C’est une banale panne d’ascenseur comme tous les immeubles en connaissent parfois. Mais celle-ci dure depuis un mois et affecte la résidence où habite Charlotte Lamamy qui ne se déplace qu’à l’aide de son fauteuil roulant électrique. Elle est donc enfermée dans son appartement qu’elle ne peut plus quitter.
Dans le hall de cet immeuble récent du centre-ville de Rennes, les portes de l’ascenseur s’ouvrent dès que l’on effleure le bouton. Charlotte s’engouffre dans la cabine, appuie sur le bouton… et… Rien. Après quelques secondes, les portes se referment, la jeune femme se retrouve dans le noir et … toujours rien.
"Emprisonnée dans son appartement"
"Cela fait un mois que ça dure, explique-t-elle. Les ascensoristes sont là presque tous les jours. L’autre fois, ils ont dit qu’il fallait commander une carte électronique en Espagne. Elle a mis plusieurs jours à arriver et ça n’a rien changé. Ça ne marche toujours pas "
La jeune femme se désespère, "j’en ai vraiment marre qu’on me réponde, on vous comprend. Non, non, non, parce que t’es pas dans un fauteuil. Toi, le matin, tu montes les escaliers, tu descends les escaliers, tu vas au boulot, tu chantes, tu danses, tu vas à la plage. Moi, je ne fais rien. On ne peut pas laisser les gens comme ça, c’est de la maltraitance. "
Moi, en juillet, c'est l'hiver
Charlotte Lamamy
Car depuis le 27 juin, premier jour de la panne, Charlotte Lamamy ne sort plus de son appartement. Ses amis, dont certains sont en fauteuil roulant ne peuvent plus, non plus, lui rendre visite. Elle regarde le monde et l’été avancer depuis sa fenêtre.
"Une panne d’ascenseur, ce n’est qu’un petit grain de sable. Mais à cause de ça, on ne peut pas faire de grandes choses, de belles rencontres. L’été, les gens sont contents, ils ont envie de sortir, mais moi, en juillet, c’est l’hiver", se désole-t-elle.
Privée de la liberté d'aller et venir
Son bailleur, conscient de la gêne occasionnée a proposé à Charlotte de mettre une ambulance à sa disposition. "On me descendrait en brancard, et ensuite, à condition d’avoir réservé 24h à l’avance, on m’emmènerait où je veux. Mais qui va faire ses courses en ambulance ? " s’offusque la jeune femme.
"Je vis avec un handicap, ce n’est pas tous les jours simple, la seule chose que je peux faire toute seule, c’est me déplacer, et on me l’enlève, ça n’est pas possible. Cela veut dire que je ne suis plus libre, que je ne peux plus faire des activités, rencontrer des gens, c’est insupportable. Ces jours-ci, le matin, avoue-t-elle, je n’ai pas très envie de me lever. "
Pour essayer de s’échapper de son appartement, Charlotte Lamamy a envisagé de prendre l’autre ascenseur, celui qui emmène au parking Mais entre la pente et les voitures, elle a renoncé. Trop dangereux, alors elle est remontée dans son appartement.
Accessibilité ?
"On fait des lois pour le handicap, ils mettent en place des appartements, spacieux, lumineux, c’est joli. On dit le handicap, ce n’est plus ce que c’était avant. Il faut innover. On le crie sur les toits. Mais l’innovation, une fois que ça ne marche plus, et bien, on ne fait plus rien," s’agace-t-elle.
Son bailleur affirme qu’il fait au mieux, au plus vite pour que Charlotte retrouve une vie sociale normale.
Elle regarde au-delà de son balcon et reprend calmement "Ce n’est pas que pour moi que je me bagarre, il y a d’autres personnes qui subissent ce genre de choses et ce n'est pas normal. On m'a dit qu'une dame aveugle était restée six mois chez elle, c'est dingue ! "
La loi du 30 juin 1975 prévoyait le maintien des personnes handicapées chaque fois que possible dans un cadre ordinaire de travail et de vie. La loi va bientôt fêter ses 50 ans, les choses avancent.
Charlotte est bien décidée à ne pas laisser un quelconque ascenseur abimer la vie des autres et lui gâcher son été.