De plus en plus dans la lumière, le jeune délégué CGT prend du galon depuis l’annonce du plan social. Il se prépare à la succession de Michel Bourdon, l’actuel secrétaire général de la CGT et compte reprendre le flambeau de la lutte.

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Ce jour-là, il est chez lui, à cause du chômage partiel. Souvent sollicité, Mickaël Gallais est forcé de couper son téléphone le temps de l’entretien. Sur les murs de l’appartement qu’il loue seul, situé près du cimetière de l'Est de Rennes, les portraits de Che Guevara côtoient les écharpes et les drapeaux à l’effigie du Stade Rennais. « Je passe tous mes week-ends au stade. » Entré à PSA lors de la dernière vague massive d’embauches, en 2004, Mickaël Gallais installe des systèmes de freinage sur les véhicules. « Opérateur polyvalent montage » selon sa fiche de paie qu’il consulte pour être sûr de l’intitulé exact de son poste. Le virus du mégaphone, il l’a attrapé lors d’une manif. « Depuis, je ne l’ai plus lâché. Moi je suis le mec qui gueule dans le micro. Mais le vrai leader, c’est Michel. »

La relève de la CGT


Mickaël Gallais se voit comme le futur leader de la CGT à l’usine PSA La Janais. Il ne sait pas encore quand auront lieu les élections et « préfère ne pas savoir ». L’actualité du moment rend difficile l’organisation d’un congrès. Il mesure toute la responsabilité qui va peser sur ses épaules et s’y prépare tous les jours, aux côtés de l’actuel secrétaire général, Michel Bourdon, figure emblématique de l’usine, en poste depuis plus de 20 ans. « J’aimerais bien qu’il y ait d’autres candidats. Mais personne ne veut prendre ces responsabilités », regrette-t-il.

Quand on l’interroge sur ses relations avec l’actuel délégué syndical de La Janais, il marque un silence avant de répondre : « On peut compter sur lui. Michel, je le kiffe. Il a un putain de charisme, une stature, il sait parler. Si un jour je suis aussi respecté que lui dans le syndicalisme, j’aurais fait ce que j’avais à faire. » Mickaël Gallais est conscient qu’il devra faire ses preuves et s’imposer. Âgé de 35 ans, il est le plus jeune cégétiste de la section de PSA La Janais et assure l’intérim quand Michel Bourdon n’est pas là. C’était le cas en juillet 2012, lors de l’annonce du plan social. Il a dû mener la mobilisation et s’est retrouvé sous les projecteurs des médias. « J’ai beaucoup appris », affirme-t-il. « Être à la tête du syndicat, ça fait longtemps que j’y pense… Je ne suis pas au bout de mes peines, mais je ne suis pas tout seul, j’ai une équipe derrière moi. Je ne me lance pas dans l’inconnu. »


Sur son fond d’écran d’ordinateur, le groupe des délégués CGT de PSA La Janais pose en chasuble jaune, sur l’esplanade Charles-de-Gaulle. Si la manifestation du 11 février, peu suivie, lui laisse un goût amer, il préfère se remémorer les moments de gloire des mobilisations. « Au lancement de la 508, en 2010, en trois jours de grève, on a réussi à obtenir 69 postes en plus sur un atelier et à améliorer les conditions de travail des salariés qui ne suivaient plus. Ça, c’est classe. », savoure-t-il. A la CGT depuis 2006, il est « passé partout » : au comité d’entreprise, au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), au poste de délégué du personnel et à l’Union départementale. « J’ai trouvé ma place », affirme-t-il.

Grande gueule assumée


Conscient d’avoir un « côté anarchiste » et une « rebelle-attitude », le jeune frondeur a fait ses classes dès l’âge de dix ans en manifestant pour la création d’un lycée à Montfort-sur-Meu, commune d’Ille-et-Vilaine dont il est originaire. Fils d’une mère femme de ménage à domicile et d’un père cheminot cégétiste, il estime que sa conscience militante est venue avec le temps. « Mes parents avaient moins d’un salaire et demi pour faire vivre ma petite sœur, mon petit frère et moi », concède-t-il. Mickaël Gallais se fiche de son image, mais aime bien parler de lui. Il craint les réactions de ses proches, au prochain repas de famille. « Avec ma mère, ça passe bien, sauf que je gueule quand elle me loupe à la télé !» Le sujet est source de tensions, surtout avec son père. « Quand mon père a appris que je m’étais proposé pour être secrétaire, il m’a répondu “dans quelle merde tu vas te foutre ?“ On évite de parler de ce genre de choses, il ne fait plus les mêmes efforts que quand il était travailleur. Il ne vient plus aux manifestations, comme celles sur la réforme des retraites. » 

