Fleurs: Pourquoi est-il urgent de développer les filières courtes pour nos bouquets?

La ville de Rennes propose de louer deux hectares de terre à un agriculteur qui viendrait s’installer dans l’agglomération, pour produire des fleurs. Une visite du site est organisée ce 7 novembre. Aujourd’hui, en France, 9 fleurs sur 10 viennent de l’étranger et ont poussé dans des conditions qui ne respectent pas toujours ni la planète, ni les hommes. Et pourtant, les clients s’interrogent de plus en plus sur la provenance des fleurs de leurs bouquets. Décryptage.

C’est une parcelle de 2 hectares, située près des serres de Champeaux où la ville de Rennes fait pousser les fleurs qui embellissent la ville. "La ville de Rennes possède 450 hectares de terres agricoles,explique Ludovic Brossard, conseiller délégué à l’alimentation durable et à l’agriculture urbaine. Des terres qui n’ont pas vocation à être urbanisées. Certaines ont déjà été confiées à des agriculteurs pour faire du maraichage ou du pâturage. Là, comme c’est une petite surface, on a pensé aux fleurs."

"Petit à petit, nous prenons tous conscience de l’impact écologique de la floriculture, confirme Juliette Chevalier, chargée de mission Agriculture Urbaine, Direction des Jardins et de la Biodiversité à la ville de Rennes. On importe énormément de fleurs qui ont été produites de manière pas du tout écologique et qui ont un bilan carbone assez désastreux. "

Tous les bouquets ne sentent pas bon 

Chaque année, il se vend plus de 20 millions de bouquets de roses en France. Sur 10 fleurs commercialisées dans notre pays, 9 sont importées.

Des roses ou des pivoines qui ont le plus souvent été cultivées dans des serres chauffées ; éclairées nuit et jour, et ont parcouru des milliers de kilomètres dans des containers réfrigérés depuis le Kenya (35% des roses produites dans le monde), l’Ethiopie ou l’Equateur. 

Avant d’arriver dans nos vases, elles ont parfois fait le tour du monde. Selon une étude menée en 2017 par des chercheurs de l’Université de Lancaster, un bouquet de roses rouges offert avec pourtant beaucoup d’amour pour la Saint-Valentin, c'est 58 kg de CO2. Autant qu'un voyage en avion entre Paris et Londres. Le bilan carbone d’une fleur importée est 30 fois supérieur à celui d’une fleur produite localement. 

Des conditions de travail pas toujours roses

Au Kenya, 500 000 personnes travaillent pour la production de nos roses délicates pour des salaires d’une centaine d’euros par mois dans des conditions souvent difficiles. 

En 2017, l’association 60 millions de consommateurs a fait analyser des bouquets de roses vendus en France. On y trouvait jusqu’ 49 molécules de produits phytosanitaires différentes, dont certains interdits en France. 

"Offrir des roses à la Saint-Valentin en février, ce n’est plus possible, affirme Ludovic Brossard. C’est ridicule !"

"Nous sentons qu’il y a une véritable volonté individuelle de changement de nos actes d’achat, il est de notre responsabilité collective d’accompagner ce changement,  poursuit-il. Il nous faut développer des lieux où il est facile de trouver des fleurs locales. L’enjeu pour la ville de Rennes c’est d’être précurseur et innovant. "

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Comme une fleur 

Il y a 30 ans, la France comptait 8 000 producteurs de fleurs. Il en reste moins de 500 aujourd’hui (dont la moitié du côté d’Hyères dans le Var). La France se classait alors au 1er rang des pays producteurs en Europe, elle est aujourd’hui 21ème exportateur mondial. 

Mais depuis quelques années, la France relocalise sa production de fleurs. Il y a un an, Emilie Meillac a commencé à vendre les premiers bouquets faits avec ses fleurs, à Dingé en Ille-et-Vilaine. 

Fleuriste pendant 15 ans, elle avait découvert l’envers et un peu l’enfer du décor. "Quand on voit une fleur dans la boutique, on n’imagine pas tout ce qu’il y a derrière." Emilie commençait à ne plus aimer les fleurs elle a donc décidé de les produire elle-même et a créé Ça pousse Marguerite

De la même manière qu’on ne mange pas de tomates en hiver, on n’offre pas de roses en février,

Emilie Meillac, "Ca pousse marguerite"

Dans ses champs et sous ses serres, elle fait pousser des dahlias, des anémones, des tulipes, des cosmos, plein de variétés de fleurs qui ont une âme. "Il n’y en a pas une qui se ressemble, elles ne sont pas standardisées comme celles qui viennent de Hollande." Et des fleurs qui respectent les saisons. "Moi les narcisses, je les vends en mars, alors qu’on en trouve déjà dans certaines boutiques. De la même manière qu’on ne mange pas de tomates en hiver, on n’offre pas de roses en février il faut que les gens prennent conscience et il faut qu’ils s’informent sur la provenance des fleurs." 

La jeune femme compose des bouquets avec ses fleurs qu’elle vend sur sa ferme, sur les marchés et dans les épiceries. Elle en propose aussi aux fleuristes des environs. "Les jeunes fleuristes qui s’installent, ils veulent des fleurs locales, affirme-t-elle, c’est en marche. Il y a encore beaucoup, beaucoup de travail, mais c’est en marche."

Et la fleuriste qui n’aimait plus les fleurs renoue avec sa passion.  

Voir la vie en rose

"Il y a une vraie demande sur le territoire", assure Ludovic Brossard. Et ce d’autant plus que depuis le 1er juin 2023, les fleuristes doivent indiquer la provenance des fleurs. 

Barbara Lechaux, est fleuriste à Rennes. Dans sa boutique, "A fleur de pot", elle constate que les clients demandent des fleurs locales. "C’est dans l’air du temps, les gens veulent du produit français. "

Suivant les saisons, elle propose des tulipes de Bretagne, des mini-roses Eden du Finistère, du muguet nantais. ""Il y a des moments où il n’y a pas trop de fleurs françaises", regrette-t-elle. Son grossiste s'approvisionne en Hollande, mais vendre des fleurs qui ont trop de kilomètres au compteur, ça la chiffonne un peu...

Elle refuse de vendre des roses du Kenya. "Celles-là, précise-t-elle, on les trouve en grande surface. "

Les fleurs françaises qui ont été cueillies à maturité, n’ont pas voyagé  dans des camions ou des avions frigo, sont plus robustes, tiennent plus longtemps dans les vases, mais coutent un peu plus cher, fait remarquer Barbara Lechaux. 20 à 30 centimes de plus qu’une fleur en provenance de Hollande. 

Des bouquets beaux et bios ?

La ville de Rennes souhaite une ferme florale respectueuse de l’environnement. "On voudrait une culture la plus douce possible qui  limite l’artificialisation des sols et qui choisisse des plantes adaptées au réchauffement climatique. Des fleurs rustiques, qui ne sont pas trop gourmandes en eau."

Les dossiers peuvent être déposés jusqu’au 23 février. 

Aujourd’hui, la production de fleurs n’occupe que 0,5% de la surface agricole utile française. C’est pourtant un marché qui génère près d’un milliard d’euros par an.  

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