Polémique. De Cnews au RN, la petite expo rennaise fait parler d'elle

La tradition satirique du dessin politique tourne à la polémique autour de la galerie rennaise le Phakt. Le lieu présente des dessins sur le thème de la société d’aujourd’hui. Après les prises de position de Cnews, du Rassemblement national et de la police, la galerie défend la liberté d’expression des jeunes artistes présentés.

L’exposition d’une galerie rennaise "Des fourmis dans les jambes" présente des dessins satiriques sur la société d'aujourd'hui. Le centre culturel se retrouve au cœur d’un emballement médiatique. “Rennes finance une œuvre critique envers la police” stipule la chaîne Cnews pendant une séquence de l’émission “L’heure des pros” présentée par Pascal Praud le 7 avril 2023. 

Le chroniqueur, qui capte autour de 500.000 téléspectateurs par intervention, décide de mettre en lumière un dessin de l’artiste Olivier Garraud. Un travail qui interroge sur les violences policières. Le journaliste vedette de Cnews, que Vincent Bolloré vient de recruter comme tête d’affiche pour Europe 1, insiste sur le message écrit sous le dessin. 

“Ce que je veux dire, c’est que c'est payé par la ville”.

Pascal Praud, CNews

“Ce que je veux dire, c'est que c’est payé par la ville”, note Pascal Praud, montrant à l’antenne le dessin de trois CRS portant des boucliers avec l’inscription "Police". Sur cette petite feuille quadrillée, les traits de crayons papiers sont encore visibles, du "blanco" corrige un trait. Matraque en main, les personnages tracés au feutre noir portent l’uniforme des forces de l’ordre. L’artiste Olivier Garraud pose en légende, “porter l’uniforme, c’est surtout affirmer son incapacité à s’extraire de la norme”.

NUPES, Nathalie Appéré : la charge de pascal Praud

Reprenant ce texte, Pascal Praud évoque un subventionnement de cette œuvre par la mairie de Rennes. “Nathalie Appéré, qui participe à des colloques où l’on peut discuter sur ‘la police tue ?’ Quand on est dans ce climat-là. La maire de Rennes proche des gens de la Nupes qui tapent sur les flics plutôt que de les défendre”. En plateau, le présentateur lance pêle-mêle son discours contre la politique générale de la maire de Rennes, et les opposants au gouvernement faisant référence aux violences urbaines dans la capitale bretonne

Lire : Retraites. Des groupes "sèment véritablement le chaos" dénonce la maire de Rennes, Nathalie Appéré 

À la suite de cette séquence télévisée voulant mettre en lumière “un détail” selon le présentateur, le syndicat de police Alliance dénonce quelques jours plus tard le “police bashing sponsorisé par la mairie de Rennes”. 

La police "humiliée"

La polémique a pris. La galerie rennaise qui présentait ses œuvres depuis le 10 mars sent l'orage gronder. 

CNews toujours, le 12 avril, un reportage de la matinale de la chaîne donne la parole au syndicat policier Alliance.  “Des collègues se sentent offensés, humiliés” témoigne Frédéric Gallet devant la galerie du Phakt. La caméra focalise sur quelques dessins de l’artiste dénoncé par Pascal Praud. Le syndicaliste exprime sa colère. “Je ne vois pas un message d’artiste, je vois un message politique”.

Le RN réagit

Gilles Pennelle rebondit. Le directeur général du Rassemblement national (RN) et président des élus RN de Bretagne dénonce une exposition “anti-police financée par l’argent public”. La polémique enfle. 

Au milieu de ce bruit numérique "la liberté d’expression de l’artiste est oubliée" souffle l'équipe de la galerie. Le sens des œuvres n'est pas présenté, le projet artistique de l'exposition n’est pas abordé.

