Mais qui se cache sous Chapi Chapo ? C’est Patrice Elégoët ! Ce musicien collectionneur a ressorti de sa malle ses jouets électroniques pour créer son dernier album « Collector ». Rencontre avec cet artisan sonore en pleine campagne des Monts d’Arrée, non loin de Sizun.
C’est la sortie du nouvel album "Collector" de Chapi Chapo. Ce nom qui sans doute ranime un petit coin de votre enfance est porté depuis 2009 par un groupe chapeauté par Patrice Elégoët.
« Chapi Chapo ? c’est un nom que j’ai trouvé quand je me suis mis à faire de la musique avec des jouets musicaux. Je faisais des disques au début pour les offrir à Noël à ma famille, et puis j’ai pensé à ce dessin animé là des années 60-70 qui m’a beaucoup marqué enfant tant par l’esthétique que par la musique du générique Chapi Chapo signée François de Roubaix, grand compositeur qui utilisait des sons synthétiques et assez novateurs pour l’époque. »
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Novateur ? Patrice Elégoet l’est aussi avec sa marque de fabrique, les anciens jouets acoustiques. Ce musicien finistérien qui récupère des trésors musicaux des quatre coins de la planète depuis plus d'une quinzaine d'années, poursuit sa quête de nouvelles sonorités.
En tournée avec ses copains musiciens jusqu’en Chine, Chapi Chapo, au vaste répertoire, joue, hors confinement, autant des concerts rock, notamment avec Tiny Feet, que des spectacles pour enfants : Ciné-concerts, siestes musicales comme Toutouig La La, devant un parterre de groupies âgés parfois seulement de quelques mois.
C’est venu d’une idée comme ça de vouloir tenter de faire de la musique sérieuse, entre guillemets, avec des jouets !
Son nouvel album "Collector" ne s’adresse pas cette fois aux enfants. A écouter ses derniers titres, on imagine derrière, toute une orchestration de synthétiseurs ultra-sophistiqués. Détrompez-vous, ce disque est le fruit d’une gamme de jouets électroniques des années 70, 80 orchestré par ce recycleur hors pair !
Un studio vintage
Vous serez surpris de découvrir le lieu de création avant le mixage de cet album. On prend les petits chemins de campagne pour rentrer dans une grange où deux univers sont juste séparés par un rideau, celui de Patrice remplis de jouets anciens, et de sa compagne Odette Picaud, artiste plasticienne proche de l’art singulier. L’œil se perd dans ce foisonnement de poupées, de tissus, d’objets colorés.
J’ai préféré essayer de trouver des jouets d’époque, des jouets qui avaient encore une âme pour en faire de la musique.
Patrice Elégoët a une sacré collection ! 600 jouets multicolores anciens, toy pianos, cloches, moulins à musique, instruments à vent, flûtes, sifflets, mégaphones et autres petites percussions remplissent les étagères. Son studio est un vrai musée aux motifs et aux couleurs vintages, tapisserie aux fleurs orangées, nappes à fleurs en crochets, et même un berceau en toile dans lequel reposent ses petits synthétiseurs. "Tout ce que j’ai, je l’ai un peu sauvé ! En amassant je me suis rendu compte que beaucoup de choses avaient été imaginées dans les années 50, 60, 70. ».
Des jouets rares que Patrice affectionne, "C’est beau ! c’est plein de couleurs, une facture que l’on ne trouve pas vraiment dans les jouets récents !". Il puise en chacun d’eux la petite note. De dinettes en guise de percussions au tableau d’éveil, en passant par la petite guitare électrique, pas une seule vibration n’échappe à l’oreille de cet artisan sonore !
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Ce musicien de formation classique joue et se joue des conventions musicales.
"Après avoir fait de la flûte traversière pendant pas mal d’années, j’ai voulu essayer d’expérimenter d’autres sons avec des objets détournés que sont les jouets musicaux." Patrice Elégoët a ainsi constitué sa banque de sons originaux, loin de la musique standardisée. "Ça permet d’obtenir de nouvelles sonorités que l’on n’a pas sur des instruments classiques fabriqués à la chaîne, et que l’on retrouve en nombre dans de nombreuses formations."
