Avec une situation sanitaire et sociale exceptionnelle dans le contexte de la pandémie, le collectif Alerte Bretagne s'adresse aux préfets, aux départements et aux élus des grandes villes, afin d'obtenir un report de la trêve hivernale des expulsions, fixée cette année au 1er juin.
Reverra-t-on des campements et des squats sauvages en Bretagne au printemps et cet été? C'est la crainte du Collectif Alerte-Expulsions Bretagne, qui vient d'adresser un courrier aux autorités préfectorales et aux élus afin de solliciter leur soutien pour repousser au 1er novembre 2021 la trêve hivernale fixée cette année par circulaire ministérielle au 1er juin.
"Il faut absolument éviter les remises à la rue, les expulsions sans relogement et les coupures ou sévères restriction d’énergie après la fin de la trêve au 1er juin " explique Hugues Feltesse, membre de ce collectif qui regroupe depuis juin 2015, une plateforme d’expression réunissant les associations et fédérations de Solidarité qui oeuvrent et luttent contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.
Le 14 avril dernier, plusieurs dizaines de sans-abris avec leurs enfants ont campé avec leurs tentes place de la mairie à Rennes, pour alerter sur leurs situations précaires et inciter l’Etat et la ville de Rennes à proposer des hébergements adaptés à leurs familles.
"Cette situation constitue les prémices de ce qui pourrait survenir de façon plus conséquente et brutale à compter du 1er juin 2021" alerte le collectif.
Avec des familles précaires de plus en plus en difficultés économiques du fait de la crise sanitaire, le risque d'une grande détresse est à craindre du côté de cette population fragile s'inquiéte le collectif. Et une nouvelle fois une stigmatisation.
Beaucoup d'entreprises bénéficient de report de charges et d'aides pour traverser la crise. Il faut aussi une réponse du gouvernement dans le champ social avant d'être débordé, en plus des conséquences sur la santé des personnes expulsées face à la pandémie.
De nombreuses familles à la rue
Le report de la trêve au 1er novembre 2021 permettrait aux bailleurs et aux services sociaux d'étudier au cas par cas les dossiers, afin de trouver des solutions de transition pour éviter les expulsions, souligne t-il encore pour appuyer sa demande.
"On ne va pas pouvoir improviser à un mois de la date butoir" rajoute Hugues Feltesse, qui précise que des discussions ont tout de même commencé avec certaines préfectures de Bretagne. Des courriers à destinations des maires des grandes villes et des métropoles vont bientôt être envoyés.
Les maires et les présidents d'agglomération risquent d'être en première ligne face aux expulsions de famille qui devront dormir dehors, avec le risque d'un retour de squatts et de campements sauvages.
Ces associations de solidarité saluent l'effort de l'État et des collectivités fourni en 2020 avec des nuitées d'hôtel supplémentaires accordées aux sans-abris sans aucun critère . Cela a permis de réduire fortement les expulsions en Bretagne précise Stéphane Martin, de la Fondation Abbé Pierre.
Mais ses projections sont inquiétantes : " On risque de voir se cumuler les expulsions des précaires de 2020 avec l'afflux de nouvelles familles fragilisées en 2021 !"
Difficile de comptabiliser, faute d'éléments officiels, le nombre de personnes qui risquent de se retrouver sans toit mais selon une association militante rennaise, on estime qu’environ 250 à 300 personnes pourraient se retrouver à la rue au 1er juin en Ille-et-Vilaine.
Dans le Morbihan, les services du préfet estiment qu’un minimum de 85 personnes ne serait plus pris en charge.
Blanche Gardin au côté de la Fondation Abbé Pierre Bretagne pour promouvoir les logements solidaires
Des solutions existent pourtant. La comédienne Blanche Gardin est venue mi-mars dernier à Rennes et à Saint-Brieuc, à l'invitation de la Fondation Abbé Pierre Bretagne, pour mettre en lumière à sa façon des alternatives de logements accessibles aux personnes en difficultés, comme des logements solidaires mis à dispositions gratuitement par des bailleurs sociaux.
Stéphane Martin appuie aussi sur le fait que de nombreux logements vides existent, incitant les municipalités à recenser le foncier pour étudier toute possibilité.