Un brin instable, il met du temps à trouver sa voie. Après avoir obtenu un bac professionnel tertiaire, Mickaël Gallais entreprend une formation BTS force de vente, qu’il abandonnera. Il intègre l’armée puis accumule les petits boulots en intérimaire, dans le secteur de l’agroalimentaire et de la grande distribution. « Si j’avais envie de dire merde au boss et de me barrer, je ne travaillais pas et puis c’est tout ! » Aujourd’hui, il ne se sent pas forcément fier de travailler à PSA. « Peu importe que je coupe des queues de cochon, que je construise des bagnoles, ou que je serve dans un bar. Mais à PSA, j’ai trouvé ma raison d’être, le syndicalisme. » La culture paternaliste de Citroën, il ne l’a pas connue. Il roule en Opel sans état d’âme, avec une pointe de provocation. « Je ne pourrais jamais acheter une Citroën sachant que dans les années 80, les mecs qui n’en avaient pas, se faisaient rayer leur bagnole », peste-t-il.

Syndicalisme et extrême-gauche


A son arrivée à PSA en 2004, Mickaël Gallais sympathise avec des anciens qui le sensibilisent à la culture et à l’histoire de l’usine, au paysage syndical. Après deux ans de boîte seulement, il prend sa carte à la CGT, pour être « délégué sinon rien ». Il bénéficie du renouvellement de la section pour être bien placé dans les listes, et être élu, en 2010. « Je suis militant pour que les idées que je défends, soient partagées par le plus grand nombre. » Le seul combat qui l’anime, c’est celui pour l’emploi. « Je suis obligé d’y croire, sinon je ne me battrais pas. 1400 emplois en moins, c’est 7000 emplois touchés en tout sur le département. On défend depuis longtemps le départ à 55 ans contre une embauche, justement pour garantir l’avenir du site. » Même si la CGT n’envisage pas de signer le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), il comprend ses collègues plus âgés qui veulent partir. « Il y en a qui sont vraiment fatigués, et qui ont des problèmes de santé, ceux-là ont raison de vouloir s’en aller », reconnaît-il.

Au risque de cliver au sein de la CGT, il affirme que l’engagement syndical est inséparable du politique. Même s’il se dit non-encarté, Mickaël Gallais a des accointances avec l’extrême-gauche, ce que certains lui reprochent. Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) l’a approché au mois de juillet. Il se défend cependant de vouloir occuper une responsabilité politique. Sa bibliothèque est bien fournie en littérature syndicale ou politique. « J’ai rien lu », confie-t-il, avant d’aller chercher La France d’en bas,  de l’ex-leader CGT de la fonderie de Bretagne, Pierre Le Ménahes, qu’il admire. Ses modèles ? Il n’en a pas. « Il y a le Che partout sur les murs, mais c’est parce que je suis nul en décoration. » C'est à peine s'il cite Jean-Pierre Mercier, le leader CGT de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois. « Je l’ai vu en réunion, c’est un bon gars. Mais on n’est pas confronté aux mêmes choses. Le seul truc que je pourrais lui envier, c’est son sens de la communication. » Mickaël Gallais sait qu’il devra être disponible à plein temps pour le syndicat. « Michel m’a prévenu. Peut-être que je ne serais pas aussi engagé si j’avais quelqu’un dans ma vie. »

Aucune action n’est programmée à l’agenda de la CGT de l’usine de PSA La Janais pour les prochaines semaines. L'échec du 11 février a marqué les esprits. Dans une usine vieillissante – la moyenne d’âge est de 47 ans - Mickaël Gallais sait qu’il incarne la relève. Le passage de flambeau était initialement prévu pour le premier trimestre 2013. « Je ne suis pas pressé vu la situation. Même si maintenant c’est rentré dans les têtes de tout le monde. » A défaut d’autres candidatures, Mickaël Gallais devrait être élu sans difficulté, même s’il ne fait pas l’unanimité au sein de la CGT. « Il a beaucoup de qualités mais son côté fougueux serait plus adapté à Aulnay qu’à La Janais », tempère un de ses collègues. Michel Bourdon pense quitter ses fonctions avant l’été. La transition entre le maitre et l’élève devrait s’effectuer dans la douceur.
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