La riposte n’a pas tardé. Quelques jours après la saisine du Conseil constitutionnel sur les langues régionales, les défenseurs du breton se sont rassemblés pour demander que la loi dite Molac soit maintenue et s’applique.
Echarpes tricolores sur la poitrine, ils étaient une cinquantaine devant le Parlement de Bretagne.
Des élus, des membres d’associations de défense de la langue bretonne, des parents d’élèves, tous partagés entre colère et déception depuis l'annonce de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés de la République en Marche, au sujet de la loi sur les langues régionales.
"Jacobinisme", "centralisme ", Loïg Chesnais-Girard, le Président de la région donne le ton : "nous avons en Bretagne des particularités, nous avons en Bretagne une identité, mais cela n’affaiblit pas la République, nos identités s’additionnent, se renforcent."
Une longue histoire de mésentente
"La langue de la République, c’est le français", c’est l’article 2 de notre Constitution ! Pendant longtemps, disent certains, c’était simple, ça voulait dire, circulez, il n’y a rien à voir !
La révision constitutionnelle de 2008 avait certes modéré le propos en ajoutant l’article 75-1 : "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". Mais depuis des décennies, le sujet divise.
Alors le vote, le 8 avril dernier, de la loi dite Molac sur les langues régionales (adoptée avec 247 voix pour, 76 contre et 19 absentions) avait pour beaucoup, un petit air de victoire… au point de voir les députés bretons entamer le Bro Gozh sur les marches de l’Assemblée nationale.
Après le vote d'une loi sur les #languesregionales , quoi de mieux qu'un Bro Gozh avec les collègues bretons ! pic.twitter.com/1zvSs7HaHS
— Paul Molac (@Paul_Molac) April 8, 2021
Mais 15 jours plus tard, alors que la loi allait être promulguée, coup de théâtre ! Le Conseil constitutionnel annonce le jeudi 22 avril au soir, avoir été saisi pour statuer sur la loi concernant la protection des langues régionales.
Un article notamment inquièterait les députés à l'origine de la saisine : le forfait scolaire, c'est à dire la participation des mairies aux dépenses de fonctionnement des établissements privés sous contrat avec l’État, quand un enfant est scolarisé dans une autre commune. Cela représente entre 530 et 1500 euros par élève.
"Mais de quoi ont-ils peur ?" s’interroge Paul Molac depuis que la saisine a été rendue publique. "Rien dans ma loi n’est anticonstitutionnel, insiste le député du Morbihan.
"Le conseil s’est prononcé à plusieurs reprises sur les langues régionales, il dit qu’on ne peut pas obliger les parents à inscrire leurs enfants dans une classe bilingue, ce n'est évidemment pas dans ma loi, et il dit que ce n’est pas parce que vous êtes dans une classe bilingue que vous ne devez pas avoir le socle commun et donc savoir parler français, la loi ne propose pas le contraire."
La première classe Diwan a ouvert à Ploudalmézeau dans le Finistère en 1977. À la première rentrée, l’école en immersion en langue bretonne n’accueillait que 5 élèves. En septembre dernier, 4 063 élèves étaient inscrits dans ses 48 écoles, 6 collèges et ses 2 lycées.
Aujourd’hui, la moitié des élèves de Diwan viennent d'une autre commune que celle où se situe l'école.
Le forfait scolaire prévu par la loi Molac permettrait à l’association de financer les salaires de son personnel non enseignant, ATSEM et personnel de cantine, soit 200 personnes qui travaillent pour les écoles Diwan.
Plusieurs députés LREM présents pour défendre la loi
Les députés se sont engagés avec une large majorité sur la loi #languesregionales. Je suis étonné de l'action de 60 collègues députés auprès du #conseilconstitutionnel. J'étais aujourd'hui au Parlement de #Bretagne pour faire valoir mon soutien à la langue bretonne pic.twitter.com/jLV8FTSZaZ
— Yves DANIEL (@ydaniel_depute) April 26, 2021
Yannick Kerlogot, député des Côtes d’Armor, Anne-France Brunet, députée de Loire-Atlantique sont venus dire leur incompréhension devant la saisine du conseil constitutionnel par certains de leurs collègues.
"On sait que sans enseignement de nos langues régionales, elles sont amenées à disparaître", insistent-ils tous deux.
Selon la dernière enquête sociolinguistique, la Bretagne compterait aujourd’hui 207 000 locuteurs bretonnants, contre 1 300 000 au début du 20ème siècle. La moyenne d’âge des personnes qui parlent breton est de 70 ans. 3% des bretonnants ont entre 15 et 24 ans. La langue perd 5 à 6 000 locuteurs par an quand seuls 1 000 sont formés.
Sur l’atlas de l’UNESCO des langues en danger dans le monde, le breton est classé dans les langues " sérieusement en danger ".
Le Conseil constitutionnel dispose d’un mois pour se prononcer. Sa décision pourrait donc tomber en plein milieu de la campagne pour les élections régionales !
Ca pourrait bien encore faire du Reuz dans le Landerneau !