France Insoumise a indiqué que "la conversion de notre politique des transports doit être pensé au travers de la question écologique. Le tout aérien ce n'est pas possible". Il a appelé à la réorientation des budgets de l’aérien vers les transports du quotidien. Alors qu’Isabelle le Callennec a rétorqué que cet aéroport, important dans la région, devait être conservé. Pour l’aménagement du territoire, a-t-elle encore noté, il faut des routes, des trains, des avions pour un vrai schéma régional des transports.
Agro-industrie « Je t’aime moi non plus »
C’est la thématique des algues vertes qui a lancé le débat entre Thierry Burlot, Daniel Cueff, Gilles Pennelle et Joannic Martin sur l'agroalimentaire. Est-ce l’échec de la politique de la Région ? C’était la question posée d’emblée à Thierry Burlot, vice-président de l’institution régionale en charge de l’environnement, qui a défendu son bilan : « La Bretagne était la première région à entrer dans les contentieux sur les nitrates, puisqu’on dépassait les 50mg/l dans les cours d’eau, mais au moment où je vous parle, on est la première région d’Europe à sortir des contentieux ! »
En poursuivant ainsi sur le thème de la défense du modèle agricole régional « les agriculteurs et les agricultrices de Bretagne ont fait des efforts considérables, et il nous faut poursuivre, continuer inlassablement ». En appelant à davantage de cohérence « c’est pour ça que je demanderai au gouvernement la régionalisation des aides de la politique agricole commune, pour faire en sorte qu'économie et écologie marchent du même pied ! ». "Il faut aider encore plus les agriculteurs à faire, non pas les contraindre, mais les aider et les rémunérer pour faire. On se fait beaucoup de mal et moi je peux vous dire que nous sommes la première région pour la reconquête de la qualité de l’eau » a encore affirmé le candidat de La République En Marche.
Gilles Pennelle a tenu lui aussi à rentre hommage aux agriculteurs. « Ils travaillent très dur 60-70 heures par semaine pour toucher parfois moins qu’un immigré rentré clandestinement en France. »
"Je voudrais rendre hommage aux agriculteurs qui travaillent très dur" : Gilles Pennellehttps://t.co/muO8mgsU5D#regionales2021
— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) June 9, 2021
Le candidat du Rassemblement national explique ne pas soutenir Eau et Rivières de Bretagne et ne pas voter leur subvention. « Ces gens-là stigmatisent les agriculteurs » et la pétition lancée par l’association environnementale est pour lui un procès injuste. « Ils ont fait d’énormes efforts, ils ont augmenté leurs coûts de production, ce qui a baissé leurs revenus pour aller vers cette agriculture raisonnée. Je ne supporte pas cet agri-bashing, véhiculé entre autres par Eau et Rivières. Le rassemblement national est derrière les agriculteurs et l’agro-alimentaire. Il n’y pas de Bretagne sans une agriculture forte ». Plus tard dans le débat Thierry Burlot reviendra lui pour saluer le travail d’Eau et Rivières « qui a fait un travail remarquable ! »
Pour Daniel Cueff, il ne faut pas mettre d’huile sur le feu. « Nous sommes dans une situation complexe et il faut prendre la mesure de cette complexité. Ce que je propose c’est de fixer un indicateur breton de prospérité durable ». L’ancien maire de Langouët attend que les agriculteurs avancent avec lui sur ce pacte, qui vise à ce qu'il n'y ait aucun impact négatif, ni sur l’environnement, ni sur la santé, ni sur l’emploi, explique t-il. Lançant un appel aux agriculteurs eux-mêmes pour imaginer des solutions.
Joannic Martin du Parti Breton, rappelle l’importance du secteur agricole et agroalimentaire pour la région et propose lui aussi de travailler avec les agriculteurs, pour les accompagner et les aider. Lui aussi est favorable à la régionalisation des aides de la Pac.
Quand il a été question du développement de fermes usines dans la région et notamment de poulaillers géants, Gilles Pennelle s’est une nouvelle fois fait le chantre d’une profession « qui est en train de faire d’énormes efforts pour respecter le bien-être animal, pour qu’on mange bien, pour nourrir le marché national. » Il a tenu à défendre une agriculture familiale, qui est en train de disparaître actuellement « Et la gauche et la droite portent une énorme responsabilité » a-t-il conclut. Thierry Burlot a rappelé vouloir « sauvegarder le modèle breton en engageant les transitions, avec des indices et par filières » rejoignant sur ce point une proposition de Daniel Cueff. « La ferme bretonne, elle est familiale, elle est de taille humaine », a-t-il encore affirmé. « On n’a pas de ferme usine en Bretagne, ce sont des exploitations familiales et je veux faire de la Bretagne la première région d’Europe en matière d’agro écologie » « Dire que nous n’avons que des fermes familiales en Bretagne, c’est caricatural a répliqué Joannic Martin, on a aussi de grosses infrastructures en Bretagne, il faut les assumer, car c’est aussi de l’emploi et une économie, et ça irrigue des bassins de vie derrière ».
Duel Pierre-Yves Cadalen (LFI) face à Joannic Martin (Le Parti Breton)
Ce sont les deux plus jeunes candidats qui ont fermé la soirée dans un duel qui s’avère plus brouillon que les autres. Dans le sondage de ce 9 juin, Joannic Martin (Le Parti Breton) ne fait que 0,5 % alors que le candidat de la France Insoumise atteint les 5 % qui pourraient lui permettre de fusionner au second tour.
Mais pas question de répondre à la question de savoir s’ils allaient donner des consignes de vote au second tour pour les deux candidats qui répondent à côté.
Pour le représentant du Parti Breton, « on voit que sur tous les sujets bretons aujourd’hui, ce qui bloque c’est l’Etat ». Et de rappeler que les députés de la France Insoumise ont voté contre le projet de Paul Molac sur les langues régionales.
Pierre-Yves Cadalen (LFI) revient à deux reprises « à la question centrale du pouvoir citoyen. Bien des choses ont été faites en dépit du bon sens par le gouvernement.». « L’enjeu de cette élection est de savoir ‘quel horizon on veut’. »
Le duel s’est un peu emballé sur la fin avec la question de l’identité bretonne, lorsque Joannic Martin explique à Pierre-Yves Cadalen que « nous n’avons pas attendu que la France Insoumise débarque de Paris pour être insoumis en Bretagne », et ce dernier de lui répondre « vous n’avez pas à me donner des leçons, cela fait cinq siècles qu’il y a des Cadalen dans le Léon ».