Yann Gaudin, le lanceur d'alerte de Pôle emploi, soutenu par une pétition

Une pétition pour soutenir Yann Gaudin, le lanceur d'alerte de Pôle emploi, recueille au 27 mai déjà plus de 3500 signatures. Un véritable soutien dans son travail, alors que ce dernier est convoqué le 23 juin prochain pour mesure disciplinaire par sa hiérarchie.  

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2006.Yann Gaudin est embauché à Pôle emploi. Il y six ans, l'autodidacte commence à dénoncer les dysfonctionnements dans le versement de certaines allocations, repère des anomalies et des incohérences dans plusieurs dossiers. Curieux, il se penche alors sur les textes du code de la Sécurité sociale et éclaire les intermittents du spectacle sur leur droit pour qu’ils se retrouvent, je cite, "dans la situation la moins précaire possible". Un lanceur d'alerte est né.

Très vite, il s'attire les foudres de sa hiérarchie pour laquelle il dépasse les limites de son champ d'action. Il écope de cinq jours de mise à pied, et se voit convoqué le 23 juin prochain par sa direction,  pour raison disciplinaire. Lui, estime avoir juste fait son travail et parle de harcèlement. Sa direction ne souhaite pas commenter cette décision.

Les professionnels du spectacle ont décidé de le soutenir via une pétition mise en ligne début mai. Elle a obtenu plus de 3450 signatures à ce jour et les commentaires sur son travail sont plutôt élogieux.
 

Une pétition de soutien des professionnels du spectacle


Celui qui a mis en ligne la pétition, de soutien à Yann Gaudin, préfère rester anonyme. Père de deux enfants, Arnaud (prénom d'emprunt, NDLR) est intermittent du spectacle et se confronte, comme beaucoup de ses confrères, aux méandres de son statut. Il a l'avantage de travailler régulièrement dans l'enseignement supérieur et de par ce fait se sent moins vulnérable que certains de ses confrères. 
 

Tout est parti d’embryons de textes qui ont foisonné sur la toile pour soutenir le travail de Yann Gaudin, et dénoncer les pressions qu’il subissait de la part de son employeur.


"Relayés par plusieurs grandes communautés d’intermittents, très vite la question de « comment le soutenir » s’est posée spontanément dans le monde du spectacle en général" ajoute l'intermittent.

Et d'ajouter : "Une manifestation le jour de sa convocation a d’abord été envisagée, puis faire appel aux syndicats, mais très vite la pétition en ligne est sortie naturellement du chapeau. Qui allait alors la mettre en ligne, avec le risque de voir son nom associé à la démarche avec la crainte de se "griller" comprenez perdre quelques contrats au passage ? En tout cas, c’est fait et les signatures ont afflué très vite et de manière spontanée. Sûrement, car les intermittents ont tous partagé le même sentiment : on ne peut pas se battre contre un Goliath administratif  comme Pôle emploi et tous les textes de loi qui régissent notre statut. On a besoin d’un fil d’Ariane pour nous guider dans ce dédale. Et Yann c'est vraiment ce fil. Il suffit de regarder les commentaires."
 

"Et là où le bât blesse pour les intermittents, c'est que Yann ne fait qu'appliquer la loi, il donne les renseignements justes, qui permettent à certains d'entre nous de sortir de la galère face à tous ces statuts. Car si nul n'est censé ignorer la loi, elle est dure à connaître. Il nous faut un accompagnement, c'est l'intérêt du service public.


"Souvent, on nous renvoie d'un régime à l'autre avec des incohérences. Lui, il a une bonne lecture des textes. Ce n'est pas pour soutirer de l'argent ou je ne sais quoi, juste pour faire face à la précarité dans laquelle bon nombre d'entre nous vivons. Dans un monde où le travail est de plus en plus fragmenté avec des petits contrats par ci par là, ajoutez à cela l'annulation de tous les spectacles cet été... les intermittents comme les personnes les plus fragilisés payent un lourd tribu. Lui, il suit les dossiers, envoie des mails...il nous aide vraiment." explique Arnaud. "Alors pourquoi empêcher quelqu'un d'appliquer la loi? De nous aider?"
 

C'est d'ailleurs étonnant de voir sa hiérarchie lui mettre autant de bâtons dans les roues pour juste faire son travail.


