Marie-Claire F., condamnée en 1988 à la réclusion criminelle à perpétuité et détenue à Rennes, s'est vue accorder la première grâce présidentielle d'Emmanuel Macron. Pour son avocate, Virginie Bianchi, cette décision va changer beaucoup de choses.
Emmanuel Macron a accordé la grâce présidentielle à l'ex-prostituée Marie-Claire F., condamnée en 1985 pour meurtre sur l'un de ses clients à la réclusion criminelle à perpétuité. "Un acte courageux" de la part du chef de l'Etat selon l'avocate de la détenue rennaise qui va permettre à Marie-Claire F. de bénéficier des "mêmes mini-libertés que les autres personnes hospitalisées".
Ce n'était pas la première fois que vous demandiez la grâce présidentielle...
"Non, on a déposé notre première demande de grâce en septembre 2015 sous François Hollande, qui n'a pas eu la grâce de nous répondre. Nous avons relancé notre démarche auprès d'Emmanuel Macron au 1er mars de cette année. Celui-ci a été beaucoup plus sensible à ce cas, qui était assez désespérant".
Comment jugez-vous cet acte du Président de la République ?
"C'est très courageux de la part d'Emmanuel Macron d'avoir accordé cette grâce. Pas tant sur le fond du dossier parce que cette dame n'est plus dangereuse, elle ne sortira jamais de l'endroit où elle est enfermée. Par contre c'est très courageux politiquement. On est quand même dans un climat d'hystérie sécuritaire. Prendre la décision d'accorder une grâce même partielle, même sans conséquence sur la liberté de cette personne, montre bien qu'il a compris que cette peine n'avait plus de sens et qu'il fallait en assumer les conséquences. Je trouve ça très courageux de sa part. La justice, je la fréquente beaucoup, je la rencontre rarement. La justice, si on ne la voit pas de temps en temps, on finit par douter. Sur ce cas, je crois qu'on a croisé la justice".
Il s'agit d'une grâce partielle. Concrètement, quels impacts cela va avoir sur la peine de votre cliente ?
"La peine à laquelle elle était condamnée, à savoir la perpétuité, n'a pas été supprimée. Elle a été commuée à 20 ans. Cela signifie qu'au jour où le décret de grâce entre en application, il lui restera 20 ans à faire. Ça peut sembler être une perspective peu réjouissante. Mais dans la mesure où à aucun moment nous n'avons sollicité qu'elle sorte, elle-même ne le souhaite pas, ce n'est pas un problème en soi. Ce qui change, c'est le régime juridique auquel elle est soumise, à savoir d'avoir la possibilité de demander des permissions de sortir".
Au quotidien, qu'est ce que cette peine commuée va changer pour Marie-Claire F.?
"Elle était et elle est toujours, car on ne lui a pas encore notifié le décret de grâce, sous la double tutelle à la fois de la justice car condamnée à perpétuité mais aussi sous la tutelle administrative du Préfet car elle est hospitalisée d'office. De ce fait, elle ne bénéficie pas du même régime que les autres personnes hospitalisées d'office. Il faut savoir que ce régime est très stricte. Ce sont des personnes qui sont enfermées dans un pavillon en psychiatrie. Elles n'en sortent pas ou alors encadrées par des infirmiers psychiatriques pour des sorties thérapeutiques de quelques heures. Ce sont ces sorties thérapeutiques de quelques heures auxquelles elle n'avait pas droit car elle était sous main de justice, condamnée à perpétuité et qu'elle ne pouvait pas bénéficier des petites permissions lui permettant d'être avec les autres durant quelques heures, comme les autres. Le fait de ne pas être comme les autres est une souffrance supplémentaire pour elle. Cette grâce présidentielle va changer des petites choses de la vie quotidienne. Elle va pouvoir, dès lors qu'un juge d'application des peines lui accordera, demander à sortir quelques heures pour aller faire les courses avec d'autres patients encadrés par des infirmiers psychiatriques. Elle pourra demander des sorties pour aller acheter ses vêtements. Des petites choses, des mini-libertés très encadrées dont bénéficient les autres patients. C'est très important pour elle. Il faut savoir que sa pathologie la rend dépressive. Le fait de voir les autres bénéficier de certaines choses qu'elle ne peut pas avoir, la plonge dans un grand désespoir. Là, elle va être comme les autres".
Comment se porte-t-elle aujourd'hui, après 30 ans passés en prison ?
"C'est une vieille dame. Elle a 74 ans. C'est une petite dame qui a été diminuée par la psychiatrie et par les années d'enfermement. Elle est lucide et consciente malgré la maladie. Elle sait ce qu'elle a fait et a des regrets immenses. C'est quelqu'un qui a eu une vie dure, très difficile".
Est-ce que sa vie est au centre hospitalier Guillaume Régnier ?
"Sa vie est à Guillaume Régnier et elle ne l'envisage pas ailleurs. Elle est depuis plus de 20 ans à Guillaume Régnier. Elle est dans son élément, avec ses repères qui la rassurent. Elle y a tissé un réseau d'amitié avec des soignants, des proches de l'aumônerie, d'autres patients hospitalisés au long cours. Je pense que si on la mettait devant la porte de Guillaume Régnier, elle demanderait à rentrer. Elle a peur de l'extérieur donc elle n'y va pas. Ce cadre très familier, presque familial, est le cadre qu'elle souhaite".