C'était le 24 avril 1961. L'Ami 6, nouveau modèle de la marque Citroën sortait de l'usine flambant neuve de la Janais à Chartres de Bretagne. De jeunes Bretons découvraient le travail à la chaîne, impressionnés et heureux à la fois d'accéder à une certaine modernité.
Le 10 septembre 1960, le général de Gaulle inaugure une nouvelle usine Citroën, et ça se passe à Chartres de Bretagne près de Rennes. L'industrie automobile arrive à la campagne en quelque sorte, puisque les ouvriers sont souvent recrutés en milieu rural.
Plus largement c'est toute une jeunesse qui trouve à gagner sa vie et ce sera d'abord en fabriquant l'Ami 6, nouveau véhicule lancé par la marque aux chevrons, et première Citroën à sortir de la chaîne bretonne. Ce sera le 24 avril 1961.
On la trouvait belle et elle nous donnait du travail.
Odile faisait partie de ces jeunes qui démarraient dans la vie active. "Le début de l'usine de Rennes, c'est l'Ami 6, se souvient Odile. On la trouvait belle et elle nous donnait du travail. Je suis rentrée le 15 mai 1962, j’avais 18 ans et demi."
A l'époque, l'usine tient un bureau d’embauche dans le centre-ville de Rennes. Odile, qui travaille déjà dans la capitale bretonne comme couturière, s'y rend et une navette la conduit à la Janais pour l'embauche.
2 francs 21 de l'heure
"J'avais un CAP de couture, explique Odile, mais ça ne payait pas. 1 franc 70 de l'heure chez mon ancien employeur et je passais à 2 franc 21 chez Citroën, plus les heures supplémentaires majorées."
Pas encore suffisant toutefois pour s'offrir une Ami 6 à 6550 francs.
1 minute et demie par véhicule
Charles a aussi vécu cette époque.
"38 ans de Citroën, résume-t-il, depuis mes 18 ans en 1963 jusqu’à 2002. C’était le plein de l’Ami 6. On en sortait 400 par équipe, 800 par jour."
Charles travaille à la pose des essieux, puis des moteurs. "1 min et ½ par véhicule, pas le temps de traîner." Un premier emploi pour Charles qui vivait alors dans la ferme familiale à la Gouesnière en Ille-et-Vilaine.
"Le 1er jour, j’avais ramassé le blé toute la journée, et en fin d'après-midi, en route à mobylette, sans savoir où on va. C’était la première fois que j’allais aussi loin."
Charles retrouve sa soeur dans sa maison près de Rennes. Elle travaille aussi chez Citroën. Et puis c'est le grand jour, l'arrivée à l'usine.
"Au départ c’est impressionnant, grandiose, moderne, se souvient Charles. À l’époque, l'Ami 6 c’était une belle voiture. Et la DS c’était pas chez nous."
De quoi ajouter de la fièrté à la satisfaction de travailler. La retraite venue, Charles a entretenu le souvenir et l'amour de la marque. Parmi d'autres modèles, il a restauré une Ami 6 voilà une dizaine d'années.
"Premier modèle sur lequel j'ai travaillé et premier modèle à Rennes, y'a de l'affection", ajoute Charles. Sa voiture date de 1969, l'une des dernières fabriquées. Charles apprécie de passer derrière le volant et de rouler dans sa vieille mécanique.
"C'est le plaisir de voir le regard des gens sur le trottoir, curieux, admiratif, raconte ce passionné." Il n'hésite pas à remorquer sa voiture pour des rassemblements d'amoureux de Citroën.
"J’ai eu l’occasion de faire des réunions en Belgique, en Espagne, en Angleterre. Le plus gros rassemblement en 1995 à Clermont-Ferrand, il y avait 6000 véhicules Citroën."
Une cote qui grimpe
Loïc, collectionneur de véhicules anciens, a offert une Ami 6 à son épouse pour ses 50 ans.
"Sa première voiture de jeune conductrice, précise-t-il, un modèle blanc carrare de 1964." Souvent moquée pour sa coupe en "Z", l'Ami 6 a pris sa revanche au fil du temps, explique Loïc.
Dans les années 80, les fameuses "jupettes" (primes à la casse lancées par Alain Juppé) ont fait détruire beaucoup de voitures et l'Ami 6 berline est devenue une denrée très rare. C'est une pièce qui monte en cote. 10 000 à 12 000 euros aujourd'hui. Des revendeurs de pièces détachées on d'ailleurs senti qu’il y avait de la demande et se sont remis à fournir des pièces neuves pour les collectionneurs.
Des passionnés qui sont invités par l'association "ami club de France" le 3 septembre prochain pour le rassemblement national annuel.
Départ de Saint-Cyr-en-Arthies (Val d'oise).