Entre rite traditionnel et combats de rue, le Mouringué s’installe à Rennes durant la période du Ramadan. Des centaines de jeunes et des familles se retrouvent à la tombée de la nuit pour assister à des “Moringues” des duels à mains nues au son des percussions.
L’image est saisissante. Tels des boxeurs, deux jeunes hommes se font face. Soudainement, des coups de poing très violents s’échangent au rythme des tam-tams. Sous la halle extérieure couverte de la salle du Triangle de Rennes, près de 200 personnes sont disposées en cercle, créant l’arène de ces combats éphémères.
Des combats traditionnels à mains nues
Ni règlement de compte, ni violence urbaine, ces jeunes s’adonnent au Mouringué, des combats traditionnels venus des Comores.
“Cela fait des années que nous pratiquons des Moringues à Rennes” confirme Assitaoui Toibourani, originaire de Mayotte, arrivé à Rennes en 2012. “Les plus grandes réunions se font au Triangle, cela ne dure que pendant le Ramadan”. Cette tradition va s’arrêter ce 9 avril 2024 pour reprendre le 28 février 2025 pour un mois.
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Une coutume venue de Mayotte
“C’est dans nos coutumes des Comores et de Mayotte” assure Assitaoui. Le Mahorais de 39 ans nous éclaire sur cette tradition venue de l’Océan Indien.
“Deux arbitres se tiennent au cœur du cercle avec les combattants, des jeunes hommes ou femmes. Le combat dure quelques instants. Des combats de 30 secondes où on frappe le visage et le haut du corps”. Si l’un des combattants tombe à terre, ou lève la main, les arbitres arrêtent le combat. Chaque boxeur a un arbitre qui veille sur lui.
Pas d’inscription ou de règles officielles, tout se passe entre initiés. Le son des percussions est là pour porter la ferveur et les combats se déroulent une fois le soleil couché. En général, à minuit, les Moringues s'arrêtent.
Les Mahorais adorent aller au Mouringué. C’est depuis toujours dans notre tradition.
Assitaoui ToibouraniMahorais vivant à Rennes depuis 2012
“Les Mahorais adorent aller au Mouringué. C’est depuis toujours dans notre tradition. À Rennes, il y a quelques années, les combats se faisaient dans des petites salles de fêtes. Maintenant, il y a beaucoup de monde”.
Les rendez-vous se donnent sur les réseaux sociaux. Principalement SnapChat ou Facebook. Largement filmées par les spectateurs, les images se retrouvent immédiatement sur d’autres réseaux, comme Youtube. “Il y a toujours quelqu’un qui filme pour permettre à d’autres de voir en direct” confirme Assitaoui.
Des interdictions à Brest et sur l'île de la Réunion
“Le phénomène est bien connu des équipes de nuit” confirme une source policière de Rennes. Dans la capitale bretonne, aucun débordement n’est à signaler. À Brest, les forces de l’ordre ont dû intervenir. Le vendredi 22 mars 2024, des combats ont été organisés, créant "des troubles importants à l’ordre public et ont nécessité l’emploi de la force publique”. La préfecture du Finistère a ensuite interdit les Mouringués pour le reste du week-end de Pâques.
Idem à la Réunion où les Mouringués avaient été interdits durant le week-end Pascal suite à des échauffourées. Une quarantaine de voitures avaient été incendiées après des heurts entre clans rivaux.
“Il y a des risques si les jeunes boivent trop,” reconnaît Assitaoui Toibourani “mais à Rennes les Moringues se déroulent dans le calme. La communauté Mahoraise fait attention”.
Sur l’île de la Réunion où les Mouringués sont bien plus présents, l’envie d’une réglementation fait son chemin pour permettre à la jeunesse Mahoraise de continuer à vivre cette tradition tout en limitant les combats ultra-violents.