Les conchyliculteurs ne pourront pas se débarrasser de leurs moules trop petites dans la baie du Mont Saint-Michel

La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a suspendu ce lundi l'arrêté préfectoral qui permettait aux conchyliculteurs de se débarrasser de leurs moules "non commercialisables" dans la baie du Mont Saint-Michel pour la saison 2022-2023

La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'arrêté préfectoral qui permettait aux conchyliculteurs de se débarrasser de leurs moules "non commercialisables" dans la baie du Mont Saint-Michel pour la saison 2022-2023.

Les conchyliculteurs devront donc dans l'immédiat incinérer ou enfouir sous terre les moules, ce qui pourrait représenter un "coût de 600.000 €" pour eux. La seule incinération va générer "4.200 tonnes de CO2 par an", s'inquiète aussi la filière.

Dérogation

Pour rappel, le 8 juillet 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait accordé une dérogation au Comité régional de la conchyliculture de Bretagne Nord (CRC-BN) et ses adhérents pour déposer leurs moules de moins de 4 cm sur trois secteurs identifiés de la baie du Mont Saint-Michel. Dix tonnes de moules par semaine et par hectare pouvaient ainsi, "en moyenne", être épandues sur une zone de dix mètres de part et d'autre des chemins d'accès menant à trois concessions mytilicoles.

Mais deux associations avaient réclamé la suspension de cette "dérogation" préfectorale : l'Association Pays d'Émeraude Mer Environnement (Apeme) et la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPPEF) s'inquiétaient que les dépôts soient "significativement plus importants" cette année.

Les moules sont en effet "globalement de plus petite taille que les années précédentes (...) du fait des conditions climatiques", avaient-elles noté.

La préfecture accusée d'avoir voulu "favoriser les intérêts commerciaux" des conchyliculteurs

Des "photographies très récentes" venaient ainsi démontrer "l'ampleur très importante" des dépôts de moules, qui "affectent considérablement le paysage et l'équilibre de la Baie du Mont Saint-Michel".

L'étude d'impact "n'indique pas davantage le volume de moules déposées", les résidus et émissions du projet "ne sont pas identifiés ni quantifiés" et "leur potentiel polluant n'est pas précisé", pointaient-elles ainsi. D'autant que "l'état initial de l'environnement est lacunaire et se fonde sur des données inappropriées et obsolètes", déploraient les deux associations.

"Les solutions alternatives n'ont pas été véritablement envisagées, résidant notamment dans une pratique de pêche plus vertueuse et respectueuse de la croissance des moules", regrettaient encore l'Apeme et la SPPEF.

L'arrêté litigieux était enfin et surtout entaché d'un "détournement de procédure" dans la mesure où l'Etat avait en réalité "entendu favoriser les intérêts commerciaux des conchyliculteurs".

Des "incidences économiques majeures"

"L'application au sol des moules sous taille est vertueuse pour l'environnement, dans la mesure (...) où elle limite la prédation sur les bouchots et consolide les chemins d'accès aux concessions" répliquait le CRC-BN.

La filière redoutait surtout "les incidences économiques majeures" d'une interdiction d'épandage des moules trop petites : elle est "déjà fragilisée" par la "forte prédation liée à des araignées de mer" qu'elle a connue l'an dernier. Le "déficit pluviométriques des derniers mois" n'a pas arrangé la situation, faisaient aussi observer les professionnels bretons.

"Plusieurs expériences sont menées afin de trouver des solutions de revalorisation des moules sous taille", insistait de son côté le Comité national de la conchyliculture pour inviter la juge à faire preuve de mansuétude. "Elles devraient être finalisées en 2025. La suspension (...) de l'arrêté (...) remettrait en cause l'intérêt de ces études et expériences."

Une de ces "filières de valorisation en cours de développement expérimental" est d'ailleurs "opérationnelle depuis l'automne 2021", appuyaient les services de l'Etat, en parlant du projet Mussela. Si elle "ne présente pas les capacités de traitement de l'ensemble" des moules sous taille, elle a "vocation à pouvoir traiter entre 200 et 300 tonnes de moules".

Un surcoût "absorbable" par la profession

Les projets Mytilimer (Cancale) et Cultimer (Dol-de-Bretagne) devraient pour leur part être "opérationnels" respectivement "en 2024-2025" et "à l'horizon 2025".

Reste que, d'un point de vue juridique, un tel arrêté autorisant l'épandage "ne pouvait être autorisé (...) que par le ministre (...) de l'Agriculture" et non par le préfet d'Ille-et-Vilaine, objecte d'emblée la juge des référés du tribunal administratif de Rennes dans une ordonnance en date du 21 septembre 2022 qui vient d'être rendue publique.

En outre, "si (...) l'étude d'impact (...) apparaît suffisamment développée et détaillée (...), aucune enquête publique n'a été réalisée avant que ne soit autorisé le dépôt au sol des moules sous taille", constate aussi la magistrate rennaise.

Enfin, il n'est "pas établi" par le CRC-BN que le "surcoût allégué" pour procéder à l'enfouissement ou à l'incinération des moules "ne serait pas absorbable par lui-même et ses adhérents" - et cela, en dépit de son "ampleur significative". "Il n'est pas davantage établi que le bilan climatique et carbone de ces deux modes de retraitement (...) serait significativement plus élevé et négatif que la pratique actuelle d'épandage", conclut la juge des référés du tribunal administratif de Rennes.

L'arrêté est donc suspendu jusqu'à ce que le tribunal administratif de Rennes réexamine le dossier sur le fond, cette fois-ci par le biais d'une formation collégiale de trois juges, d'ici douze à dix-huit mois.

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