Des oeuvres de 2016

Sur les trois murs qui forment l’espace d’exposition de la galerie du Phakt, nichée à l’arrière de la dalle du Colombier, une soixante de dessins est mise à l’honneur pour ce travail satirique. Six artistes ont été sélectionnés par le centre culturel. Trois femmes, trois hommes. Des artistes qui vivent en Bretagne ou proche de la région pour rester cohérent avec des valeurs que défend le lieu. Proximité, égalité femme-homme, respecter de l’environnement.

“Nous avons choisi des œuvres déjà existantes dans le catalogue d’artistes en début de carrière” retrace Richard Guilbert, le responsable des expositions du lieu. Dans cette série sur les enjeux de la société d’aujourd’hui “Olivier Garraud n’y va pas avec le dos de cuillère” sourit le galeriste. “Le travail d’Olivier est assez politique. Son œuvre questionne plus la question de la violence policière que le travail de la police. Il interroge également la question des instances dirigeantes, la fonction du président.”

Une peinture directe très facilement accessible. Pas besoin de faire des grandes écoles pour comprendre le message.

Richard Guilbert, responsable d'exposition du Phakt

Cette série a été créée en 2016, bien avant la mobilisation contre la réforme des retraites. “Les artistes sont à l’avant-garde, ils sont là pour révéler des choses que la société ne voit pas ou ne veut pas voir” rappelle le responsable de l’exposition.

La signature d’Olivier Garraud est “une peinture directe très facilement accessible. Pas besoin de faire des grandes écoles pour comprendre le message” sourit Richard Guilbert. “Nous savions que quelques œuvres pouvaient heurter mais de là à remettre en cause la liberté d’expression et la subvention d’un lieu, c’est inquiétant”. 

Soutien local

Les élus locaux se sont mobilisés pour soutenir la galerie. Le député Frédéric Mathieu a remercié le directeur du lieu pour son exposition qui “encourage l’esprit critique à travers l’art”, par un post twitter.

Cet emballement ramène du monde à la galerie. “1.000 personnes par semaine viennent découvrir les créations des 6 artistes” assure Jean-Jacques Leroux directeur du Phakt. “Ici, nous remettons dans le contexte la présentation de notre accrochage. L’idée est de créer un dialogue. Nous n’orientons pas” assure le responsable de l’exposition Richard Guilbert présent quotidiennement dans la salle d’exposition.

Une expo qui interroge sur les oubliés des politiques publiques

À côté du travail qui fait polémique, celui de Pierre Budet, jeune artiste de Saint-Brieuc présente sept dessins inspirés des évènements liés au mouvement des gilets jaunes. Dont celui, à l’encre de chine et au crayon noir, d’une personne maintenue au sol.

Sur un autre mur, l’œuvre de Jérémy Le Corvaisier où au milieu de l’accrochage un policier menace un individu qui finit par lui couper la main. Des dessins aux scènes plus violentes envers les forces de l’ordre mais que l’accrochage rend moins visible. 

Selon le responsable de l’exposition, Richard Guilbert, le travail le plus “punchy” présenté au public est celui de Caroline Thiery. Avec ses dessins au premier abord très innocents “mais quand on prend le temps de lire, il y a une vraie violence sur la question des relations interpersonnelles”.

L’exposition interroge aussi la jeunesse oubliée, celle des campagnes. Johanna Cartier par sa série propose des scènes d’une adolescence passée dans les espaces délaissés par les politiques publiques.

Au milieu de ces dessins percutants, la galerie du Phakt présente jusqu’à la fin de cette exposition temporaire le travail tout en poésie de Julie Béasse. Avec de la poudre de pastel sur du papier abîmé, l’artiste s'intéresse à l’architecture et à l’environnement.

La galerie du Phakt, espace de taille intermédiaire à Rennes, est reconnue sur la scène locale pour la qualité de son accompagnement auprès des artistes et les propositions faites au public. Le lieu d’exposition offre à des artistes  leurs premières expériences dans de vraies conditions de rémunération et de production.

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