L’hélicoptère Ingenuity doit s’envoler sur Mars ce lundi. Jamais aucun engin motorisé n’a décollé sur une autre planète. A l’intérieur, un sous-système de télécommunications de 13 grammes. Une innovation créée par l’équipe de Nacer Chahat, ingénieur rennais pour la NASA
Ancien étudiant et docteur de l’Université Rennes 1, Nacer Chahat vit désormais aux Etats-Unis où il est ingénieur en télécommunications spatiales au Jet Propulsion Laboratory (JPL), un prestigieux centre de recherche de la NASA, basé en Californie.
La NASA qui, après avoir retardé de quelques jours le tout premier vol d’un engin motorisé sur une autre planète, s’apprête à vivre un moment historique ce lundi 19 avril avec le décollage de l’hélicoptère Ingenuity.
Ce sera aussi un grand jour pour Nacer Chahat. Il est l’un des ingénieurs qui a mis au point les antennes permettant la communication entre Ingenuity et Perseverance.
Incroyable aventure spatiale
Souvenez-vous des débuts de cette incroyable aventure spatiale. Le 18 février dernier, le monde entier avait les yeux rivés sur l’atterrissage sur Mars d’un robot 4x4, un rover nommé Perseverance. Son objectif : recueillir et analyser des échantillons sur place pour tenter d’y déceler des traces de vie.
Le rover déposé sur Mars, embarquait aussi avec lui un petit hélicoptère (50 cm de haut sur 1,20 mètre de large), baptisé Ingenuity qui a bien atterri mais n’a jusqu’ici pas encore décollé sur la planète rouge. L'ordre de s'envoler viendra directement de la Terre, puis Ingenuity sera complètement autonome dans sa trajectoire et son guidage.
Les défis technologiques étaient donc immenses sur cette mission mais Nacer Chahat et son équipe ont trouvé des solutions innovantes, comme il l’expliquait ici à Stéphane Avrillon, l'un de ses anciens enseignants à l’Université de Rennes 1.
Le défi de voler dans l'air raréfié de Mars
« Au début, personne ne pensait que c’était possible de voler dans l’atmosphère de Mars car l’air est raréfié », explique Nacer Chahat. En effet, la pression atmosphérique martienne est, en moyenne, plus de 100 fois inférieure à celle de la Terre. Or pour voler, un hélicoptère utilise la densité de l'air. Sur Mars, Ingenuity devra accélérer son double rotor jusqu'à près de 3000 tours/minute pour espérer décoller. Il devrait y arriver car il est très léger : moins de 2 kg.
Il n’empêche que pour répondre à cette contrainte, son sous-système de télécommunications radio tout entier (antenne, radio, câbles) ne devait peser que 13 grammes, tout en étant assez robuste pour survivre au voyage vers Mars.
En raison du temps de communication de plusieurs minutes entre les deux planètes, Ingenuity ne peut pas être piloté à distance. Le programme des différents vols a été installé dans l'ordinateur de bord de l'hélicoptère, mais la Nasa peut les mettre à jour si nécessaire et à tout moment.
#MarsHelicopter
— Université de Rennes 1 (@UnivRennes1) April 12, 2021
Ancien étudiant et docteur @UnivRennes1 Nacer Chahat est ingénieur en télécommunications spatiales @NASAJPL
Interviewé par l'un de ses anciens enseignants, il explique comment il a mis au point les antennes d'Ingenuity et de Perseverance.https://t.co/mjhbSiSdkl pic.twitter.com/U2pSxSPsc0
Risque de « claquage électronique »
Outre la masse du système radio, il fallait limiter au maximum sa consommation d'énergie. Ingenuity, dont la mission nominale dure 30 sols (30 jours martiens), doit aussi utiliser l'énergie de ses batteries pour maintenir sa température de fonctionnement lors de ses nuits sur la planète rouge.
Pour cela, l'équipe dont fait partie Nacer Chahat a utilisé des radios ZigBee qu'on trouve dans le commerce, puis les a modifiées afin de pouvoir les utiliser dans l'environnement très exigeant de la mission.
L'atmosphère de Mars étant très raréfiée, charger les antennes en puissance (même si celle d'Ingenuity ne reçoit pas plus d'1 watt) pose le risque d'un "claquage électronique", une brusque décharge qui peut annuler la capacité de l'antenne à communiquer.
S’élever juste de 3 petits mètres, une victoire
Voilà tous les défis qui attendent demain Ingenuity. Lors de ce premier vol, il devrait s'élever de trois petits mètres au-dessus de sa zone de décollage et rester à cette altitude pendant environ 40 secondes avant de se poser. Si ce premier vol se passe bien, Ingenuity pourrait réaliser jusqu'à quatre autres vols d'ici début mai.
Un autre Rennais dans l’équipe
Sur ce projet historique, Nacer Chahat n’est pas le seul Rennais à avoir planché : l’ingénieur rennais de 34 ans, Jeff Delaune, travaillant également pour la NASA a développé lui le système de navigation qu’utilise l’hélicoptère pour se repérer sur Mars. Une sacrée team rennaise en orbite.