Le photographe malouin Yves Trémorin publie un ouvrage en forme de retrospective, couvrant la période entre 1977 et 1992. Intitulé Monica, il retrace en filigrane son histoire d'amour avec sa muse et modèle, Monique.
"La photo, on a vécu avec, depuis le début". Ainsi s’exprime Yves Trémorin, le talentueux artiste-photographe malouin.
Jeunes et amoureux, Monique et Yves étaient donc trois, puisque, dès ce 18 juin 1977, au moment de leur rencontre, la photographie s’était invitée dans leur couple.
Un trio qui continue à jouer ensemble depuis cette époque, ce qui aboutit aujourd'hui à la parution d'un livre empli de ces images, Monica.
La participation de Monique, ce n’est pas seulement d’être active comme modèle. Elle regarde, aussi, et elle critique, parfois durement, ce qui est bien. C’est quelque chose qui fait partie de notre vie.
Pour Yves Trémorin, Monique n’a pas été seulement la muse ou l’icône de son amour, elle n’a pas été seulement un superbe modèle dont la beauté des expressions illumine les contre-jours de ces noir et blancs durs ou charbonneux : Monique a contribué à l’œuvre.
De Monique à Monica
À l’époque de ces premières images, aujourd’hui réunies dans « Monica », Yves est étudiant en mathématiques à Rennes.
Mais alors qu’il boucle sa 5ème année et qu’une carrière d’ingénieur s’ouvre à lui, la photographie fait valoir ses droits dans sa vie : c’est d’elle qu’il fera son métier.
Sa formation scientifique n’est pas de reste et s’invite aussi dans l’aventure : pas question d’un travail d’instantanés ni de reportages.
Quand il se lance dans un projet, Yves travaille en amont, se documente, réfléchit, se lance dans un questionnement dans lequel il va donner sa vision du monde.
Ainsi, pour le Mexique, il va lire méthodiquement tout ce qui concerne les Mayas et les Aztèques, leurs croyances, leur calendrier, etc, mais aussi ce qui a trait aux conquistadors, Napoléon III ou la « lucha libre ».
Je ne raconte pas mon histoire, je parle à tout le monde
De même techniquement, il définit un « protocole » (la rigueur scientifique est bien là), qui inclut le choix de l’équipement, petit ou moyen format, nombre de pellicules, type d’image finale, aussi bien que la finalité de rendu, exposition, livre ou autre.
Ensuite, seulement, il se rend sur place, rassemble gens, animaux, objets ayant trait à son projet, et commence son travail de photographe, exclusivement en studio.
"Quand j'y vais, Je sais où je vais, j’ai un plan de travail. Je vais vérifier si ça marche ou pas, parce qu’une fois sur place, il ne s’agit plus de discuter, mais de faire et de ramener des images" explique Yves Trémorin.
Alors qu’il aille au Mexique, qu’il photographie son fils, sa mère ou sa grand-mère, il est toujours question pour Yves Trémorin d’une photographie délibérément radicale, extrêmement personnelle et assumée.
Son regard d’artiste perce la réalité et la plie à son univers intérieur.
Les deux corbeaux, face à face, deviennent ses corbeaux, comme un écho coquin aux images de jeunesse de Monique jouant au loup-garou sous une descente de lit, sur fond de questions posées dans le vent par Bob Dylan, l’omniprésent compagnon avec Lou Reed, de ces images.
Pourtant, malgré l’intimité de leur couple ainsi mise en scène, malgré sa propre présence parfois sur les photos, Yves se défend de tout aspect de « photo de famille » : "Je ne raconte pas mon histoire, je parle à tout le monde. C’est un intime générique, ce n’est donc pas de l’autobiographie".
En 40 ans Yves Trémorin a multiplié les expos de ses travaux de par le monde, et publié de nombreux ouvrages. Monica, le petit dernier, couvre la période de 77 à 92 ; de prochains volumes, raconteront peut-être la suite de son aventure.
Qui est donc, génériquement, celle de tout le monde, ou de personne.