La récente série de décès, comme aux urgences de Rennes ce dernier lundi, jette une lumière crue sur la saturation des urgences et ses conséquences parfois dramatiques.
Mourir sur un brancard en attendant d’être auscultée. C’est ce qui est arrivé ce dernier lundi à une femme de 60 ans à l’hôpital Pontchaillou de Rennes suite à un arrêt cardiaque, alors qu’elle venait pour des douleurs abdominales.
Le directeur des soins de l'hôpital a expliqué à l'AFP que l'événement s'était produit "dans une période de tension très forte", avec "près de 100 patients présents sur le plateau des urgences et 27 à l'accueil, en attente de prise en charge".
Une situation devenue presque banale dans ce service qui enregistre "10% d'augmentation d'activité continue depuis septembre et de plus en plus de pics d'activité" impossibles à prévoir, ajoute-t-il.
C’est un cas similaire qui est arrivé à Reims la semaine dernière. Une femme de 73 ans a succombé à un arrêt cardiaque alors qu’elle attendait d’être examinée par un médecin sur un brancard, après plus de deux heures et demi d’attentes.
Comme à Rennes, le procureur de la République a ouvert une enquête, alors que la direction de l’établissement a mis en avant « l’intensité de l’activité » le jour du drame. Quatre patients en situation d’urgence vitale avaient été soignés en priorité.
Surmenés, les urgentistes passent parfois à côté d'un diagnostic. Une jeune femme de 19 ans en a fait les frais en février à l'hôpital Édouard-Herriot de Lyon. Par deux fois, son otite avait été jugée bénigne. Dix jours plus tard un abcès cérébral entraînait son décès.
Ironie du sort, les personnels de ce service étaient alors en grève pour protester contre leurs conditions de travail et le manque de moyens.
Ça va mal de partout
A Paris, Olivier, 52 ans, a eu plus de chance. Admis en novembre à l'hôpital Lariboisière pour des douleurs à la poitrine, il a survécu sans séquelle à un infarctus malgré ses cinq heures d'attente au milieu d'une trentaine d'autres patients alités.
"Les brancards étaient imbriqués avec des ordres de priorité. C'était un véritable Tetris, il fallait parfois en déplacer dix pour aller chercher celui qui était rangé au fond", raconte-t-il à l'AFP.
Selon l'association Samu-Urgences de France, "plus de 15.000 patients ont passé la nuit sur un brancard des urgences" depuis le début de l'année "faute de lit pour les hospitaliser dans un service".
Le ministère de la Santé reconnaît que 97 établissements sur 650 - publics ou privés - sont actuellement en "dispositif +hôpital sous tension+", c'est-à-dire font face à "une situation critique de prise en charge des urgences hospitalières sans pour autant être amenés à déclencher le plan blanc" réservé aux situations d'afflux exceptionnel de patients.
"Ça va mal de partout", résume Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui réclame "plus de personnels et plus de lits" car le nombre de passages aux urgences ne cesse d'augmenter: plus de 20 millions en 2016, contre 18 millions en 2011 et 14 millions en 2002.
Pourtant, dans certains hôpitaux, l'ouverture des urgences 24 heures sur 24 est remise en cause, comme à Clamecy (Nièvre), Avallon ou Tonnerre (Yonne). Cette politique de fermeture "aggrave la situation", déplore M. Prudhomme.
Les soignants eux-mêmes paient les conséquences de cette ambiance délétère. A Besançon, une médecin a tenté de se suicider début mars aux urgences de l'hôpital Jean Minjoz. Et d'après le porte-parole de l'Amuf, "ce n'est pas le premier cas".