Des heures et des heures de négociation et de discussion ont été nécessaires, mais un projet de convention Etat-Région sur l’enseignement du breton est enfin prêt. Il prévoit notamment que, d’ici 6 ans, la moitié des enseignants recrutés pour les écoles maternelles et primaires parlent breton.
"Jusqu’ici, on était un peu dans une histoire de serpent qui se mord la queue, ironise Bernez Rouz, président du Conseil Culturel de Bretagne. On demandait des enseignants qui parlent breton, le rectorat nous expliquait qu’il avait des postes, mais pas suffisamment de candidats bretonnants… et on répondait, forcément, si on n’apprend pas aux gens à parler breton à l’école, ils ne pourront pas ensuite transmettre la langue . On n’avançait pas ! "
"La région n’a pas de compétence directe dans le domaine de l’enseignement," analyse Paul Molac. "Elle finance les lycées, c’est tout."
Nous sommes demandeurs, mais pas décideurs.
Paul Molac, député et conseiller régional
Les négociations sur le projet de convention Etat-Région ont donc duré des mois. "Les propositions de l’Etat étaient indigentes, elles revenaient en arrière sur un certain nombre de points. Nous avons annoncé que nous allions la mettre au vote et que nous allions la rejeter. De nouvelles discussions ont commencé en janvier, elles viennent enfin d’aboutir" se félicite Paul Molac.
La moitié des enseignants recrutés parleront breton
"Le problème principal, c’est le nombre d’enseignants qui parlent breton et qui peuvent donc le transmettre à leurs élèves. Il fallait donner un signe fort". Dans 6 ans, à la fin de la convention, la moitié des postes d'enseignants recrutés dans le premier degré, à l’école maternelle et primaire sera proposée à des étudiants brittophones.
Une prépa sciences de l’éducation en breton va ouvrir ses portes au lycée de l’Iroise à Brest. "Dans un premier temps, elle pourra accueillir 25 élèves, puis 50… puis, on pourrait ouvrir la formation dans d’autres lycées." imagine Paul Molac.
Les élèves qui intégreront la prépa ,et qui maîtrisent déjà le breton, pourront passer leur licence en trois ans. Les autres, qui découvrent la langue pourront bénéficier d’une année de formation supplémentaire.
En parallèle, les heures de breton à l’université seront renforcées. A Rennes, Brest, à Saint Brieuc.
L’idée, c’est de dire, aux jeunes, si vous parlez breton, c’est un plus dans votre vie, et c’est aussi une chance supplémentaire pour les concours.
Paul Molac, député et conseiller régional
Des formations pour les futurs formateurs
Les cours de l’Institut national supérieur du professorat et de l'éducation de Bretagne ( ex IUFM ) de Saint-Brieuc, qui est le seul INSPE à proposer une formation en breton, pourront être suivis à distance depuis les autres instituts.
Le projet de convention aborde également la formation continue pour les enseignants qui ont déjà des bases en langue bretonne et qui souhaiteraient aller plus loin, ou pour ceux qui sont partis enseigner ailleurs, et qui ont pour projet de revenir dans la région.
"Pour cela, on aurait aimé une dotation spécifique, regrette Fulup Jacq, directeur de l’Office Public de la Langue Bretonne. Les rectorats ont des budgets formation. Mais ce sont souvent des stages courts de quelques jours, en informatique, en sciences, en chant. Pour former un enseignant au breton, il faut 9 mois. Une enveloppe pour cela aurait été un vrai plus, car c’est quand même le moyen le plus rapide d’avoir un enseignant bilingue. Comme il est déjà enseignant, ces 9 mois suffisent. Alors que si on prend un jeune, il lui faut 5 ans pour passer le master, avoir le concours etc…'
Un projet pour durer
"Il est important de faire quelque chose de durable et de pérenne. Un enfant qui commence à faire un peu de breton au CP doit ensuite pouvoir continuer, au CE1, puis au CE puis au collège, au lycée " insiste Bernez Rouz.
La convention prévoit aussi un développement de l’enseignement du breton comme langue optionnelle dans les écoles et les collèges.
Aujourd’hui, la langue bretonne compte 225 000 locuteurs, et 20 000 élèves inscrits dans les filières bilingues. Un millier d’enseignants bilingues exercent dans la région. A la rentrée 2020, 7 000 bénéficiaient d’une initiation à la langue bretonne. L’objectif est d’atteindre 30 000 enfants apprenant le breton dans les six années à venir.
"Les choses avancent se réjouit Bernez Rouz, Il faut des enseignants bilingues pour réponde aux attentes de la population. Au Pays de Galles, on a dit, nous n’avons plus que 600 000 locuteurs, l’objectif, c’est 1 million en 2050, et tout a été mis en place pour cela… Ici, nous n’en sommes pas là, mais on avance. "
Le projet de convention doit être étudié par le Conseil Culturel de Bretagne et par le CESER avant la session du Conseil Régional les 24 et 25 février prochains.