Arrivé en septembre 2011, en pleine période de crise pour l’entreprise, le directeur de PSA Rennes s’est montré plutôt discret depuis. Pourtant, entre sa vision du métier, celle de La Janais et un parcours professionnel rythmé, l’homme a de quoi être bavard.

A la porte de son bureau, Jean-Luc Perrard salue ses collaborateurs. Lance un ou deux sourires. S’absente quelques secondes et revient. Il est un peu plus de 9 heures ce jour de mars et le directeur de PSA Rennes boucle sa première réunion de la journée. Après une franche poignée de main, il invite à s’installer autour d’une grande table en bois. Il baisse les volets alors que le soleil frappe La Janais et s’assoit, enfin prêt à discuter. Pas de pause pour celui qui est à la tête du centre de production rennais depuis un an et demi.

Jean-Luc Perrard a pris la succession de Jean-Marie Dailland le 1er septembre 2011, à l’âge de 49 ans. Un énième changement à La Janais qui a connu cinq directeurs en sept ans. Difficile de dire si Jean-Luc Perrard va faire mieux que ses prédécesseurs. Reste que l’homme ne semble pas être venu en touriste en Ille-et-Vilaine : « A La Janais, on me parle de la grande époque des années 1970. C’est sûrement sympa pour le club des anciens de Citroën. Mais je n’ai pas les yeux dans le rétroviseur. Je regarde ce que ça me donne comme atout pour demain. »

Des bottes en caoutchouc


La nostalgie des grandes années, le directeur de PSA Rennes l’a connue pendant des années à Sochaux (Doubs), la patrie de Peugeot, où il a travaillé pendant douze ans. « Est-ce que tout était si remarquable ? », interroge-t-il d’un ton persuasif, ses yeux bleus rivés vers vous. Lui-même originaire de Franche-Comté, il ne goûte que très peu au discours du « c’était mieux avant ». Lui n’a pas baigné dans la culture de la marque au Lion car né dans le Jura, à Lons-le-Saunier, de parents paysans. « Mon historique est plus rural qu’industriel », glisse-t-il avec un sourire. Un point commun avec les premiers ouvriers bretons de Citroën. A la différence que, pour le directeur, la question de reprendre l’exploitation familiale ne s’est jamais posée. « Cela ne m’a jamais traversé l’esprit », assure t-il. Dans son costume gris, finement rayé, il lance : « Cela ne m’empêche pas de chausser des bottes en caoutchouc et de traîner mes guêtres dans l’exploitation familiale. »


PSA plutôt que Renault


Sa formation, il la fait dans les mathématiques d’abord, puis dans l’informatique, à Besançon. Puis prépare son doctorat en automatique et informatique avec Renault. La marque au losange n’aura pas le temps d’ajouter Jean-Luc Perrard à son organigramme. En 1989, il s’engage avec PSA, dans le domaine de la conception assistée par ordinateur (CAO). Le début d’une histoire de bientôt 25 ans avec l'entreprise, qui l’a amené à la tête de l’usine rennaise, lui qui s’imaginait faire toute sa carrière dans l’informatique. Une carrière qu’il revit quand il s’en souvient. Ses mains parlent pour lui. Virevoltent de gauche à droite et semblent ne jamais se poser. A l’image de l’homme et de son parcours. Après la CAO, il travaille dans le domaine de l’emboutissage avant de rejoindre Process Conception Ingenieurie (PCI), une filiale de biens d’équipements du groupe PSA. Douze ans entre Sochaux et Paris. Suivront un poste de responsable des systèmes d’informations pour la direction recherche et développement et un autre à la direction de l’infrastructure des systèmes d’informations.

