Jean-Paul Isaki comparaît à partir de lundi 2 décembre 2024 devant les Assises de la Marne pour le meurtre de Paula Migeon, une femme transgenre tuée le 7 avril 2021, à Reims. Au cœur de cette première journée des débats : la capacité de l'accusé, présumé innocent, à être jugé, mais également l'expertise de sa personnalité.
Son procès a failli ne pas avoir lieu. Jean-Paul Isaki s'est présenté la tête baissée dans le box des accusés de la cour d'assises de la Marne ce lundi 2 décembre 2024. Il est jugé pour le meurtre de Paul Migeon, une femme transgenre retrouvée morte dans son appartement, avenue de Laon, à Reims, le 7 avril 2021.
Plusieurs qualifications ont été retenues à l'encontre de l'accusé, dont celle de "meurtre aggravé en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle de la victime". Au cœur de cette première journée des débats : la capacité de l'accusé à être jugé, mais également l'expertise de sa personnalité.
"Il faut que la justice passe"
Jean-Paul Isaki est-il en état d'être jugé ? À la demande de ses avocates, Jean-Paul Isaki a été expertisé il y a quelques semaines pour savoir s'il était en capacité de se défendre. "Mr. Isaki a, comme tout accusé, le droit de se défendre, de préparer sa défense. Il doit étudier les différentes charges contre lui", a déclaré Jane Peissel, avocate de la défense. Elle continue : "La jurisprudence française est claire : on vérifie que la personne est en capacité de comprendre les enjeux du procès".
Dans sa cellule, Jean-Paul Isaki aurait un comportement troublant. "Il parle aux murs, semble être perdu, il prend très peu de repas, ne va plus au sport, ne sort plus. Il devient très dur à gérer", explique Maître Jane Peissel, qui précise : "Je suis arrivée tardivement sur le dossier, il avait des propos incohérents. Je n’ai pas pu discuter avec lui du dossier ni préparer sa défense".
Il a l’air en meilleur état de santé que Jean-Marie Le Pen
Christ Baptiste, avocat des parties civilesFrance 3
Les avocats de la partie civile ont tous demandé le rejet de ce renvoi. "Ça fait trois ans et demi qu’on attend ce procès. Il a refusé d’aller voir les experts pendant l’instruction. Il faut que la justice passe", a souligné Maître Mourad Benkoussa, avocat de la nièce de Paula Migeon. Chris Baptiste, avocat des parties civiles, rajoute : "Je m’oppose également à ce rejet, car je constate que Jean-Paul Isaki est présent aujourd'hui. Il a l’air en meilleur état de santé que Jean-Marie Le Pen. Les difficultés qu’il rencontre sont classiques, elles viennent de son incarcération".
L'accusé habité par des démons
Après le délibéré et le rejet du renvoi par la cour, l'accusé a été interrogé par la présidente. "Je ne l'ai pas tué, car il était homosexuel, ce n'était pas ma motivation", a-t-il déclaré derrière la vitre qui le sépare de ses conseils, avant de garder le silence pour les autres motifs retenus à son encore.
La présidente de la cour est longuement revenue sur le parcours de vie et l'histoire personnelle de l’accusé. Issu d'une famille à l'origine soudée, qui s'est retrouvée éclatée à cause du conflit au Congo, il est arrivé en France en 2017, après avoir vécu dans une structure d'accueil au Sénégal : pas d’encadrement correct, pas de scolarisation, des enfants exploités… Une "enfance difficile". "J'ai des souvenirs flous de tout ça", souligne Jean-Paul Isaki, l'air perdu. En avril 2020, il quitte l'appartement domicile situé à Corbeil-Essonne, en Île-de-France. Il s’installe à Chalon, pour suivre une formation. "Je voulais quitter la cité, m’éloigner des problèmes", précise l'homme qui se décrit comme "calme".
À la suite de cette formation, Jean-Paul Isaki commence des missions d'intérim dans la logistique. "Je n'allais pas au bout de mes missions, j'étais envoûté par le démon. Je l'ai compris quand j'étais en détention, en avril 2023, quand j'ai commencé à voir des pigeons défiler dans le miroir de ma cellule", se justifie-t-il auprès de la Cour. À plusieurs reprises, Jean-Paul Isaki dit être habité par des démons et être manipulé, depuis son enfance.
"Un enfant qui a vu la guerre, ça peut laisser des séquelles"
Le frère de l'accusé, s'est avancé à la barre pour parler de lui. "C'est comme s'il était bipolaire". Il continue : "Je pense que si mon frère avait été attiré par les hommes, il en aurait parlé à son père, car ils sont très complices". À son tour, la maman de Jean-Paul Isaki prend la parole, la gorge nouée : "Quand la police a frappé à ma porte en avril 2021, je ne savais pas que c’était gravissime. Je me suis dit pourquoi lui ? Mais un enfant qui a vu la guerre, ça peut laisser des séquelles".
Mardi, au deuxième jour du procès, les débats continueront avec l'audition de plusieurs témoins, de l'expert légiste, des parties civiles et de l'accusé. Jean-Paul Isaki encourt la réclusion criminelle à perpétuité.