"A croire que les aides ne sont pas pour ceux qui en ont besoin, mais pour ceux qui en ont les moyens. Une chose est sûre on compte bien le soutenir. Et ça semble juste que la loi soit appliquée" conclut l'intermittent. 


La réaction du lanceur d'alerte Yann Gaudin


Yann Gaudin se voit avant tout comme quelqu'un qui fait tout simplement son travail. Il ne nie pas son implication mais estime le faire dans le cadre de la réglementation, ni plus...ni moins. Ne lui dîtes pas qu'il est devenu incontournable, "seulement un conseiller de Pôle emploi qui travaille dans le respect de la loi."

Pourtant, dans le milieu des professionnels du spectacle, il est bien devenu une référence. Mais pour lui, il n'est pas le seul à agir de la sorte à Pôle emploi, même si il est le premier à avoir lancé des alertes.

Il se dit plutôt consterné par la réaction de sa direction depuis 6 ans. Les gens payent Pôle emploi via la T.V.A . Il s’étonne que les cadres ne retrouvent pas la raison de leur mission, à savoir venir en aide aux plus démunis.

Il cite deux études de l’INSERM, un peu datées, qui montrent que les personnes au chômage sont plus exposées à certaines maladies et connaissent un taux de suicide supérieur aux personnes en activités.

"Mais peut être que cela gêne ceux qui détiennent les cordons de la bourse. Ils ne veulent sans doute pas que tout le monde accède à ces droits ?" explique Yann Gaudin. Il cite alors l’article de l'humanité paru en 2018 qui avance le fait que Pôle emploi agit pour le compte de l’Unedic et dénonce le circuit très opaque de la dette de l’assurance-chômage française.
 

"Il y a ceux qui ont les moyens de se payer un conseiller, ils savent déjouer les pièges, défiscaliser, or les précaires ne peuvent pas se payer ce genre de service. Alors c’est bien au service public de leur fournir cette aide" ajoute Yann Gaudin.


Lors de ses différents entretiens de "recadrage" par sa direction, il s’est étonné que "la loi ne prévale pas sur la hiérarchie". A certains cadres lui rétorquant qu' "ils préfèrent obéir à la hiérarchie et c’est comme ça, lui préfère la loi". Surtout "quand celui qui l'applique doit protéger des personnes fragilisées qui parfois peinent à joindre les deux bouts et qui touchent l'A.S.S, l'Allocation de solidarité spécifique."

Il évoque les dossiers où les prestations ne sont pas touchées, des refus étonnants qui représentent plusieurs milliers d’euros. Il parle de droits consciemment spoliés. Il évoque ces petites phrases sibyllines qui amènent à passer à côté de ses droits. "Mais l’assuré en a été informé, donc il ne peut pas revendiquer".

Des informations qu’il met à disposition des intermittents sur son blog. Pour lui, le droit de la Sécurité sociale est complexe, plus complexe à aborder que le droit civil et pénal. Alors, en le défrichant il fait son job et obtient des primes de fin de droit pour les uns ou pour les autres. "Rien de frauduleux, l’esprit de mon travail c’est bien la loi, je ne fais pas de faveurs à un groupe ou un autre" explique-t-il.


La réponse de Pôle emploi


Sollicité ce jour, Pôle emploi nous a répondu par mail. "Pôle emploi pour raison de confidentialité vis-à-vis de ses employés ne souhaite pas s'exprimer sur ces faits. Et particulièrement sur des faits sur lesquels Mr Gaudin n’a pas pu répondre.

Jamais Pôle emploi n’a organisé de système visant à priver les demandeurs d’emploi de leurs droits financiers. Au contraire, les conseillers de Pôle emploi aident au quotidien les demandeurs d’emploi dans leurs démarches. 

M. Gaudin a signalé une suspicion de harcèlement à son encontre. Une enquête a immédiatement été menée. Aucun fait de harcèlement n’a été constaté. A l’écoute de la situation exprimée par M. Gaudin, nous lui avons proposé différentes solutions auxquelles il n’a pas donné suite."


Ce vendredi 29 mai, Yann Gaudin a rendez-vous avec la direction de Pôle emploi pour connaître les motifs de sa convocation du 23 juin. Il travaille en ce moment sur un article de son blog où il devrait délivrer quelques ficelles aux allocataires pour ne pas payer tout ou partie de la C.S.G.
 

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