Quoi manger, où dormir, comment se laver… Difficile d’avoir une sexualité quand toutes ces questions envahissent le quotidien. Pourtant, les sans-abri le disent sans détour, toit ou pas, le désir est toujours là. Mais comment le satisfaire quand on vit dehors, sous le regard des autres?
À Rennes, près du pont Malakoff, Didier* fait la manche. Installé sur un amas de couvertures près d’un supermarché, il n’est pas du genre à tourner autour du pot : "Je te le dis franchement, je n’arrive pas à bander." En cause, l'insalubrité de son environnement et son hygiène corporelle. Didier le sait, cela fait d’ailleurs plusieurs jours qu’il n’a pas pu se laver. À la rue depuis huit ans, le déclin de sa libido est la conséquence de ses conditions de vie. Pourtant, ce n’est pas faute de sollicitations. "Tirer un coup dans un buisson, tu sais… dans un appartement, là ça serait autre chose", grogne-t-il. Didier est certain qu’une douche et un lit où faire l’amour régleraient ses problèmes érectiles. Une question d’hygiène, fortement liée à l’estime de soi, qui s’ajoute au froid glacial de ce mois de février et à une dépendance à l’alcool.
Quand on vit sur l’espace public, la sexualité n’est pas seulement problématique en raison des conditions climatiques ou sanitaires. Elle est prohibée. L’article 222-32 du code pénal punit "l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public" d’une peine pouvant aller jusqu’à un an d'emprisonnement et quinze mille euros d’amende. Certains bravent cet interdit malgré le risque de se faire prendre.
L’intimité se crée alors par un jeu de stratégies. Il existe des endroits, à l’abri des regards, où les couples sans-domicile peuvent furtivement s’abandonner à leur désir. C’est ce qu’Anne Lorient appelle "la carte du tendre de la rue" dans son livre, Mes années barbares, retraçant ses quinze années d’errance. Des cachettes qu’ils énumèrent comme autant de souvenirs : les halls d’immeubles, les porches d’entrée, les toilettes publiques, sous les ponts… "Il y a une expression qui dit 'un clochard dort sous les ponts'. On ne fait pas que ça sous les ponts, on peut y faire autre chose aussi… ", ironise Olivier.
Lisez la suite de notre enquête sur sexclus.fr, le weddocumentaire des étudiants du Master journalisme de Sciences Po Rennes. Trois mois d'enquête auprès de personnes handicapées, de patients d'hôpital psychiatrique, de résidents d'Ehpad, de prisonniers et de sans-abri pour lesquels la sexualité est empêchée.
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*Le prénom a été modifié