Les projets de M3 Sanitrade et de la Coop des Masques, nés lors du premier confinement, sont dans la dernière ligne droite. Deux usines de masques doivent démarrer leur production en décembre et en janvier. A court terme, 100 à 150 millions de masques devraient être ainsi fabriqués en Bretagne.
Une pénurie masquée par l’Etat. Sans sortir la boule de cristal, c’est sans doute ce qui restera dans l’histoire du premier confinement. En dix ans, la France a fortement réduit son stock de masques de protection.
Il a tellement fondu qu’au printemps 2020, il n’est plus suffisant pour faire face à la première vague de l’épidémie de coronavirus. Pourtant, voilà peu, il y avait encore des moyens de production sur le sol français, et notamment en Bretagne. Symbole de ce formidable gâchis : l’ancienne usine de masques de Plaintel dans les Côtes d’Armor fermée en 2018 par l'américain Honeywell.
Lors du premier confinement, le fiasco de l’usine de Plaintel avait réveillé les esprits et les bonnes volontés. Résultat, à l’heure du second - ou deuxième pour les pessimistes - deux usines s’apprêtent à démarrer la production de masques sur le territoire costarmoricain.
L’une d’elles est tout près de Plaintel, à Ploufragan. M3 Sanitrade est porté par l’homme d’affaires libano-suisse Abdallah Chatila qui a investi les anciens locaux de Chaffoteaux et Maury, le site du fabricant de chaudières, fermé définitivement en 2013.
L’autre se trouve à Grâces, près de Guingamp. Cette fois, dans les anciens locaux d’Alcatel, la Coop des Masques se prépare, elle aussi, à lancer la fabrication.
Des masques M3 Sanitrade pour janvier
La société existe depuis le mois de juin après l’achat de 25.000 m2 sur la friche de Chaffoteaux et Maury. Près de 30 millions d’euros ont été investis dans ce projet. Sur place les travaux d’aménagement pour deux tranches de 5000 m2 ont démarré début août.
L’atelier de production N°1 doit être prêt pour le 14 décembre. Les machines de fabrication française, commandées fin juillet, sont attendues courant décembre. « L’objectif c’est de pouvoir démarrer la production au mois de janvier 2021 » affirme Franck Le Coq, le directeur du site.
« Nous démarrerons avec deux lignes, l’une pour les masques chirurgicaux, l’autre pour les masques normés, c’est-à-dire les FFP1, FFP2 et FFP3. A partir du moment où les lignes tourneront à leur pleine capacité, les productions commenceront et en même temps, nous aurons des tests à réaliser. Nous aurons déjà au préalable fait certifier nos masques et nous pourrons, dès janvier, les commercialiser » poursuit Franck Le Coq.
Selon la demande, la production sera comprise entre 50 et 100 millions d’unités pour la première année, sachant que deux autres lignes doivent entrer en service au mois de juin.
Un dimensionnement nécessaire pour faire face à la demande.
Pour Franck Le Coq, « au vu des retours commerciaux que nous avons, nous pensons que l'outil de production peut être rapidement saturé. Cela montre bien que nos décisions vont aboutir à quelque chose qui va servir l'intérêt de tout le monde ».
En terme d’emplois, 25 personnes ont déjà été embauchées, notamment pour assurer la commercialisation des futurs masques. Début 2021, cet effectif sera porté à une quarantaine de personnes, avec des conducteurs de lignes, des techniciens de maintenance, ou encore des contrôleurs de qualité.
5,5 millions d'euros pour la Coop des Masques
Il s’agit là d’un projet coopératif et solidaire. Le modèle est celui d’une SCIC, une Société Coopérative d’Intérêt Collectif.
Hors bâtiment, l’investissement est de 5,5 millions d’euros. En achetant des parts sociales, n’importe quel citoyen peut y participer. « On a mis dans nos statuts la non rémunération du capital », rappelle Guy Hascoët, le président de la Coop. « Le capital de la coopérative ne rémunèrera donc personne : tout sera réinjecté dans le développement et les projets ».
La Coop des Masques s’est installée à Grâces, près de Guingamp, dans les anciens locaux d’Alcatel. Les travaux d’aménagement sont là aussi en cours. « On tient les délais prévus » tient à préciser Guy Hascoët. « Evidemment, on a séquencé le chantier de manière à pouvoir mettre les machines au point début décembre, et normalement, à mi-décembre, on sera en production ».
Deux lignes vont donc être accueillies début décembre pour fabriquer des masques chirurgicaux et FFP2. 30 millions d’unités pour les premiers, 15 pour les seconds. C’est l’objectif affiché, sachant que la production peut monter à 70 millions d’unités avec des équipes en trois-huit.
Une vingtaine de personnes sont déjà à pied d'oeuvre. Une quinzaine d'autres les rejoindront au printemps 2021.
« On sent que beaucoup d'acteurs ont compris que la situation vécue appelait une réponse nouvelle », résume Guy Hascoët. « C'est-à-dire re-territorialiser, pas toutes les commandes, mais une partie, pour sécuriser les choses, être sûr d'avoir un ancrage territorial ».
Décembre, janvier, certes l’échéance se rapproche. Mais il aura tout de même fallu de longs mois pour recréer et relancer une activité qui voilà deux ans, existait encore dans les Côtes d’Armor. Une leçon à méditer.