Il aurait pu vendre le scénario de "L'Arabe du futur" à Hollywood, et finalement, Riad Sattouf continue en bande dessinée, une série à succès. Le dessinateur qui a grandi entre la Syrie et la Bretagne, publie ce 8 octobre, "Moi, Fadi, le frère volé". L'histoire de ce petit frère, qui vivait avec lui à Rennes et qui a été enlevé par leur père en 1992.
Depuis le début, c'était le projet, tenu secret. Fadi est le frère benjamin de Riad. On le voyait disparaître au tome 4 de "L'Arabe du futur", puis retrouver son aîné au tome 6. Ils se parlaient alors en anglais: il avait oublié le français, depuis que son père l'avait emmené de force en Syrie au début des années 1990, alors qu'il avait 5 ans. "Quand je l'ai retrouvé en 2011 et 2012, j'étais extrêmement impatient de lui poser plein de questions. C'était comme si ce frère fantôme s'était incarné dans la réalité", raconte l'auteur de "Moi, Fadi, le frère volé".
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Leurs entretiens de l'époque donnent la matière à cette aventure déchirante. Fadi grandit dans l'insouciance d'un élève de maternelle à Rennes. Puis un jour, son père Abdel-Razak, qui se sent rejeté en France et veut convaincre sa femme de retourner dans sa ville d'origine, Ter Maaleh près de Homs en Syrie, lui fait prendre l'avion. Sa mère et ses deux frères, restés à Rennes, ne le reverront pas pendant des décennies. Entre 1992 et 2011.
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Cruel destin que celui d'un garçonnet inconsolable, victime de conflits qui le dépassent. Il est d'autant mieux rendu que "les souvenirs qu'avait Fadi de son enfance, étaient extrêmement précis", note Riad Sattouf.
L'histoire de Fadi était telle que, fondamentalement, elle était quelque part irracontable, dans le sens où sa dureté pouvait la disqualifier... Mais pour moi en tant qu'auteur, c'est un défi incroyable d'écrire cet irracontable
Riad Sattouf
Selon lui, "il était hyper important de donner toute cette histoire, en entier, à la bande dessinée. Je ne pouvais pas en garder un des pans. Il fallait aller jusqu'au bout".
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Pas d'adaptation au cinéma de L'Arabe du Futur, même à Hollywood
Débuté à un moment où Riad Sattouf venait de connaître "un énorme four" au cinéma avec "Jacky au royaume des filles", "L'Arabe du futur" a apporté gloire et richesse à un auteur qui craignait de tomber dans l'oubli. Les chiffres du succès donnent le tournis: 3,5 millions d'exemplaires, des traductions en 23 langues. Et ils ont attiré les convoitises de candidats à une adaptation sur grand écran ou en série.
"J'ai toujours refusé. On me l'avait même proposé à Hollywood. Une superbe proposition, il y a quelques années. Mais non, je ne veux pas", répond Riad Sattouf. Si une telle adaptation est tournée, "ce sera accessible à des gens qui n'auront pas lu les livres. Par exemple, il était hors de question pour moi que mes enfants voient les films +Le Seigneur des anneaux+ ou +Harry Potter+ sans avoir lu les livres. Donc on les a tous lus d'abord. Pour +L'Arabe du futur+, je ne peux pas exiger ça du public", explique-t-il.
Son père, son frère... sa mère aussi
Mais il n'a pas rompu avec le cinéma. Entre deux planches de BD, il travaille toujours sur le scénario du film qu'il tournera avec les Inconnus, Bernard Campan, Didier Bourdon et Pascal Légitimus.
Projet dont il ne veut divulguer aucun détail, car, dit-il, il aime créer "la surprise". En attendant, il publie la vie de sa mère, chaque mois dans Notre temps, le magazine qui traînait sur la table de nuit de sa grand-mère du Cap Fréhel, quand il était petit.
(Avec AFP)