Le tribunal correctionnel de Rennes a jugé ce lundi 9 janvier deux sœurs de 25 et 28 ans pour "exercice illégal de la médecine". Elles se présentaient comme "médecins esthétiques" sur Instagram. Elles ont pratiqué des "injections d'acide hyaluronique" entre octobre 2019 et octobre 2020.
C'est un médecin esthétique d'Orléans (Loiret) qui avait alerté les autorités sanitaires en tombant sur la page Instagram des deux sœurs de Rennes âgées de 25 et 28 ans. Elles se présentent sur Internet comme "médecins esthétiques", alors même qu'elles n'ont même "pas de diplôme d'esthéticienne". Elles ont été jugées pour "exercice illégal de la médecine".
"L'une des sœurs piquait, l'autre expliquait"
Elles proposaient des "injections d'acide hyaluronique". Cette "molécule de sucre naturellement présente dans l'organisme vise à combler les interstices" de la peau, selon le pharmacien de l'Agence régionale de santé (ARS) entendu au cours de l'enquête. Les deux prévenues vendaient aussi des "lentilles" et des "baumes à lèvres", a-t-il été rapporté lors de l'audience.
"L'une des sœurs piquait, l'autre expliquait", a ainsi résumé l'une de leurs anciennes clientes entendue au cours de la procédure. Certaines femmes ont relaté avoir subi de vives douleurs, l'une d'elles aurait été "piquée jusqu'à l'os de la mâchoire" pour traiter "un double menton". Elle avait ensuite constaté "un gonflement pendant deux mois" mais "son double menton ne s'est pas du tout arrangé", a relaté le président du tribunal correctionnel de Rennes.
Des prestations en France... et à "Dubaï"
"Un acompte de 70 €" via la plateforme PayPal, puis "un complément" pour des prestations pouvant atteindre jusqu'à "400 €" étaient demandées par les deux Bretonnes qui ont pratiqué en France, en Suisse et même jusqu'à "Dubaï".
Leur société d'injections n'a jamais déclaré d'activité en France. Leur chiffre d'affaires non déclaré a pourtant été estimé à "plus de 210.000 €" par la police judiciaire. Elles comparaissaient donc également pour ces faits de "travail dissimulé".
Reste que la condamnation de ces deux jeunes femmes jusqu'alors inconnues de la justice pour cette "pratique illégale de la médecine" n'est pas évidente. L'acide hyaluronique n'est pas reconnu comme "un médicament" et est "un dispositif médical en vente libre", a convenu le procureur de la République.
Toutefois, "ce n'est pas tant le produit qui pose problème mais les injections". Selon lui, on est ici "au-delà du soin esthétique". Le magistrat a requis douze mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer le métier d'esthéticienne pendant trois ans pour les deux jeunes femmes.
Arguant que cette pratique n'a pas encore fait l'objet de réglementation, "on peut trouver la pratique choquante voire dangereuse, mais on ne peut punir que ce qui est prévu par la loi" a indiqué Me Henry Ermeneux, l'avocat des deux sœurs.
Dans une autre affaire d'injections, le tribunal correctionnel de Béziers (Hérault) a récemment considéré que l'infraction de "pratique illégale de la médecine" était bel et bien caractérisée. La décision rennaise a pour sa part été mise en délibéré et sera rendue dans deux mois.