A Rennes, huit jeunes passionnés de football se forment à l'arbitrage. En ligne de mire, les matches de haut niveau. Apprendre les règles est un début, faire face aux insultes l'étape suivante.
Courses, appuis, réflexes mais aussi maniement du sifflet et apprentissage rigoureux des règles. A Rennes, une section sport-études arbitrage offre à huit passionnés de football un tremplin vers le haut niveau... et des armes face aux insultes qui pleuvent chaque week-end.
"Je me lassais un peu de jouer, c'était répétitif", raconte Maxence Pollier, 17 ans. "En tant qu'arbitre, tu apprends à te faire respecter et tu te sens utile."
Pour cela, la petite troupe en survêtement rouge et noir retrouve chaque mardi Erwan Finjean, arbitre assistant de Ligue 1 et responsable de la section, pour 1H30 de cours sur les 17 lois du football et leur déclinaison sur le terrain.
Subtilités des règles
Questionnaires, quizz vidéo, passages à recopier à l'ancienne : tout est bon pour que ces jeunes venus de toute la région deviennent incollables sur toutes les subtilités des règles, afin de les faire appliquer avec assurance sur le terrain.
Et le débat se poursuit toute la semaine sur leur groupe WhatsApp, à la cantine ou à l'internat, autour des polémiques qui surgissent régulièrement sur les réseaux sociaux après les matches professionnels.
Lundi et jeudi, place à l'entraînement physique: "En match, ils courent 10 à 12
km, il faut être préparé physiquement pour pouvoir accepter et tolérer toutes les
courses", explique Yannick Herviaux, responsable de la préparation physique et
du suivi des études.
"Propos sexistes, injurieux, grossiers..."
Mercredi, les jeunes sont envoyés arbitrer des matches amicaux, souvent sous l'œil
d'un observateur, ou intervenir dans les clubs pour tenter de susciter des vocations.
Et chaque week-end, ils arbitrent des compétitions officielles.
Ce programme intense, proposé dans une quinzaine de lycées en France, vise à préparer les élèves pour le concours de jeune arbitre fédéral, la première étape pour arbitrer au niveau national et espérer accéder au monde professionnel.
Seuls les meilleurs y parviendront mais les autres pourront continuer de vivre
leur passion mieux armés que la majorité des 25 000 arbitres de France, qui n'ont, pour les plus assidus, que quelques journées de formation par an.
Adeline Guilouas, 15 ans, la seule fille du groupe, garde un souvenir horrifié de son premier match en solo à l'issue de la formation initiale: "J'avais 13 ans, j'arbitrais des garçons de 14 ans. Les joueurs étaient respectueux mais les coaches et les spectateurs tenaient des propos sexistes, injurieux, grossiers..."
Des vidéos pour progresser
Elle s'est accrochée, grâce au soutien de son père qui débriefe tous ses matches avec elle. S'il est hors de question de montrer la moindre hésitation sur le terrain, cela lui permet d'éviter de répéter certaines erreurs. Et malgré son petit gabarit, elle n'a désormais plus peur d'aller rappeler les entraîneurs indélicats à l'ordre.
D'autant que cela peut vite dégénérer, comme l'a encore montré une récente vidéo
où l'on voit un arbitre agressé à la fin d'un match de district en Seine-et-Marne.
Au sein de la section, Erwan Finjean organise des mises en situation filmées,
pour enseigner aux jeunes les bons réflexes dans les moments de tension.
Gage de responsabilité
"C'est à nous de gérer ces situations, d'être le plus impartial et le plus objectif
et de ne pas nous laisser déstabiliser", explique Hugo Bourel, 16 ans. Et si le
public râle, "on ferme nos oreilles et on n'écoute pas. L'arbitrage, ça forge".
Tous le confirment: manier le sifflet chaque semaine sur les terrains leur a appris
à s'affirmer au quotidien.
"Ça m'a apporté de la discipline, plus de rigueur et de sérieux, raconte Titouan Cherel, 18 ans. Et dans les relations avec les gens, je suis beaucoup plus à l'aise qu'avant."
Cette expérience sera aussi un atout de taille sur leur CV. Adeline voudrait être
juge pour enfants, Hugo expert-comptable, Titouan agent immobilier...
"Etre arbitre, c'est une position très valorisée en dehors du terrain. Dans le
monde professionnel, c'est un gage de responsabilité, de capacité à prendre des
décisions, à manager", explique Erwan Finjean.
En attendant, Yannick Herviaux regarde en soupirant "ses" jeunes terminer leur
entraînement par un petit match : "Il faut quand même qu'ils soient motivés, et
les parents qui les accompagnent aussi. C'est rude de les voir se faire si souvent
insulter sur les terrains."