Le pass vaccinal, en lecture au Sénat ce mardi, pourrait bientôt devenir obligatoire pour accéder aux restaurants, aux bars, aux salles de spectacles, aux évènements sportifs. Mais qu’en est-il des lieux de démocratie tels les bureaux de vote ? Une députée s'en est inquiété, même si à priori, ils ne sont pas concernés par le dispositif.
C’est un amendement à la loi sur le pass vaccinal déposé par une députée LR du Maine et Loire, Anne-Laure Blin, qui a suscité de nombreux commentaires sur Twitter. Au milieu de plus de 600 amendements déposés par les députés, le sien pouvait en effet attirer l’attention. Il concernait le libre accès aux lieux de démocratie, entendez par là, les bureaux de vote.
"Dans les précédents débats, on nous a dit que ça n’existerait pas", explique la députée, "mais j’ai voulu clarifier les choses d’autant que mon amendement est arrivé après les propos polémiques du Président de la République." L'élue le concède, "on n’a pas de raisons de croire que l’accès aux bureaux de vote sera interdit sans passe vaccinal", mais elle a tenu à le faire préciser par le biais d'un amendement, car "on peut s’interroger quand on voit de jour en jour apparaitre de nouvelles restrictions de libertés." .
L’amendement d’Anne-laure Blin a été rejeté. Ce que la députée a déploré sur son compte Twitter, déclenchant de nombreuses réactions.
On ne peut pas empêcher les non-vaccinés de voter
Pour Erwan Balanant, député LREM du Finistère, commissaire aux lois, qui a voté en faveur du projet de loi, cet amendement est ce que l’on appelle un "amendement satisfait", autrement dit un amendement qui ne servait à rien. Pour lui, c’est avant tout politique.
"Le Conseil Constitutionnel l’avait rappelé lors de la mise en place du pass sanitaire, il ne peut y avoir de conditions d’accès tant aux réunions politiques qu’aux bureaux de vote" explique le député. "C’est anticonstitutionnel et cela ne rentrait donc pas dans le périmètre du projet de loi."
"Je ne vois pas comment empêcher les non-vaccinés d’aller voter" estime le député du Morbihan, Paul Molac, "une telle disposition serait censurée par le Conseil Constitutionnel. C’est tout à fait hors de propos."
Le Conseil Constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé dans sa décision du 9 novembre 2021: "la présentation du pass sanitaire ne peut être exigée pour l'accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques."
cela aurait été jugé contraire à la Constitution
Jean-Philippe Derosier,
Pour Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'Université de Lille, cela semble impossible même "s'il y'a le droit, la volonté politique et la possibilité d'évolution du droit."
Pour lui, "cet amendement était hors champ politique mais pas forcément hors champ de la loi puisque s'inscrivant dans l'objet de la loi qui est de gérer la crise sanitaire. Mais cela aurait été jugé contraire à la Constitution qui protège le droit de vote."
Reste qu' un amendement du député LR Guillaume Larrivé, validé la semaine dernière, prévoit au final que les organisateurs de meetings politiques pourront exiger un pass sanitaire s'ils le souhaitent. Ce qui permettrait aux personnes non-vaccinées d'y accéder avec un test PCR négatif.
Pourrait-on obliger les non-vaccinés à voter par procuration?
Alors si le droit de vote ne peut être remis en question, l'accès aux bureaux de vote, lui, pourrait-il être soumis à un pass en cas de détérioration de la situation sanitaire. Pourrait-on, dès lors, obliger les non-vaccinés à voter par procuration?
"Cela demanderait un nouveau texte, explique Jean-Eric Gicquel, professeur de droit constitutionnel à Rennes 1, il faudrait un tsunami épidémique pour l'envisager car on ne pourra rien proposer en contrepartie. La seule alternative, ce serait le vote par correspondance avec un risque de fraudes. Et puis cela demanderait une sacrée organisation."
En revanche, il estime qu' en rejetant l'amendement de la députée du Maine-et-Loire, le gouvernement s'est laissé une marge de manœuvre. " En l'écrivant noir sur blanc dans la loi, cela aurait été plus compliqué de revenir en arrière si un jour le gouvernement souhaite faire évoluer les textes".
Jean-Philippe Derosier, lui est plus catégorique. "On peut nous dire qu'on n'a pas le droit de voter car on n'est pas de nationalité française ou parce que l'on n'est pas majeur mais pas parce que l'on n'est pas vacciné" estime le professeur de droit constitutionnel.
"En revanche, demain si on opte pour une obligation vaccinale pour tous, le point principal du débat, ce sera les modalités de contrôle. On peut imaginer que le contrôle pourrait se faire au moment des élections. Ce ne serait pas très heureux car cela n'encourage pas la participation mais ce n'est pas impossible."
Mardi, les sénateurs doivent étudier à leur tour le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.
Comme pour le pass sanitaire, il concerne pour l'instant l’accès aux lieux, établissements ou évènements de loisirs, restauration, débits de boissons, foires, séminaires, salons professionnels, déplacements longue distance, grands magasins et centres commerciaux.
Le gouvernement espère sa mise en application dès la semaine prochaine.