Une étudiante en Droit de Rennes 1 s'est suicidée mi-avril. Sa mort suscite une vive émotion alors que ses parents déplorent le manque de soutien de l'université à l'égard de leur fille. Les étudiants dénoncent eux le silence autour de ce décès.
Alexia Cote avait 20 ans. Originaire de Dijon, inscrite en magistère juriste d’affaires franco-britannique à l'université de Rennes 1. Le 15 avril, elle est retrouvée pendue dans son appartement rennais. Elle n'aurait laissé aucune explication concernant son geste.
Il y a quatre jours, son père décide de s'exprimer publiquement sur son décès, sur le site Rennes Infos Autrement. Dans ce texte, il décrit les conditions dans lesquelles Alexia étudiait, au sein d'une formation exigeante, son mal-être qu'elle exprimait, qu'elle aurait signalé à sa directrice de magistère à deux reprises, via des lettres. Christophe Cote regrette le manque de soutien de la part de l'université, qu'il estime insuffisant.
Joint par téléphone, il confie : "On ne cherche pas de coupable, c'est important de le préciser. Le suicide d'Alexia est lié à plusieurs éléments." Il confirme pourtant sa déception quant aux réactions de l'université, dont le président l'a seulement appelé mardi dernier, après la publication de son texte.
Même si sa fille était une adulte, son père l'avait confiée à cette institution. "On se pose des questions sur les qualités humaines. Certains discours n'étaient pas à tenir auprès des élèves, surtout dans ce contexte de confinement et d'isolement. Il faut être plus efficace, plus prévenant."
Désormais, s'il parle d'Alexia, c'est pour faire en sorte que ce genre de situation n'arrive plus.
Rien ne pourra réparer ce qui s'est passé. Nous ce que l'on veut c'est alerter. La vie d'Alexia ne doit pas passer à la trappe. Notre première préoccupation c'est que sa mort ne passe pas inaperçue, qu'elle serve à se poser des questions, sur la prise en charge des étudiants
Trop de silence autour de ce décès ?
La mort d'Alexia était restée confidentielle, trop au goût de certains qui dénoncent aujourd'hui un manque de transparence.
A la fac, seuls les étudiants les plus proches étaient au courant. Des cérémonies d'hommage ont eu lieu notamment au sein du magistère. "On ne disait trop rien, par respect pour ses parents", souligne un étudiant qui souhaite rester anonyme. Un autre interroge : "Comment ça se fait qu'on apprend ça par la presse ? De le découvrir comme ça, ça en fait quelque chose de tabou, qui doit être caché. Un suicide à nos âges, c'est dramatique. On aurait aimé avoir un mot de l'université. On est dans une situation de Covid, où on sait que certains ont du mal à gérer leur solitude."
Le moment est hyper dur, ça résonne chez tout le monde, cela fait un an et demi qu'on interpelle la fac sur nos difficultés en disant que c'est dans nos têtes que ça va craquer
Mercredi, un message a été publié, à l'initiative d'étudiants. Ces derniers s'adressent aux parents d'Alexia et incitent leurs camarades à ne pas rester isolés, quelque soit leur situation. "Le but principal de ce courrier n'est pas de dénoncer les agissements de la fac ou de s'immiscer dans les prises de parole de la famille ou de la présidence de l'université. L'idée est de rendre hommage à l'une de nos camarades tout en insistant sur la cohésion étudiante qui doit plus que jamais être au premier plan."
L'université assure de son soutien
De son côté, la direction de l'université se défend. Elle a adressé un courrier aux étudiants en Droit le 12 mai. Dedans, le doyen et le président expliquent que la famille d'Alexia ne souhaitait au départ pas communiquer. "Après avoir exprimé notre soutien et nos condoléances à sa famille et à ses camarades de promotion, nous tenions aujourd'hui à nous adresser à l'ensemble d'entre vous. Suite aux premiers échanges avec la famille, nous avons souhaité respecter l'intimité du deuil et nous avons organisé plusieurs temps d'hommage avec la professeure, responsable de la formation. Réuni le 20 avril, le Conseil de faculté a respecté une minute de silence à la mémoire de votre camarade. Un moment de recueillement s'est tenu le lendemain au sein de la Faculté, puis par les étudiants du Magistère à Exeter, dans le respect du protocole sanitaire."
Le courrier souligne aussi que l'équipe pédagogique de la formation est "également très affectée."
Selon l'université, une cellule d'écoute psychologique a été mise en place dès le lendemain du drame. Elle est toujours active. Le recrutement de nouveaux psychologues est aussi annoncé, au sein du service santé des étudiants.
Les étudiants concluent dans la lignée du père d'Alexia. "Ce décès tragique doit servir de leçon pour que le mal-être étudiant soit enfin pris en considération et que les dispositifs déjà en place soient accentués si nécessaire."