Depuis 1995, Philippe Bonnin est maire PS de Chartres-de-Bretagne, petite commune du sud de Rennes qui abrite l’un des plus grands sites industriels de France : PSA La Janais. En plein plan de restructuration du groupe Peugeot Citroën, le premier magistrat monte au front.
« PSA Rennes ? Je ne connais pas, nous sommes là pour parler de PSA Chartres-de-Bretagne il me semble. » Maire depuis 1995 de la commune qui abrite le site de PSA La Janais, Philippe Bonnin tient à montrer son attachement à la ville, sa ville, jusque dans le choix des mots.En décembre dernier, ce socialiste historique abrite dans son hôtel de ville la première réunion du comité de soutien aux salariés de PSA organisée par le Front de Gauche. Seule personne en costume dans la salle, sa prise de parole laisse transparaître l’aura de l’expert et du preneur de décision ; son ton et son élocution rappellent ceux d’un ministre et le brouhaha de la salle des fêtes s’estompe dès qu’il prend la parole.
Quand on est le premier élu d’une commune comme la sienne, on est avant tout directement concerné par le huitième plus grand site industriel français encore en activité et on compte bien le rester. Le constat du déclin des effectifs est pourtant sans appel. En moins de 10 ans, Philippe Bonnin a vu le nombre d’emplois du site divisé par deux. Sur les 5 600 que compte l’usine aujourd’hui, 1 400 postes sont menacés par le plan social sans précédent en cours dans le groupe PSA.
Comme un père de famille acculé, il monte aux fronts
À Chartres, où il y a presque autant d’employés à La Janais que d’habitants, PSA revêt une importance cruciale. En plus de représenter un quart de la superficie totale de la petite ville, le site apporte près des deux tiers de ses recettes fiscales. « Cela implique une qualité d’équipement et je dirais même une qualité de vie », détaille l’élu, mentionnant par exemple la piscine chartraine. Plus grave, il poursuit : « Quand une industrie comme celle-ci est confrontée à une crise, cela implique une remise en cause structurelle très forte pour la ville. »
En pleine tourmente, Philippe Bonnin monte aux fronts, quels qu’ils soient, comme un père de famille acculé. Avec les représentants de l’Etat ou les associations de soutien aux salariés menacés, dès que l’on parle de PSA, le maire est concerné et se saisit du dossier. S’il se bat sans doute par conviction politique et économique, il jette avant tout ses dernières forces dans la bataille, dos au mur.
« Je fais partie de ceux qui pensent qu’en économie, rien n’est jamais acquis »
A la réunion tripartite du 11 février dernier, qui réunit pouvoirs publics, syndicats et direction de PSA, le maire de Chartres-de-Bretagne porte plusieurs casquettes du haut de ses 58 ans : vice-président du conseil général d’Ille et Vilaine il s’active également en sa qualité de président de l’Association des Collectivités Sites d’Industrie Automobile (ACSIA), succédant au désormais ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici.
« Mon univers, c’était l’agriculture »
Ce n’est pas un hasard s’il évoque le sujet, « mon univers c’était l’agriculture », raconte-t-il. Ce fils d’agriculteurs de Niort intègre après un bac scientifique l’Ecole Supérieur d’Agriculture, dont il ressort ingénieur. Il s’intéresse vite à la question du développement, sur laquelle il écrit une thèse. Docteur en économie, il est amené à travailler sur des missions pour l’ONU, à Rome notamment. Pour des « raisons familiales » il s’installe à Chartres en 1988 où il fonde sa famille, qui compte désormais quatre enfants. Chargé de missions économiques pour la ville de Chateaubriant, il est élu de justesse sept ans plus tard à Chartres, refusant tout soutien de barons locaux. Petit à petit il attrape le « virus » de l’industrie automobile, lui qui n’hésite pas à passer ses dimanches à « se documenter et à faire de la veille » sur le sujet pour se « tenir à niveau ».
C’est justement sa connaissance et son implication sur le dossier PSA qui ressortent le plus souvent lorsque le personnage est évoqué. Il réussit même l’exploit de mettre d’accord Mickaël Gallais, syndiqué CGT, et la direction de PSA. Le syndicaliste tonne : « Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit mais c’est le seul qui ouvre sa bouche et qui défend son bout de gras. » Le maire assure de son côté être en « très bonne intelligence avec la direction » qui « reconnaît sa bonne connaissance des enjeux. » Même son de cloche, ou presque, du côté du comité de soutien. Sylvie Larue, une responsable Front de Gauche, nuance quand même en expliquant la difficulté qu’il peut avoir à ménager tous ses interlocuteurs, même ceux de son bord.
« Je distille une musique différente de celle du gouvernement »
Du conseil général à la région, le bassin industriel est tenu par le parti socialiste. Mais depuis le changement de majorité au niveau national, le trublion chartrain se retrouve parfois en décalage avec ses partenaires ou avec le gouvernement. Malicieux, il glisse dans un sourire : « disons que je distille une musique différente. » Plus sérieux, il précise : « Je n’ai jamais changé de diagnostic sur les questions industrielles. Il faut un engagement de l’Etat et de tous les pouvoirs publics. » Ce soutien historique de François Hollande avoue être « déçu » que ses interlocuteurs ne prennent pas la mesure de la crise de la filière. Même si son discours s’y apparente, il refuse de se définir par rapport à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. « Je suis proche de ma propre ligne », s’amuse-t-il.
Si l’avenir de l’entreprise et du site de La Janais sont toujours incertains, celui du maire de Chartres de Bretagne l’est moins : il a annoncé récemment être à nouveau candidat aux prochaines élections municipales. Les Chartrains ont depuis 1995 placé leur confiance dans le personnage puisqu’il a été deux fois réélu avec 70% en 2001 et 2008. Interrogé sur de possibles autres responsabilités il s’arme pourtant de son sourire habituel : « on verra. » En politique comme en économie, rien n’est jamais acquis.