Comité de soutien, anciens élèves et syndicats se sont donnés rendez-vous devant le rectorat de Rennes ce mercredi 6 octobre pour soutenir Edouard Descottes. 150 personnes étaient présentes auprès du professeur muté après s'être investi dans de nombreuses luttes. Une sanction disproportionnée qui interroge.
"De vous voir si nombreux, de recevoir autant de témoignages d'anciens élèves, ça me touche... je ne suis peut-être pas un si mauvais professeur que cela."
Edouard Descottes, 57 ans et 20 années passées à enseigner l' Histoire au lycée, est touché par le soutien qu'il suscite.
Près de lui, au milieu du collectif organisé par des militants syndicaux, des jeunes étudiants ont pris du temps pour leur ancien professeur.
"Monsieur Descottes est le premier professeur qui m'a appris à réfléchir. Il nous aidait à nous faire notre propre vision du monde politique et social actuel. Nous avons monté un groupe d'anciens élèves car nous sommes choqués qu'il soit accusé de nous avoir manipulés" témoigne Joris, un ancien élève.
Ils sont là, devant le rectorat de Rennes, car aujourd'hui Edouard Descottes a été sanctionné par l'administration et a perdu son poste de professeur d'Histoire au lycée Jean Macé de Rennes.
Les raisons invoquées : - "manquement à son obligation de neutralité et de loyauté"
- "d'avoir encouragé à des actions consistant à entraver le fonctionnement du service public d’éducation"
- "d'avoir organisé une réunion ayant pour objet de mobiliser des personnels, des parents et des élèves afin de contester la procédure d’expulsion d'une élève"
Une figure syndicale sur la place rennaise
Edouard Descottes est connu et estimé pour ses luttes victorieuses en faveur des jeunes en difficultés. Il y a trois ans, il prenait la tête d'un mouvement de soutien pour une famille géorgienne menacée d'expulsion dont le fils était son élève.
L'an passé c'était pour une autre élève, Mariam, dont la famille géorgienne était également menacée d'expulsion.
Et bien-sûr, le syndicaliste n'a pas manqué d'être en pointe sur la réforme Blanquer du nouveau baccalauréat, particulièrement contre l'E3C, les épreuves de contrôle continu.
Encore un combat gagné, le ministre annulant cette mesure dans sa réforme du nouveau bac. "De quoi faire grincer quelques dents à la préfecture", glisse son comité de soutien.
L'affaire
Tout commence en février 2020 quand un parent d'élève accuse l'enseignant lors de l'émission "Le téléphone sonne" de France Inter, d'avoir incité ses élèves à faire grève.
Conséquence, Edouard Descottes passe en commission disciplinaire à l'Académie de Rennes mais aucune sanction n'est votée.
Le coup de massue
Cependant quelques jours avant la rentrée de septembre, l'enseignant apprend qu'il perd son affectation et qu'il redevient remplaçant, sans poste fixe, comme un enseignant en début de carrière. Le coup de massue.
Jean témoigne son soutien : " Edouard enseigne dans un lycée qui n'a jamais fait de blocage et il est sanctionné pour des luttes qu'il a gagné... c'est incroyable."
Pour ce professeur, il est clair que le ministère a voulu sanctionner Edouard Descottes. " Le ministre Blanquer a donné des ordres au rectorat, c'est certain."
Un avenir de mauvais augure
Pour tous, l'avenir est de mauvais augure pour la jeune génération d'enseignants. "Le rectorat l'utilise en exemple pour nous faire taire" estime Brice, enseignant dans un collège du département.
" Edouard Descottes est un leader syndical reconnu sur la place rennaise" poursuit Brice. " L'administration invoque des manquements mineurs comme des "disgressions historiques", ou "de ne pas avoir remplit ses cahiers de texte numériques" pendant le confinement, alors que c'est d'avoir mené les mobilisations contre les réformes Blanquer qui lui coutent son poste". Et de conclure : "pour nous jeune prof, cela veut dire, attention à vous."
Un mouvement de soutien également sur le net
Julie se dit indignée pour ce prof, qui selon elle "sort du lot". Aujourd'hui en première année de philosophie, Julie est venue d'Angers avec une autre ancienne élève d'Edouard Descottes, en première année de psychologie. "Dans ma classe, de nombreux élèves allaient décrocher, et il arrivait à les motiver" se souvient-elle.
Le collectif de soutien a donné rendez-vous pour le 19 novembre, pour les 80 jours de la sanction. Le "Rendez-nous Edouard" prend aussi sur le web. Plus de 1000 personnes ont signé la pétition de soutien en moins d'une semaine.