Mercredi 4 décembre 2024, Jean-Paul Isaki a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Paula Migeon, tuée le 7 avril 2021. Pour ce dernier jour de procès, la cour a entendu l'expertise psychiatrique de l'accusé. Pour le docteur Raymond Videlaine, une chose est sûre : Jean-Paul Isaki ne présentait aucun trouble au moment des faits.
C'est en prison que dormira Jean-Paul Isaki pendant les 25 prochaines années. Après trois jours de débat à la cour d'assises de la Marne, Jean-Paul Isaki a été reconnu coupable, mercredi 4 décembre 2024, du meurtre de Paula Migeon, une femme transgenre tuée le 7 avril 2021.
Pour le docteur Raymond Videlaine, qui a réalisé deux expertises psychiatriques de l'accusé (la première en mars 2021, trois semaines avant les faits qui lui sont reprochés et la seconde fin octobre 2024), une chose est sûre : il ne présentait aucun trouble au moment de son passage à l'acte.
"La sorcellerie en Afrique est une réalité sociale et culturelle"
"Je me réveille et je commence à faire des mouvements involontaires comme si j’étais dirigé", avait déclaré Jean-Paul Isaki, natif du Congo, lors de l'expertise psychiatrique réalisée en fin octobre 2024. En début de semaine, l'accusé avait déclaré que depuis mars 2023, après une agression en détention, il voyait des démons et des pigeons dans des miroirs. "Quelque chose s'est passé après cette agression, c'est certain", a constaté Raymond Videlaine. Mais de quelle nature ? Personne ne peut répondre à cette question. Cependant, la question culturelle africaine pourrait avoir son importance dans cette affaire. "Il faut comprendre que la sorcellerie en Afrique est une réalité sociale et culturelle. Donner de la considération à la sorcellerie peut être irrationnel. En Afrique, deux mondes se côtoient : le visible et l’invisible. Le second représente le monde mystique", explique l'expert psychiatre.
Mais que penser de la situation psychiatrique de l'accusé au moment des faits ? "Manifestement, à ce moment-là, il ne présentait pas de trouble", a déclaré l’expert psychiatrique. Alors comment expliquer ses actes ? "Je reste persuadée que Jean-Paul Isaki présente des troubles psychiques aujourd'hui, mais qu’ils ne sont pas à l’origine de ses actes", a conclu le docteur Raymond Videlaine.
Cependant, l'expert n'a pas pu apporter de réponse sur la dimension sexuelle des actes de Jean-Paul Isaki. La cour est revenue sur une affaire, en date de 2017, toujours à l'instruction, où l'accusé est mis en examen pour tentative d'homicide sur une escorte girl qui était transgenre. Peut-on parler de rituel ? "Dans ces pays-là, les homosexuels sont des démons à éliminer", réagit la présidente.
L’identité de genre au cœur du débat
En fin de matinée, les plaidoiries des parties civiles ont commencé. "Laura me demande de faire passer un message : que ce procès ait du sens. Un sens particulier sur la manière dont les crimes ont été commis. Ce n’est pas tous les jours dans notre justice française qu’on arrive à une audience de jugement avec cette circonstance particulière qui tient à l’identité de genre de la victime", a déclaré maître Mourad Benkoussa.
Face au silence, on fait quoi ? On est venu chercher la vérité"
Maître Mourad BenkoussaFrance 3
Il continue : "C’est ça le débat, l’identité de genre et pas l’orientation sexuelle". "Paula est née dans un corps d’homme, on lui a dit qu’elle faisait partie du genre masculin, sauf que très tôt, elle s’est sentie femme. Elle en a malheureusement senti les conséquences par le rejet, le regard de la société", souligne-t-il en précisant : "On pense que l’accusé est un homosexuel qui ne s’assume pas. Mais comme tout être humain il a des pulsions sexuelles qu’il faut assouvir. Alors comme il ne s’accepte pas, le seul moyen d’être dans le plaisir sexuel, c'est d’être avec une femme transgenre. C’est pour ça qu’il y est allé. C’est pour ça que ce rendez-vous a eu lieu". Maître Mourad Benkoussa dénonce le silence de l'accusé : "Face au silence, on fait quoi ? On est venu chercher la vérité".
L'accusé, un homosexuel qui n'assume pas ?
Au tour de l'avocate de la défense Jane Peissel de plaider. "Mr. Isaki ne se confie à personne sur sa sexualité, car il n’a pas eu le courage. L’expert psychiatre n’a pas compris ce qui a pu se passer, l'accusé lui-même n’a pas dû comprendre ce qu’il se passait ce jour-là, le jour des faits", déclare-t-elle devant la Cour. Sa consœur, maître Magou Soukouna, également avocate de Jean-Paul Isaki détaille : "Je pense que Jean-Paul est un homosexuel refoulé". Elle ajoute : "Il veut se convaincre d'être hétérosexuel alors qu'il sait au fond de lui qu'il est homosexuel. Il se bat contre sa nature, j'estime que c'est une des choses les plus difficiles à faire".
Après trois heures de délibération, Jean-Paul Isaki a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de sûretés. Il aura aussi un suivi socio judiciaire pendant cinq ans après sa sortie de prison. Le parquet avait requis à son encontre 30 ans de réclusion criminelle, dont une période de sûreté de 20 ans.