Rennes : des chercheurs alertent sur la prise d'ibuprofène pendant la grossesse

Selon une étude de l'Inserm, coordonnée par le chercheur rennais Bernard Jégou, l'ibuprofène, anti-douleur très répandu, serait susceptible d’entraîner des perturbations du système hormonal de l'appareil génital du foetus masculin.

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Inserm au sein de l'Irset "Institut de recherche en santé, environnement et travail", montre que l'ibuprofène est susceptible d’entraîner des perturbations du système hormonal dans le testicule fœtal humain. Les résultats de cette étude, qui appellent donc à une grande prudence quant à l'utilisation de ce médicament au 1er trimestre de grossesse, ont été publiés dans la revue Scientific Reports.  

Pour Bernard Jégou, directeur de recherche Inserm à Rennes et coordinateur de cette étude et Séverine Mazaud-Guittot, chargée de recherche Inserm, les conclusions de ce travail soutenu par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sont à prendre au sérieux :

« Il existe une fenêtre de sensibilité bien précise au cours du 1er trimestre de développement du fœtus pendant laquelle l'ibuprofène présente, semble-t-il, un risque pour le futur appareil génital et reproducteur de l'enfant."

Le chercheur rennais poursuit encore "Tous les faisceaux d'indices convergent vers une grande prudence quant à l'utilisation de ce médicament lors du 1er trimestre de grossesse. En outre, si on prend aujourd’hui en compte le corps de données disponibles, il apparaît que la prise de plusieurs antalgiques pendant la grossesse représente un danger encore accru pour l’équilibre hormonal du fœtus masculin. »
 

Interview recueillie par Hélène Pédech et Christophe Rousseau

L'ibuprofène, un antalgique délivré sans ordonnance


Disponible sans ordonnance dans de nombreux pays dont la France, l'ibuprofène fait partie des médicaments généralement autorisés en début de grossesse tout comme l'aspirine ou le paracétamol. C'est même l'un des médicaments les plus consommés par les femmes enceintes. Si près d'une femme sur dix déclare en avoir pris au cours de sa grossesse, elles seraient en réalité jusqu'à 3 sur 10 à en prendre en automédication selon les études.

Les effets de l'aspirine et du paracétamol sur le foetus déjà étudiés 


Les recherches épidémiologiques menées ces dernières années ont montré une association entre la prise d’antalgiques pendant la grossesse et la survenue d'effets indésirables chez l'enfant (petit poids de naissance, asthme, prématurité etc). D'autres recherches combinant épidémiologie, expérimentation in utero chez le rat et ex vivo sur des organes de rat et humains, entreprises au sein de l’Irset en collaboration avec des chercheurs danois de l'Université de Copenhague) ont montré que le paracétamol et l'aspirine pouvaient perturber le système endocrinien testiculaire fœtal avec comme conséquence une augmentation du risque de non-descente des testicules (cryptorchidie)

Perturbations du système hormonal dans le testicule foetal 


Seuls les effets de l'ibuprofène n'avaient pas encore été testés. Pour cela, les chercheurs de l’Irset à Rennes - avec l’appui de collègues du CHU de Rennes, de l’Université de Copenhague, de chercheurs du Laberca de Nantes, et de collègues écossais du  MRC Edinburgh - ont articulé deux séries de tests pour étudier les effets de l'ibuprofène sur le testicule fœtal humain. Dans la première série d'études, ces testicules sont mis en culture, dans la seconde, ils sont greffés sur des souris. Les effets de l'ibuprofène ont été étudiés sur des périodes correspondant aux 1er et 2ème trimestres de grossesse.
Les chercheurs ont découvert que l'ibuprofène entraînait des perturbations du système hormonal dans le testicule foetal humain, en supprimant la production de diverses hormones testiculaires dont la testostérone "qui contrôle les caractères sexuels primaires et secondaires et la descente des testicules".

Tous ces effets sont observés très tôt au cours du premier trimestre, et aucun n'est retrouvé sur les tests effectués au cours du second trimestre.


Risque de cryptorchidie doublé avec la prise d'Ibuprofène


Selon Bernard Jégou, le risque de cryptorchidie serait doublé chez les petits garçons nés de femmes ayant pris de l'ibuprofène, de l'aspirine ou du paracétamol durant 15 jours ou plus, ce qui devrait "envoyer un signal" aux autorités sanitaires pour qu'elles revoient leurs recommandations en ce qui concerne la prise de ce médicament en début de grossesse.

En janvier, l'agence française du médicament ANSM a rappelé que tous les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dont l'ibuprofène, sont contre-indiqués à partir du 6e mois de grossesse en raison de leur toxicité (atteintes rénales et cardio-pulmonaires) pour le foetus ou le nouveau-né.


Le message aux femmes enceintes : pas d'association de plusieurs anti-douleur


Pour le chercheur rennais qui a également travaillé sur les effets du paracétamol et de l'aspirine, le message aux femmes enceintes est clair : "Vous pouvez prendre de l'ibuprofène ponctuellement et à petites doses mais surtout ne pas en prendre en même temps que d'autres médicaments anti-douleur, pour éviter de multiplier très fortement le risque de cryptorchidie."

Interview recueillie par Hélène Pédech et Christophe Rousseau




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