Depuis mercredi, un Collectif d'associations rennaises de droits au logement mène des actions d'occupation. Objectif : interpeller les pouvoirs publics pour qu'ils trouvent enfin des solutions pérennes.
" Sauvons le droit d’asile ", " Le camping ça suffit. Mettez nous à l’abri ", peut-on lire sur les banderoles.Ce jeudi 9 juillet, en fin d’après-midi, une vingtaine de sans-papiers et de membres d’un collectif d’associations rennaises de droit au logement ont investi l’Opéra de Rennes avec leurs banderoles.
Il s’agissait là de la troisième « occupation amie » en deux jours après la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et le Centre Chorégraphique National de Rennes.
Xavier est l’un des membres de ce Collectif . Au directeur de l’Opéra quelque peu surpris de cette visite impromptue, il explique que la veille, le groupe a été évacué de la DRAC par les forces de l’ordre après avoir reçu des menaces d’arrestation pour les sans-papiers.
"Quand on a vu ce qu’il se passait avec la préfecture, on a préféré se rabattre sur des occupations-amies, des lieux où on sait qu’à priori, on ne va pas arrêter des sans-papiers qui luttent pour obtenir des hébergements ".
Trop peu d’hébergements à Rennes
Actuellement, selon le Collectif, environ soixante personnes dorment dans la rue, faute d’avoir pu trouver un toit.
Certes, durant la période de confinement, la majorité des sans-papiers et demandeurs d’asile hébergés dans les gymnases de la ville ces derniers mois ont été mis à l’abri dans des CADA (Centres d’accueil de demandeurs d’asile) ou des hôtels.
Mais avec la fin de la trêve hivernale ce 10 juillet, certains risquent de se retrouver très vite dehors et de venir grossir les rangs des nouveaux arrivants.
Parmi ceux qui dorment régulièrement dehors, quelques-uns étaient là ce jeudi. Comme Elysée, une jeune femme congolaise de 28 ans, qui est arrivée à Rennes il y a quelques semaines.
Elle explique qu’elle a dû quitter son pays il y a trois ans, en raison de son orientation sexuelle. Là-bas, l’homosexualité est considérée comme un acte contre nature, puni de trois mois à cinq ans de prison ferme. Sa famille aussi n’acceptait pas qu’elle préfère les filles et son père a voulu la marier de force à un homme. Emprisonnée quelques semaines, Elysée a réussi à fuir vers la France via le Congo-Brazzaville.A Rennes, elle n’a pas réussi à obtenir un logement et elle vit la plupart du temps dans la rue.
C’est compliqué surtout quand on est une femme. Dormir dehors, c’est possible deux ou trois jours mais tu ne sais pas où te laver. Alors, tu prends le bus jusqu’au bout de la ligne et puis tu reviens et tu fais ça jusqu’au soir ou tu vas chercher un coin, tu étales quelque chose et tu dors.
Depuis mercredi soir, la jeune femme est hébergée dans un appartement que possède le Centre Chorégraphique National de Rennes avec sept autres personnes. Le CCN a accepté par devoir de solidarité et d’humanité d’aider les sans-papiers " dans la limite de ses prérogatives et de sa responsabilité ", en mettant à disposition ce logement mais pour quatre nuits seulement.
Après, Elysée et ses compagnons d'infortune devront trouver un autre hébergement. Une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ces hommes et femmes, parmi lesquels beaucoup sont demandeurs d’asile. Théoriquement, ils devraient être hébergés par l’Etat en attendant l’examen de leur situation par l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.
Occuper des " lieux amis " pour faire pression sur l’Etat
C’est la raison pour laquelle, plusieurs associations rennaises (Collectif de soutien aux sans-papiers, Un toit c’est un droit, le Groupe Logement 14 octobre, le Planning familial ou le syndicat Solidaires) ont décidé de mener ces actions d’occupation. Un moyen de rappeler l’Etat à ses responsabilités.
"La mairie mais surtout la préfecture et donc l’Etat contraignent ces personnes à rester dans la rue ou à aller d’un squat à un autre. C’est comme cela qu’on s’est retrouvé avec un campement aux Gayeulles l’an passé car les familles étaient sans solution", explique Fabienne, membre du syndicat Solidaires Cela fait plusieurs années que l’on dénonce cette situation. Aujourd’hui, on demande que les familles qui ont été logées ces derniers mois, preuve qu’il y a des logements à Rennes, puissent y rester."
Les solutions existent, il y a des logements vides. C’est donc une question de choix politique. Les rennais et rennaises se montrent solidaires mais la solution doit venir de l’Etat, c’est sa responsabilité.
Pour l’instant, la Préfecture ne s’est pas exprimée sur ces occupations. Le Collectif a donc décidé de poursuivre ses actions durant quelques jours, en espérant que cela permette de trouver rapidement des solutions pérennes. Sans vraiment en être convaincu.