En un an, la filière de production des masques chirurgicaux et FFP2 en France a complètement changé de visage. La réindustrialisation voulue par le chef de l’Etat a bien eu lieu même si les industriels bretons estiment que les pouvoirs publics ne favorisent pas toujours le made in France.
Souvenez-vous, c’était il y a un an. Le confinement battait son plein et les membres du gouvernement répétaient que le port du masque n’était pas indispensable. Nous découvrions que la France n’avait pas le stock nécessaire pour faire face à une épidémie et, qu’en Bretagne, l’usine de masques de Plaintel dans les Côtes-d’Armor avait mis la clef sous la porte en 2018 car l’Etat n’avait pas honoré ses commandes.
Bref: un autre monde, où l’on prenait soudainement conscience de la dépendance de notre pays aux produits importés, notamment de Chine. La fabrication de masques devenait alors un enjeu stratégique pour la nation, comme l’expliquait Emmanuel Macron depuis l’usine de Saint-Barthélemy-d’Anjou dans le Maine-et-Loire le 31 mars 2020:
Il nous faut aussi produire davantage en France, sur notre sol. Produire parce que cette crise nous enseigne que sur certains biens, certains produits, certains matériaux, le caractère stratégique impose d'avoir une souveraineté européenne. Produire plus sur le sol national pour réduire notre dépendance et donc nous équiper dans la durée.
Cinq usines bretonnes, 26 millions de masques par mois
En un an, la situation a en effet bien changée. La Bretagne s’est dotée de cinq usines fabriquant des masques chirurgicaux et FFP2: la société Les Celluloses de Broceliande à Ploërmel dans le Morbihan, travaillant pour le groupe Les Mousquetaires, a produit depuis août 2020 près de 80 millions de masques. MPtec à Québriac en Ille-et-Vilaine en sort 200 000 par jour. Le finistérien Protect’me en fabrique 500 000 par mois et les costarmoricains La Coop des masques et M3 Sanitrade en confectionnent respectivement 2,5 millions et 7,5 millions par mois.
Des entreprises implantées dans tous les départements bretons et produisant au total pas moins de 26 millions de masques par mois. Des sociétés qui se sont créées pour répondre aux besoins sanitaires et à l’émergence d’un nouveau marché porteur, selon la volonté du chef de l’Etat mais sans vraiment de coup de pouce comme le regrette Joël Gourmelon le fondateur de Protect’me à Ploudaniel:
Nous n’avons reçu, en ce qui nous concerne, aucune aide de l’Etat. Moi, j’aurais aimé être davantage soutenu peut-être au travers de commandes de masques mais les pouvoirs publics ne jouent pas toujours le jeu. La plupart des marchés publics ne regarde que les prix et pas le lieu de fabrication des masques.
Privilégier la qualité au prix des masques
Résultat: le marché asiatique rafle encore beaucoup d’appels d’offre. “80% des achats vont au moins cher et donc aux Chinois”, confirme Franck Lecoq, le directeur général de Sanitrade France situé à Ploufragan dans les Côtes-d’Armor. “Ce ne sont pas seulement les collectivités, il y a aussi les entreprises et tous les acteurs de la santé. Pourtant, chez nous, l’écart de prix avec le masque chinois n’est pas énorme”.
Il serait temps que les appels d’offre ne regardent pas simplement les prix des masques mais intègrent l’ensemble des coûts afférant aux produits: le transport, le stockage, l’empreinte carbone et la filière de recyclage par exemple. Nous recyclons nos masques mais je ne suis pas certain que ce soit le cas des Chinois.
A quelques kilomètres de là, le constat est partagé par Guy Hascoët, à la tête de la Coop des masques de Grâces. L’ancien secrétaire d’Etat a même fait passer le message il y a quelques jours à un membre du gouvernement :
Il faut revoir les critères des appels d’offre en privilégiant la qualité plutôt que le prix des masques. Cela permettra de favoriser le marché français, de faire de la protection sans faire de protectionnisme. On pourrait inclure des critères d’insertion sociale, de circuit court et d’empreinte carbone. C’est ainsi que l’on va sécuriser la filière.
Reportage de France 2 du 25/01/21- Masques : de nouvelles unités de production voient le jour en Bretagne
Un masque jaune pour le Tour de France
Les entreprises du territoire peuvent tout de même compter sur la solidarité bretonne. La région Bretagne commande des masques pour faire vivre l’économie locale. Joël Gourmelon avoue même qu’il peine à répondre à la demande des particuliers. Les masques "Diwall" de la société Protect’me sont plébiscités par les Finistériens mais aussi par certaines collectivités comme Fouesnant.
Les clients sont sensibles à l'implantation bretonne. Ils veulent soutenir l’emploi local et sont rassurés sur la qualité des produits. Nous personnalisons aussi nos masques grâce à une impression à l’ultrason. Nous avons ainsi créé un masque avec le logo du Stade brestois et nous lançons un masque jaune pour le Tour de France qui partira de Brest en juin prochain.
Les fabricants de masques bretons sont en pleine croissance. Protect’me va doubler sa capacité de production dans quelques semaines, la Coop des masques va passer de 21 à 36 salariés et M3 Sanitrade devrait employer une centaine de personnes en 2022.
Il faut dire que les deux usines costarmoricaines vont ajouter une corde à leur arc en assurant d’ici l’été la production de Meltblown, le textile filtrant nécessaire à la composition des masques. Elles font partie des 10 usines en France sélectionnées par l’Etat ( tout comme l'usine Lydall dans le Morbihan) pour produire cette matière et se libérer davantage du marché chinois.
Franck Lecoq, qui a travaillé dans l’usine de Plaintel, mesure le chemin parcouru en un an:
Il y a un an nous n’existions pas encore. Depuis Plaintel on a fait un "reset", et nous sommes en bonne voie pour assurer l’autosuffisance de la France en masques. Pour autant, nous n’avons reçu aucune commande de l’Etat. Je serais curieux de connaître la provenance des masques du stock français. Quelle est la proportion de masques français et européens par rapport aux masques asiatiques ?
Toutes les usines bretonnes de masques croient en leur avenir mais attendent de voir comment le marché va évoluer dans les années qui viennent, et si l’Etat français va bien poursuivre dans cette volonté de réindustrialiser le pays.