Langues régionales : l'ONU tacle la France sur l'enseignement immersif

Suite à la censure de deux articles de la loi Molac par le Conseil constitutionnel, les rapporteurs spéciaux de l'ONU craignent "que l'adoption et l'application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques ". Une bonne nouvelle pour Paul Molac.

Les mots sont forts, clairs et ne laissent pas la place à une quelconque interprétation.

L'ONU craint des atteintes aux droits humains des minorités

Saisis par le réseau européen pour l’égalité de langues ELEN (European Language Equality Network), les rapporteurs de l'ONU estiment que l'inconstitutionnalité de deux articles de la loi Molac décidée par les Sages "peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires de France." 

Dans un courrier de quatre pages adressé à l'ambassadeur de France installé à Genève, les trois rapporteurs spéciaux attirent l'attention du Gouvernement sur les différentes violations de traités internationaux induites par la décision du conseil constitutionnel. Ils relèvent la discrimination qui touche les locuteurs des langues minoritaires et pointent du doigt le risque de traitement différentiel entre la langue anglaise d’une part, et les langues minoritaires de France d’autre part, au sein des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci​.

Fernand de Varennes (rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités), Alexandra Xanthaki (Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels) et Koumbou Boly Barry (Rapporteuse spécial sur le droit à l'éducation) disent craindre "que l'adoption et l'application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France."

La France dit respecter les traités et les lois internationales et là elle se fait épingler sur le respect des droits humains

Paul Molac, député du Morbihan

Pour Paul Molac, qui a donné son nom à la loi, l'interpellation de la France par les rapporteurs de l'ONU est une bonne nouvelle. "Cela fait longtemps que le comité des droits de l'homme se penche sur la façon dont la France traite ses propres langues minoritaires. Des recommandations avaient déjà été adressées au gouvernement mais le problème c'est que la France estime qu'il n'y a pas de minorités sur son territoire ! "

Le député morbihannais estime que cette position officielle de l'ONU est "intéressante" car elle met la France face à ses responsabilités et à ses contradictions. "La France dit respecter les traités et les lois internationales et là elle se fait épingler sur le respect des droits humains".

Une modification inéluctable de la constitution ?

L'ONU et ses rapporteurs n'ont aucun pouvoir contraignant ou prescriptif. Ils ne peuvent pas prendre de sanction mais émettent des recommandations que les gouvernements prennent en considération ou pas. Dans le courrier adressé les signataires de l'ONU demandent au gouvernement français des informations et des explications.

Mais si la France veut se mettre en conformité avec la Convention internationale sur les droits de l’enfant, avec le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou encore avec la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, alors elle devra revoir sa constitution, affirme Paul Molac.

Pour mémoire, le député breton rappelle qu'en son temps, la loi sur la parité avait été considérée comme inconstitutionnelle. La constitution avait alors été changée.

Rappel des évènements

Le 8 avril 2021 les députés adoptent, à 247 voix pour et 76 voix contre, la loi sur les langues régionales portée par le Breton Paul Molac qui donnera son nom à la loi.

Le 22 avril une soixantaine de députés de la majorité opposés à la loi déposent un recours devant le conseil constitutionnel.

Le 21 mai 2021, le Conseil constitutionnel établissait l'inconstitutionnalité de "l’enseignement immersif dans une autre langue que le français et de l’utilisation de signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état civil ".

Malgré cela et dans un soucis d'apaisement le Président de la République défendait sur les réseaux sociaux l'enseignement en immersion.

La coordination culturelle associative de Bretagne, Kevre Breizh, tiendra une conférence de presse mardi 5 juillet à Rennes, à ce sujet

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