Parcourir plus de 1.300 km dans le sud du désert marocain sans GPS ni téléphone. Tel est le défi qu'Anne et Annabelle, deux mamans vannetaises, ont décidé de relever. Mi-mars, elles participeront, si tout va bien, au 31ème Rallye Aïcha des Gazelles, avec pour moteur : l'envie de mieux faire connaître le syndrome de l'X Fragile, une maladie dont souffre l'un de leurs fils.
Le syndrome de l'X fragile ? Il y a quelques années encore, même elles ne savaient pas ce dont il s'agissait. Aujourd'hui pourtant, Anne le répète à l'envi : "C'est la première cause de retard mental héréditaire, la deuxième cause de déficience intellectuelle après la trisomie 21."
Une maladie rare, génétique et héréditaire que cette maman a découvert en voyant son fils Pablo grandir "différemment". "Et pourquoi on dit X fragile ?" lui demande sa comparse dans une vidéo postée sur Facebook : "Parce que ça touche le chromosome X, et donc surtout les garçons, même si des filles peuvent être atteintes."
Vivre avec le handicap sans honte, tristesse ou pitié
Cette maladie, Anne commence à bien la connaître, même si elle nuance aussitôt : "pas complètement" : "C'est ce qui est un peu compliqué avec ce syndrome, il y a très peu de généticiens spécialisés en France, et puis chaque cas est particulier ! Ce sont des enfants qu'on appelle "éponges" : selon le milieu dans lequel ils se trouvent, ils ne vont pas grandir de la même façon."
Son fils Pablo, aujourd'hui âgé de douze ans, a été scolarisé jusqu'à l'âge de 10 ans : "Pour lui, ça a été une grande chance, mais c'est nous qui avons nous-mêmes formé les AESH qui sont plein de bonnes intentions, mais qui ne savent pas toujours comment s'y prendre." Cette mère de deux garçons s'est longtemps battue pour l'inclusion scolaire des enfants handicapés. Aujourd'hui, elle nuance : "On a aussi besoin de places en IME, c'est d'ailleurs là qu'évolue Pablo à présent. Mais les deux sont nécessaires ! Surtout, il faut faire confiance aux familles qui ne veulent que le bien-être de leur enfant."
En tant que déléguée mandataire Bretagne de l’association Fragile X France, Anne Cadiou Paugam veut faire bouger les lignes sur la gestion au quotidien du handicap mental :
Souvent quand vous annoncez que vous avez un enfant handicapé, il y a de la tristesse ou de la pitié. Oui, il y a beaucoup de galères, de combats au quotidien, mais il y a aussi des moments grandioses et une résilience se met en place : on voit la vie d'une autre façon ! Bien accompagnés, on peut vivre très bien. Il ne faut pas avoir honte de continuer à vivre !
Anne Cadiou Paugam
"Le but est de montrer qu'on peut avoir une vie normale tout en ayant un handicap mental au sein d'une famille" poursuit Annabelle, sa binôme qui espère bien lever des fonds en tant que "Gazelles engagées". Un prix, indépendant du résultat sportif, décerné par Maïenga, l'organisateur du Rallye, avec à la clé un chèque de 10.000 euros que les deux Vannetaises espèrent bien remettre à l'association Fragile X France.
Deux quarantenaires "câblées pareil"
Dans le duo, c'est Annabelle, grande amatrice de road-trip, qui est à la manœuvre : "J'ai l'idée en tête depuis deux ans et demi, explique celle qui exerce en tant que cadre dans l’industrie. Spécialiste du marketing et de la communication, elle a vu dans le Rallye Aïcha des Gazelles, l'occasion rêvée de combiner plusieurs envies : "Je voulais relever un challenge de femmes sportives avec Anne, partager une aventure et en profiter pour parler du handicap mental."
Les deux femmes se sont rencontrées il y a douze ans, à la crèche où elles déposaient toutes deux leur fils alors âgés de 2 mois 1/2. "Ils ont fait leur trois années de crèche ensemble et étaient assez liés", raconte aujourd'hui Annabelle qui a surtout fait la connaissance d'une grande amie.
Avec Anne, on s'entend vraiment bien. On est câblées pareil, on a les mêmes valeurs de la famille, de l'engagement, du travail... Tout en ayant des personnalités très différentes ! On est vraiment complémentaires...
Annabelle Cantin
Toutes deux vont fêter leurs 45 ans cette année. Durant quinze jours, elles vont "exceptionnellement" se couper de leurs familles respectives, le temps de relever leur défi sportif.
"Si on est bien accompagné..."
Au volant d'un 4X4 (premier défi) elles devront parcourir plus de 1.300 km, sans téléphone, sans ordinateur et surtout sans GPS pour naviguer dans le désert marocain durant neuf jours. "Garder le cap, même quand vous vous détournez parce qu'y a un obstacle ! Ce sera une navigation à l'ancienne : carte, boussole, triangulation", explique Annabelle.
Navigation, mais aussi mécanique et pilotage : régulièrement, les deux femmes font des stages et se préparent physiquement "parce que 9 jours dans un 4X4, nos dos vont en prendre des coups, c'est de l'endurance !"
Départ de Vannes : le 16 mars. Et retour, si le contexte sanitaire ne vient pas chambouler le calendrier, le 3 avril. Objectif : "Finir ! Mais comme nous sommes des femmes de challenge, on va aussi essayer ne pas être trop ridicules..." Les deux Femmes & Gazelles de l'Xtrem veulent surtout prouver, d'une autre façon, que tout est possible... "si on est bien accompagnés : c'est aussi ça le message !", sourit Anne.