"Les visages du crime", une exposition qui regroupe à Metz 23 clichés des photographes Anthony Picoré, Jean-Christophe Verhaegen et Alexandre Marchi. De Francis Heaulme à Émile Louis en passant par Marc Dutroux, l'ambition des organisateurs est de nous interroger sur notre rapport aux affaires criminelles et les faits divers.
On le connaissait journaliste fait-diversier et chroniqueur judiciaire mais aussi documentariste (Irresponsables, Héroïne, la défaite de Verdun), le voilà désormais commissaire d'exposition. "C'est un peu exagéré" dit en souriant l'ancienne signature du Républicain Lorrain, Alain Morvan, "je ne suis pas tout seul, c'est un projet collectif."
Si les séries ont tendance à héroïser par exemple les serial-killers, l'expo photo permet de provoquer une réflexion sur notre addiction aux faits divers
Alain Morvan, co-organisateur de l'exposition
Avec Marc Charret, l'ancien bâtonnier de Metz, qui préside l'association Arts et justice, une réflexion s'engage il y a plus d'un an autour des affaires criminelles, sujet de fascination, autant que de répulsion. "Les faits divers restent très présents dans les journaux, dans des séries à succès que l'on retrouve sur les plateformes du streaming et même en littérature" explique le journaliste, "l'inconscient collectif est peuplé d'évènements et de nombreux visages liés aux faits divers. Ils sont tellement présents qu'on ne les regarde même plus. Le choix de l'exposition photo permet justement de les regarder en face, les yeux dans les yeux. On arrête le temps. On se pose. Si les séries ont tendance à héroïser par exemple les serial-killers, l'expo photo permet de provoquer une réflexion sur notre addiction aux faits divers. C'est en tout cas notre but."
Pas le buzz mais la réflexion
"Les visages du crime", c'est le nom de cette exposition qui regroupe 23 clichés. Trois photographes ont répondu aux sollicitations d'Alain Morvan : Anthony Picoré, Jean-Christophe Verhaegen et Alexandre Marchi, "des piliers de la pellicule judiciaire, je les croisais souvent dans les tribunaux".
Ce qui m'a marqué avec Francis Heaulme, c'est son regard perçant. Il me regarde droit dans les yeux. Ses traits sont très très durs, c'est glaçant
Alexandre Marchi, photographe
Le responsable du service Photo à L’Est Républicain, Alexandre Marchi y expose notamment un portrait de Francis Heaulme. "2004, le routard du crime est témoin au procès de Jacques Maire" se souvient le photographe, au micro de France 3 Lorraine, "j'ai été voir le président du tribunal et les avocats de Heaulme. Je leur ai demandé si je pouvais faire une photo. On m'a dit s'il est ok, pas de souci. Francis Heaulme est seul à l'image mais il est escorté par huit gendarmes qui se trouvent derrière moi. On s'est dit bonjour, il m'a serré la main avec son bracelet. Ce qui m'a marqué avec Francis Heaulme, c'est son regard perçant. Il me regarde droit dans les yeux. Ses traits sont très très durs, c'est glaçant."
"En général, en justice, le photographe n'a que quelques minutes pour faire ses photos" rappelle Alain Morvan, "c'est compliqué. Juste quelques minutes pour raconter un procès mieux qu'un compte rendu mais il parvient parfois. La preuve !"
Parmi les autres visages exposés, ceux de Nadir Sedrati, Émile Louis, Marc Dutroux, Jean-Louis Muller ou encore Rodica Negroiu ("l'empoisonneuse de Maxéville"). Une photo de Patrick Dils figure également dans le lot. "Même s'il est innocenté à 31 ans, après quinze années passées en prison, il est associé à un crime, indélébile. On a transformé en criminel des gens qui sont innocents. Coupable à Metz et à Reims, Patrick Dils a été jugé innocent à Lyon. Le fait divers dépasse très largement la décision de justice."
Parmi les autres innocentés, Jacques Maire et Jean-Louis Muller, "le temps des procédures, ils sont devenus des visages du crime. Tous les trois ont été innocentés à l'occasion d'un troisième procès. C'est irréel. Comme cette photo de Jacques Maire où son attitude nous interpelle. En général, on voit un accusé dans son box. Et là, Jacques Maire qui a été innocenté du meurtre et de l'enlèvement de trois femmes dans la banlieue de Nancy, a le bras accoudé sur les bancs de la cour d'assises. Il pourrait avoir la même attitude s'il était dans un bar en train d'attendre sa commande. Ce qui est étrange, c'est son expression. Il a un petit air presque satisfait alors qu'il est en train de risquer trente ans de prison. Notre ambition est de reconfronter le public à ce qui s'est passé dans le Grand Est pendant une trentaine d'années."
L'exposition "Les visages du crime" est à découvrir jusqu’au 6 décembre 2024 dans l’atrium de la faculté de droit de Metz. Un QR code permet aux visiteurs d'avoir le making-of de chaque tirage.
Dans la foulée, l'association Arts et justice organisera son festival du film judiciaire au cinéma Klub à Metz les 28 et 29 novembre.