"Ça ne va pas du tout, Je t'aime " Un message suivi par d'heures d’angoisse. Dans son livre, "Je n'ai pas su voir ni entendre", Mémona Hintermann a décidé de parler de la tentative de suicide de son mari pour alerter. Chaque année, en France, 200 000 personnes cherchent à mettre fin à leurs jours .
Ce soir-là, à l’automne 2020, la journaliste Mémona Hintermann a un article à finir. Elle est rentrée à Paris. Son mari, Lutz Krusche, ancien correspondant pour le quotidien allemand, "Der Spiegel" est resté dans les Landes. Un sms tombe sur le téléphone portable de Mémona Hintermann "Ça ne va pas du tout, Je t'aime !"
Dans son livre, "Je n'ai pas su voir ni entendre", elle raconte la dégringolade de son compagnon, journaliste reconnu, "un homme solide" précise-t-elle. Mais qui a connu la guerre et perdu sa fille unique dans un accident de voiture . "On croit que les blessures, tout ça, ça s’en va, mais cela ne s’en va pas ".
A la lecture du message, elle comprend que quelque chose de grave est en train de se passer. Elle téléphone aux hôpitaux, prévient les gendarmes.
Au petit matin, son mari est retrouvé, dans sa voiture, au bord d'une plage. Il s’est tailladé les poignets et a avalé une grande quantité d’alcool et de médicaments. Il est dans le coma, mais il est en vie.
La dégringolade
Nous les proches, on ne voit pas toujours la personne dégringoler. Ne faites pas comme moi, c’est ce que je voudrais dire aux gens,
"Si vous voyez qu’un proche, un ami, un voisin, un collègue, quelqu’un qui commence à changer de façon si radicale que vous ne le reconnaissez pas, implore la journaliste, ne faites pas comme moi, en disant, il devient désagréable, il vieillit… non, il ne vieillit pas, il dégringole."
"Allez voir un médecin, une infirmière, une assistante sociale. Le problème, le vrai drame, c’est qu’en France, on manque terriblement de moyens pour soigner les gens qui déraillent."
Un constat accablant
Mémona Hintermann a cherché les chiffres : en France, 200 000 personnes attentent chaque année à leurs jours. 9 000 réussissent. C’est une mort toutes les heures dans notre pays. "Et je sais que la Bretagne souffre particulièrement soupire la journaliste, la moitié de moi est bretonne. " Avec 750 décès par suicides en 2020, la région est une des plus touchée du pays.
Est-ce qu’on reste les bras croisés ?
"On peut se dire, ils n’ont plus envie de vivre, tant pis pour eux, mais le jour où cela vous arrive, vous vous mettez à penser."
Il faut parler du suicide, de la dépression. Il faut essayer de comprendre. La santé mentale, ce n’est pas une médecine pour les marginaux. Moi, je n’ai pas encore dégringolé, mais qui peut me dire si je ne vais pas dégringoler demain s’interroge-t-elle. Si ça m’arrive, j’espère que quelqu’un m’aidera.
Ne faites pas comme moi !
"Je n'ai pas su voir ni entendre", Mémona Hintermann répète la phrase, une fois de plus.
Comme tous les proches, quand une personne a essayé de se donner la mort, elle a ressenti une grande culpabilité. "Ne faites pas comme moi, insiste-t-elle, je suis restée pendant des jours en me disant qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que je n’ai pas vu ? Ne restez pas seuls, et surtout n’ayez pas honte. On ne peut pas tout voir, mais on peut se battre pour que les choses changent !"
Non, on ne va pas accepter l'inacceptable. Les soins à l'âme - je ne sais comment dire - à l'esprit, au cerveau? doivent devenir une priorité. Nous avons un bulletin de vote pour l'exiger . Point! https://t.co/8r8ZUjbGuc
— Hintermann A. Mémona (@AffejeeH) September 19, 2021