Mais l’exercice n’est pas si simple de jouer avec des jouets, une approche différente de celle d’un instrument classique. Ce musicien revendique même le droit de jouer faux ! "Ça n’a rien à voir car il n’y a parfois que deux, trois, quatre notes. Certains jouets peuvent sonner un peu faux, après ça a son charme !"
Les possibilités sonores de chacun des instruments étant limitées, les morceaux se composent de sonorités extraites de multiples instruments. "Je 'remplis' pas mal mes musiques ! Je peux juste utiliser une cloche comme ça que je trouve jolie, comme deux notes du moulin à musique, ou juste récupérer le grincement d’un instrument qui interviendra à un moment donné du morceau. Mais j’essaie de me retenir car si on en met trop, on perd parfois l’essence même du morceau !"
"Après avoir fait le tour des instruments acoustiques, j’ai ouvert la grande porte des synthétiseurs !"
Avec son quatrième album "Collector ", Patrice Elégoët a cette fois concentré ses recherches musicales sur les jouets électroniques, des synthétiseurs miniatures des années 1980 aux sonorités rythmiques bien reconnaissables, aux jeux éducatifs à piles, comme l'emblématique Dictée Magique, en passant par des lecteurs K7 ou autres mini-guitares de rockers en herbe. Ce chercheur de sons a ainsi exploré les sonorités de 73 instruments pour composer son album !
« J'ai tiré parti des options rythmiques qu'offrent tous ces petits synthés ludiques: boucles et rythmes pré-enregistrés, pads, etc. L'aspect rythmique prend donc dans "Collector" une place beaucoup plus importante que sur mes précédents albums et maintient une ambiance "8-bits" tout au long du disque." précise Patrice Elégoët.
Des mélodies précédentes plus mélancoliques, Patrice passe à un univers "plus joyeux, plus sautillant, plus dansant ! Comme il n’y pas de graves en général dans les musiques acoustiques, les synthétiseurs apportent une musique plus percutante par les basses."
Champs libre pour les chanteurs conviés à cette marmite musicale
Un beau casting de chanteurs et chanteuses pimente cette marmite musicale : Maxwell Farrington, Laetitia Sheriff, Jad Fair, Rachel Barreda Horwood, G.W.Sok, Troy Von Balthazar et Emilie Quinquis ont eu carte blanche pour écrire leur texte. Une collaboration toujours très intense, même si ce n’est pas si évident de rentrer dans un autre univers. "Ce sont des rencontres qui permettent une alchimie particulière, un truc inattendu, ajoute Patrice Elégoët, c’est très excitant de recevoir la contribution chantée d’un artiste !"
Ecologie, Vieillesse, Amour, chacun a choisi son thème en fonction de la mélodie. Sur les neuf titres de l’album, sept sont chantés. Au total, 25 à 30 pistes par morceau ! Thomas Poli signe le mixage qui s’est fait aussi à distance, confinement oblige !
Pas de concert envisagé pour cet album, un choix assumé pour Patrice Elégoët. "Je n’ai pas voulu penser à la faisabilité de le faire sur scène. Les chanteurs habitant aux quatre coins de la planète, c’est compliqué d’exécuter des morceaux sans qu’ils soient là !" Une contrainte devenue gage de liberté, car "lorsqu’on enregistre un disque sans l’objectif d’en faire un concert, on peut mettre tout ce qu’on veut, c’est pas destiné à être sonorisé alors on peut se lâcher !"
Patrice Elégoët s’amuse et compte encore bien s’amuser ! Quand il n’expérimente pas de nouveaux instruments, il descend dans son jardin, soucieux de développer la biodiversité autour de sa maison. Alors ce musicien qui éprouve aussi le besoin vital de "nature, de boues, de verdure" conviera-t-il peut-être dans son prochain album les chants d’oiseaux ou le bruissement du vent d’automne dans les arbres des Monts d’Arrée.
En attendant, Chapi Chapo prépare son prochain spectacle TILT pour les petits et grands, un concert dans une chambre d'enfant, avec plein de jouets des années 80, tiens tiens !