La posture du professeur


Jean-Luc Perrard n’explique pas son parcours : « Il y a ce que vous voulez faire et ce que les gens pensent que vous pouvez faire. Il y a l’opportunité d’être le ‘’ right man at the right place ’’. » Bon soldat de PSA, il a sauté de poste en poste sans broncher. Une seule fois, il intervient, insatisfait de son rôle de directeur de PSA Excellence system. Il y est resté seulement neuf mois. « Ce n'était pas pour moi. C’était trop méthodologique et trop éloigné du terrain. » Un choix risqué mais finalement récompensé. En septembre 2011, il devient directeur de PSA Rennes. Un poste de patron de centre de production qu’il a toujours gardé dans un coin de sa tête.
Le Franc-comtois aurait pu pourtant connaître une autre vie s’il avait suivi le chemin de l’enseignement supérieur, lui qui a donné quelques cours par le passé. La peur de l’immobilisme l’en a rapidement dissuadé : « J’avais peur de répéter tout le temps les mêmes choses, de ne pas être assez stimulé. » Aujourd’hui, pourtant, Jean-Luc Perrard a gardé une posture professorale. De multiples digressions – sur l’histoire, sa passion, sur les techniques de management, sur les processus de fabrication d’une voiture – accompagnent ses réponses. Avec, à chaque fois, le souci du détail mais aussi celui de ne pas se faire interrompre.


« A un moment donné, il faut sortir du bois »


Une attitude qui ne marque pourtant pas la distance entre le directeur et ses interlocuteurs. Jean-Luc Perrard a le sourire facile et l’humour qui va avec. Loin du cliché du dirigeant austère d’une entreprise en crise. Cet équilibre, Michel Bourdon, secrétaire général de la CGT à PSA La Janais, le reconnaît : « Il ne fait pas de manières et a plutôt un franc-parler. Il nous appellerait presque par nos prénoms. S’il a à dire " Vous faîtes chier ", il vous le dira. » L’intéressé se défend : «  Un franc-parler ? Il y a un côté maladroit dans ce terme. J’aime que les choses convergent vite. On est d’accord ou pas. A un moment donné, il faut sortir du bois. Si ça permet d’aller plus vite, j’ai tendance à dire les choses. »
Entre impatience et pédagogie, Jean-Luc Perrard est un peu à l’image des hommes politiques. C’est d’ailleurs lui qui, l’air de rien, lance le sujet. Une réflexion glissée avec malice par le directeur du site de La Janais pour qu’une seule question lui soit posée : et alors, la politique, c’est pour bientôt ? « Clairement pas aujourd’hui, je n’ai pas le temps, souffle-t-il. Mais oui, ça m’arrive d’y penser. » D’ailleurs, Jean-Luc Perrard ne se revendique d’aucun obédience. Il n’est pas encarté dans un parti politique. Ni dans un syndicat. Ni même dans une association d’anciens élèves ou une association sportive. « Pas par manque d’idées ou de convictions, se justifie-t-il, invoquant plutôt un manque de temps. La semaine, je n’ai pas le loisir de faire autre chose. »

« Une Golf, faut pas déconner »


Le week-end non plus, à en croire Jean-Luc Perrard. Si du lundi au vendredi, le directeur de PSA Rennes se consacre « à 100 % », à son travail, la fin de semaine lui permet de rentrer chez lui, dans l’Est de la France. Au pied des Vosges, à quinze kilomètres de Belfort et de Sochaux. Là où il a fait construire une maison avec sa femme, directrice d’une école primaire. Au programme, un peu de lecture pour cet amateur de polar, admiratif des romans de William Boyd. L’occasion aussi de  « passer du temps avec [ses] proches ». Et notamment ses trois enfants – trois garçons de 16, 20 et 22 ans. Récemment, l’un d’eux lui a demandé s’il pouvait avoir une Volkswagen Golf. Dans son bureau, orné de modèles réduits de Citroën, Jean-Luc Perrard lance : « Faut pas déconner ! » Un dernier trait d’humour puis le directeur se lève. Donne de nouvelles poignées de main, remercie rapidement. L’entretien a duré une heure et dix minutes. A sa porte, un nouveau collaborateur l’attend, blouse PSA et dossier sous le bras. La pause n’est pas pour tout de suite.
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