A Rennes, le Tribunal de commerce enregistre 54% de dépôts de bilan en moins, par rapport à l’an dernier. François Flaud, le président appelle les chefs d'entreprise à se présenter au tribunal, avant qu'il ne soit trop tard.
Le temps des procédures semble s’être ralenti. Malgré la crise sanitaire, la vague annoncée de faillites d’entreprise, n’a pas eu lieu.
A Rennes, le tribunal de commerce enregistre 54% de dépôts de bilan en moins, par rapport à l’an dernier.
Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. L’économie française est sous perfusion.
L’explication est simple : le gouvernement a mis en place de nombreuses aides comme le chômage partiel ou encore les PGE (prêts garantis par l’État), des mesures quis e prolongent, ce qui permet aux entreprises de passer la vague. Des entreprises qui se sont aussi organisées pour décaler leurs charges… Pour François Flaud, le président du tribunal de commerce de Rennes, dans de nombreux cas, "les trésoreries sont meilleures en septembre qu’en janvier dernier".
Les trésoreries sont meilleures en septembre qu’en janvier dernier
Mais personne ne sait ce qu'il va se passer dans les mois qui viennent. Emeric Vétillard, greffier au Tribunal de commerce de Rennes explique qu'il y a peu d’indicateurs, " L'Urssaf a arrêté d’assigner, le Trésor également. D'habitrude, on se base beaucoup sur ce genre d’indicateurs et là il y a plein de choses qui sont décalées dans le temps, à cause de la crise sanitaire donc on ne sait pas vers où on va".
Le Tribunal de commerce appelle les chefs d'entreprise à franchir sa porte avant qu'il ne soit trop tard
L’heure est aux solutions à trouver pour que le maximum d’entreprises évite la banqueroute. Le tribunal de commerce souhaite faire de la prévention et invite les chefs d'entreprise à venir avant qu'il ne soit trop tard : " Le tribunal de commerce de Rennes doit rester un lieu de rebond et non un lieu de sanction ", répète à l'envi François Flaud. Il ajoute que les administrateurs rennais ont réussi à assurer 79 conciliations ce qui représente plus 2000 emplois salariés. Leurs dossiers sont étudiés et des réponses apportées dans presque tous les cas.
"Le mot 'Tribunal' fait peur"
Les difficultés rencontrées par Sébastien Blot ne datent pas du Covid. Avant, ce restaurateur installé près de la place Sainte-Anne à Rennes, a subi les travaux près de son établissement, les manifestations dans le centre-ville. Son restaurant a été placé en redressement judiciaire, il y a 18 mois. Il explique que son objectif premier était de protéger la structure : " Le mot 'tribunal' fait super peur, il faudrait un peu maquiller ce mot, parce que clairement ils sont là pour nous conseiller et nous aider à maintenir nos entreprises. Ils ne sont pas là pour couper nos têtes bien au contraire. Mon expérience prouve qu'on s’en sort vainqueur".
Le Tribunal de commerce n'est là pour couper nos têtes, bien au contraire. Mon expérience prouve qu'on s’en sort vainqueur
Ce jour-là, il retrouve Daniel Bertin au tribunal de commerce, un conseiller de l’association EGEE (Entente entre les générations pour l'emploi et l'entreprise) qui l’accompagne dans toutes ses démarches. Parmi les missions de EGEE, celle de soutenir et de prodiguer des conseils auprès d’entreprises en difficulté. C'est ce qui explique la présence de Daniel Bertin au Tribunal de commerce. Tous deux vont demander un nouveau délai pour passer cette fois, la crise sanitaire. Le tribunal va l'accepter. Ce sera un nouveau répit pour le chef d’entreprise, une nouvelle chance de poursuivre son activité.
Les 3D : Dépôt de bilan, Divorce et Dépression
Maryelen n’a pas eu cette chance. Il y a 6 ans, elle a dû liquider sa boutique d’articles de sport. "Quand on ferme, on ne ferme pas qu'une porte. On perd son travail, on perd ses finances, on perd tout, on n'a plus rien, on n’est plus rien". Aujourd’hui, elle revient au tribunal à notre demande, pour témoigner. Quand Maryelen a mis la clé sous la porte, elle était en train de sombrer. La juge l’a compris, elle l’a confiée à une autre association bien connue du tribunal. Rebond 35. Cette association apporte une aide aux entrepreneurs qui se retrouvent en difficulté psychique, voire en burn out ou en risque suicidaire. Grâce à Rebond 35, Maryelen a pu bénéficier de 10 séances avec une psychologue. Juliette Moreau fait partie des psychologues qui interviennent pour l'association. Elle parle des 3D : "Dépôt de bilan, Divorce et Dépression". Ce sont trois situations qui sont difficiles et qui vont malheureusement souvent ensemble, explique Juliette Moreau. Pour elle, le plus gros facteur à risque est l'isolement du chef d'entreprise.
Aujourd'hui, Maryelen va mieux, elle a retrouvé un travail. Mais s’inquiète pour les chefs d’entreprise qui vont devoir passer cette crise sans précédent. "Si j’ai un conseil à donner, dit-elle, ne restez pas seul, soyez accompagnés".
La panique ne semble pas s’être emparée des chefs d’entreprise. Même si l’inquiétude est réelle, avec cette crise qui n’en finit pas.