Les magistrats du tribunal de grande instance (TGI) de Rennes ont tiré la sonnette d'alarme vendredi pour réclamer plus de magistrats et de greffiers, alors que les postes créés, déjà jugés insuffisants, ne sont pas forcément pourvus.
"Alors que le TGI compte en théorie 44 magistrats du siège, 18 au parquet et 117 greffiers, nous ne sommes respectivement que 37, 15 et 80 compte-tenu des vacances récurrentes de postes, des temps partiels, arrêts maladie et congés maternité non remplacés", ont expliqué devant la presse des magistrats de la "commission restreinte", sortes de délégués du personnel, qui n'ont pas souhaité être cités. "On s'habitue peut-être à une certaine pénurie, mais il y a des choses auxquelles on ne peut plus s'habituer car on ne peut plus travailler normalement", a déclaré un des membres de la commission.Des décisions sans audience pour tenir les délais
Il faut ainsi 11 mois pour saisir un juge aux affaires familiales, qui tranche pourtant de questions cruciales comme le droit de visite. Pour tenir les délais, les juges des enfants sont obligés de rendre des décisions sans audience pour des durées d'un ou deux ans, excluant de fait tout regard régulier de la justice sur la situation de familles souvent en détresse.
Les juges rennais se sentent abandonnés
Après avoir alerté en vain la chancellerie, qui s'apprête à statuer sur les nominations de janvier, les juges rennais se sentent aujourd'hui abandonnés. Du fait de l'allongement des délais, qui dépassent parfois les délais légaux, ils redoutent d'être contraints de remettre en liberté des personnes placées en détention provisoire et en attente de jugement, alors que ces dernières ont été parfois difficiles à interpeller.
Le même effectif théorique depuis 2009
L'effectif théorique du TGI de Rennes n'a pas bougé depuis 2009, alors que la population ne cesse de croître. La charge de travail s'est par ailleurs alourdie en matière de délinquance organisée, de contentieux liés aux étrangers ou simplement du fait de l'implantation de deux centres pénitentiaires de plus de 1 000 détenus. Parallèlement, les nouvelles missions s'accumulent, Rennes étant considérée comme une juridiction pilote dans plusieurs domaines, dont la médiation familiale.
Une juridiction faisant figure de "super centre d'encaissement" pour l'Etat
"Oubliée" lors des nominations, le paradoxe veut que la juridiction bretonne fasse pourtant figure de "super centre d'encaissement" pour l'État, avec la présence du Centre national de traitement informatisé des infractions routières ou d'une Juridiction interrégionale spéciale (Jirs), dont les affaires complexes permettent à la puissance publique de récupérer des millions d'euros, selon les magistrats.