Créée en 1987, la section bowling de l'ASLC Peugeot-Citroën de Rennes compte aujourd'hui vingt membres. Deux fois par semaine, ils participent à un tournoi « corpo », au bowling d'Alma. Rencontre au cœur de la compétition, avec ces sportifs fiers de porter les couleurs de leur entreprise.

Après avoir passé la journée à réaliser des formes et des outils « protos » à l'atelier, Patrick, modeleur sur bois depuis 1977 aurait pu rentrer fêter la Saint-Valentin, avec Sylvie, son épouse. Mais depuis qu'il fait de la randonnée pédestre, du renforcement musculaire et du bowling, toutes les soirées du robuste président de la section bowling de l'ASLC (Association sportive, de loisirs et culturelle) Peugeot-Citroën sont prises.

Ce jeudi 14 février, au bowling d'Alma, Patrick a revêtu son survêtement en molleton gris. Pas pour jouer, mais pour encourager ses collègues, dans ce tournoi, où les quatorze équipes se divisent en triplettes. Comme tous les mardis et jeudis, les différentes corpos de la ville se défient, le temps d'une soirée, sur les seize pistes du bowling. Chacune a son maillot. Ceux de l'ASLC Peugeot-Citroën – neufs de cette année – sont rouges et noirs. Mais « rien à voir avec le Stade Rennais », s'esclaffe Patrick, un demi de Grimbergen à la main ; sa malette pleine de licences à ses pieds. Il est presque 19 heures, les bowlers de l'ASLC arrivent au compte-goutte.

« On m'a proposé de changer de club, j'ai refusé »

Certains sont membres de la section depuis sa création, en juillet 1987. D'autres, comme Edith, sont arrivés un peu plus tard. Elle a commencé en 1991, « en dillettante ». Son mari, Bruno, est comptable fournisseur à PSA La Janais. C'est aussi le trésorier de la section bowling, qui gère 6000 euros de budget annuel. C'est grâce à lui qu'Edith, qui ne travaille pas à PSA, peut porter le maillot siglé de la marque aux chevrons. Mais pourquoi, cette « pièce rapportée », comme elle se décrit, est si attachée à l'ASLC ? Edith, pressée d'aller rejoindre les autres, répond sans ambages : « Je m'y plais bien. On m'a proposé de changer de club, j'ai refusé. » Patrick détaille : « C'est l'ambiance de famille ! Faut garder ce groupe, si y'en a un qui part, le lien est cassé. »

Jean-Pierre, 52 ans mais qui en fait dix de moins, arrive à toute vitesse pour saluer Patrick. Cette autre « pièce rapportée », d'un petit gabarit, égrène avec fierté la liste des autres sports qu'il pratique : tennis, pétanque, boxe thaï. En 2008, il a rejoint l'ASLC grâce à sa femme, Melany, opératrice lustreur en peinture chez PSA. Tout sourire, Jean-Pierre explique qu'il est « polyvalent ». Il remplace ceux qui ne peuvent pas jouer quand « ils sont du soir ».

L'ASLC ne fait pas l'unanimité

« Du soir ? » Devant nos yeux ronds, Patrick traduit : « Que l'on soit du matin ou du soir, cela veut dire qu'on travaille en équipe. Ceux-là, quand ils ont fini, ils rentrent chez eux, en car ou par leurs propres moyens. » Les salariés qui habitent loin du site de La Janais sont donc pénalisés. De quoi susciter quelques tensions, d'autant plus que l'association est loin de faire l'unanimité dans son atelier. « On est 47. Je suis le seul à adhérer à l'ASLC. »

Et en ce moment, dans ce contexte économique calamiteux, Patrick sait que le sport n'est pas la première préoccupation des gens qui défendent leur métier, « leur vie ». Dans cette situation, difficile pour certains de concevoir que l'entreprise donne de l'argent pour jouer alors même que certains postes sont menacés. Alors on fait des concessions. Depuis cette année, plus question pour la direction d'offrir leur vendredi aux sportifs sélectionnés pour une finale nationale. « On nous fait moins de cadeau que dans le temps », soupire le quinquagénaire en guise de conclusion.

« Le sport chez PSA est moins reconnu qu'avant »

Les dix minutes de boules de chauffe sont écoulées depuis un bon moment. Dans le brouhaha ambiant, Patrick continue de livrer, sur le même ton nostalgique, le passé de l'ASLC. Il se remémore la victoire de l'équipe de foot de son père, contremaître en fabrication chez PSA, à la Coupe de France corporative, en 1965, à Paris. « C'était comme s'ils avaient gagné la Coupe du monde niveau entreprise ! Alors que maintenant... Le sport chez PSA est moins reconnu qu'avant. C'est dommage. », s'attriste t-il. On le croit volontiers quand il confie, « l'ASLC, ça me tient à cœur ». D'ailleurs, en 2010, il n'a pas hésité à reprendre la section, sans jamais avoir joué au bowling avant, juste « pour ne pas que ça s'en aille ». D'autres sections n'ont pas eu cette chance. Faute de repreneur, la pétanque vient de disparaître de la liste des activités proposées par l'ASLC.

Challenges inter-sites : « Tous les PSA se retrouvent là-bas »

Quant à l'avenir de sa propre section, Patrick ne se fait pas d'illusion : « Ça va s'éteindre tout seul ». Sur une note moins pessimiste, il décrit, d'un air émerveillé, les rencontres inter-sites PSA. Il y a trois ans, Rennes les accueillait. Cette année, elles auront lieu à Metz, en octobre. « Tous les PSA se retrouvent là-bas. Chaque site défend ses couleurs. C'est des gens qu'on voit qu'une fois dans l'année. Comme je suis breton, j'amène la goutte. Nos amis de Mulhouse, ils ramènent du vin blanc. On se marre, même si c'est de la compétition ! »

Des moments inoubliables qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Patrick en est conscient, « ça fait des week-ends à 200 euros. Le bowling, ça a un coût. Faut acheter sa boule, sa tenue, payer ses parties... » Compter entre 250 et 400 euros, pour une boule, percée à la taille de ses doigts, par Olivier Delcourt, le patron du bowling. Et si comme ce soir, les joueurs fondent sous la chaleur des néons, il faut aussi avoir de quoi payer ses consommations. Il est près de 22 heures, les quilles continuent de tomber mais il est l'heure pour Patrick de rentrer chez lui. Au bord des pistes, tout le monde s'embrasse, comme à la maison, pour se dire bonne nuit. Le président de la section a raison : « L'ASLC, c'est une grande petite famille. »
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