Professeur Yves Le Tulzo, réanimateur, chef du service de réanimation médicale au CHU de Rennes rappelle pourquoi il est si important de respecter les consignes de confinement. RESTEZ CHEZ VOUS !
Les Français ont-ils pris la mesure de l'épidémie qui sévit actuellement dans le pays ? Alors que la France vit son sixième jour de confinement, certaines personnes se font verbaliser alors qu'elles n'ont pas respecté les consignes de confinement, ce qui inquiète et met en colère le monde médical.
Le professeur Yves Le Tulzo, réanimateur, chef du service de réanimation médicale au CHU de Rennes rappelle pourquoi il est indispensable d'écouter ces consignes et de les respecter. Il était l'invité du journal de France 3 Bretagne samedi 21 mars.
Pourquoi convient-il de rester chez soi ?
"Une équipe de scientifiques de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique à Rennes qui a fait une étude et qui prouve qu'en fonction du confinement et du comportement des gens et donc de la contagiosité du virus, on peut, en cas de confinement respecté, arriver par exemple en Bretagne à 71 ou 80 malades nécessitant un lit de réanimation et si on ne le respecte pas, on double la capacité du virus à se transmettre et on passe à 1000 patients."
Est-il impératif de prolonger ce confinement ?
"Oui, je pense qu'il faudra le prolonger, vu la durée de l'incubation, la durée de la maladie, la durée de la contagiosité, je pense que le confinement tel qu'il a été défini maintenant, sera prolongé. Il faut s'y attendre."
"On a "une certaine chance", c'est d'avoir vu l'Italie. Les services de réanimation en France sont armés, les gens se sont mis en ordre de marche de façon très profonde, mais même si les gens se sont mis en ordre de marche, le nombre de lits en réanimation est limité en France. Il a une capacité maximale, si le confinement n'est pas respecté, cette capacité maximale sera dépassée et il y aura des morts, hors des services de réanimation, faute de pouvoir les admettre. Si le confinement est respecté, on pourra soigner les gens."
Vous avez mis en place au CHU de Rennes, une organisation qui permet de tripler si besoin vos capacités en lit de réanimation, qu'en est-il dans votre service?
"Au CHU de Rennes, 4 patients sont hospitalisés en réanimation [chiffre du 21 mars au soir, ils sont 7 ce 22 mars à 12h]. En Bretagne, on parle de 27 à 30 patients [en réanimation], mais ces chiffres bougent très vite, pour le moment, on est en deça de nos capacités d'absorption."
Chaque jour qui passe permet-il de mieux comprendre ce virus, pourquoi il attaque violemment les poumons de certains patients et pas d'autres ?
"Ce qu'on comprend, c'est que le virus comme tous les virus respiratoires, attaque les gens qui ont une fragilité, les gens âgés parce que le système immunitaire est plus fragile au-delà de 70 ans ou des personnes qui ont des maladies associées, du diabète, des traitements immuno suppresseurs ou des cancers. A partir du moment, où le nombre de patients s'étend, on va avoir des gens "normaux", non malades touchés. En Italie, on a vu des gens jeunes touchés, comme en Alsace. L'idée que la maladie ne touche que des gens âgés, est une fausse idée. Cela les concerne majoritairement, mais toute la population doit être concernée."
Est-il trop tôt pour commencer à mesurer les effets du confinement ?
"Il faudra attendre, on ne peut pas se rendre compte des effets maintenant, donc il faut le respecter de façon absolue. Les équipes de réanimation sont sur le pied de guerre, les infirmiers, les aides soignantes, les médecins sont prêts à tout donner, de même que les anesthésistes réanimateurs qui viennent en support, les cliniques privées, qui ont annulé leurs activités pour être prêts à recevoir les patients, mais ça, ça pourra marcher que si les gens jouent le jeu au niveau national."